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La Question Prioritaire De Constitutionnalite

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démontrent que les justiciables et leurs conseils se sont appropriés cette procédure (1.1.) qui, elle-même, a fait la preuve de son efficacité (1.2.).

1. 1 - LA QPC S’EST IMPOSEE, EN UN AN, COMME UNE VOIE DE RECOURS ATTRACTIVE

Les justiciables, enfin « majeurs constitutionnels » selon l’expression du Président Badinter, se sont massivement emparés de la possibilité de contester la constitutionnalité d’une disposition législative à l’occasion d’un litige administratif, pénal ou civil. Le Conseil constitutionnel a été destinataire, à ce jour, de 401 décisions de la part du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation [1]. Un tiers, soit 123 décisions, sont des renvois d’une question de constitutionnalité, provenant de manière équilibrée des deux ordres de juridiction (le Conseil d’Etat a renvoyé 52 questions contre 55 pour la Cour de cassation).

Ce succès quantitatif est confirmé au sein de chaque ordre juridictionnel. Dès le début du mois de mars 2010, le Conseil d’Etat a été saisi par les justiciables directement, ou par les TA et les cours, de 256 questions dont 60% lui ont été directement soumises, en cassation, cette faculté exceptionnelle étant permise par la loi organique. 581 questions ont été posées à la Cour de cassation, pour 20% par les cours d’appel, 40% par les juridictions de première instance et 40% directement devant elle.

Le système de double filtre (les juridictions subordonnées d’abord, les cours suprêmes ensuite), dont on pouvait craindre qu’il allonge la durée des contentieux et nuise à l’efficacité du mécanisme, semble bien fonctionner. Jamais les cours suprêmes n’ont dépassé le délai de trois mois qui leur est imparti pour décider de transmettre ou non une question, le délai moyen s’établissant devant le Conseil d’Etat comme devant la Cour de cassation autour de deux mois et demi.

Pas de bouchon donc, selon les chiffres, et une véritable appropriation par les citoyens, mais qui resterait lettre morte si le Conseil constitutionnel ne se saisissait pas à plein de sa nouvelle compétence. Or, en un an, 102 décisions, sur les 123 QPC portées devant lui, ont été rendues par le Conseil constitutionnel : 47 de conformité, 9 de conformité avec réserve, 22 de non conformité partielle ou totale et 24 de non-lieu. Le délai moyen de jugement devant le Conseil constitutionnel, pourtant peu habitué à connaître un contentieux aussi important et qui a dû mettre en place une procédure contradictoire, est de 2 mois. En définitive, en un an, la QPC apparaît comme une procédure attractive, rapide et efficace.

1. 2 - QUELQUES RESULTATS CONCRETS POUR L’ETAT DE DROIT

Le filtre exercé par les juridictions suprêmes a joué son rôle de manière satisfaisante : la réforme ne devait conduire ni à un blocage du Conseil constitutionnel, qui aurait été submergé par les QPC, ni à un filtrage excessif des questions.

Les questions qui ont effectivement été renvoyées au Conseil constitutionnel ont porté sur des sujets importants, touchant toutes les branches du droit. Dans le domaine du droit pénal, l’abrogation des articles du code de procédure pénale relatifs à la garde à vue de droit commun (décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010) a été saluée dans le débat public. Dans le domaine fiscal, qui représente 60% des questions soulevées devant le juge administratif, dans celui du droit social, du droit de la famille ou encore du droit électoral, de nombreuses questions ont été soulevées. En outre, il faut souligner que les collectivités territoriales sont à l’origine de 7% des questions soulevées devant le juge administratif et qu’elles ont saisi la QPC pour contraindre l’Etat à envisager une compensation financière des transferts de compétence qui leur ont été imposés.

Les abrogations prononcées par le Conseil constitutionnel participent dans certains cas d’un dialogue institutionnel utile. Ainsi, lorsque les juges de la rue de Montpensier ont inauguré leur nouvelle compétence par la censure du régime de cristallisation des pensions des étrangers, ils ont renvoyé au Parlement le soin de compléter la loi. Symbolique par sa matière, l’inégalité censurée ayant été dénoncée de longue date, y compris au cinéma par le film Indigènes, la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 l’est donc aussi par ses conséquences, le Conseil constitutionnel ayant choisit de différer les effets de l’abrogation prononcée et de dicter l’agenda législatif en donnant au Gouvernement jusqu’au 1er janvier 2011 pour réécrire le dispositif, ce qui a été fait : alors que l’on pouvait redouter que le calendrier parlementaire déjà chargé soit un obstacle à l’effectivité de la réforme en laissant des vides juridiques non comblés, il faut souligner que le parlement a adopté les nouvelles règles du régime des pensions des étrangers à l’occasion de la loi de finances pour 2011, respectant ainsi l’injonction du juge constitutionnel. Le Parlement et le Gouvernement jouent donc le jeu.

Les décisions de conformité, avec ou sans réserve, sont également intéressantes. Certaines révèlent le soin que le Conseil constitutionnel met à ne pas empiéter sur le pouvoir politique. Ainsi peut s’analyser le refus de déclarer contraire au principe d’égalité l’interdiction du mariage homosexuel [2] ou de l’adoption au sein d’un couple non marié [3], ou encore le brevet de constitutionnalité donné au dispositif « anti-Perruche » relatif aux conséquences des erreurs de diagnostic prénatal [4]. D’autres sont plus surprenantes : ainsi, la loi sur les gens du voyage qui donne au préfet des pouvoirs de police exorbitants du droit commun a été validée en quelques lignes peu convaincantes [5], il est vrai avant que la polémique sur les Roms n’éclate dans le débat public.

Certes, on peut regretter la timidité avec laquelle le Conseil constitutionnel se penche sur certaines questions, relatives notamment au droit des personnes et de la famille. Mais la légitimité du Conseil constitutionnel en dépend sans doute, tout comme en dépend la pérennité d’une réforme encore récente. Par ailleurs, la nature même du Conseil constitutionnel implique une forte dose d’imprévisibilité dans ses décisions, sujet sur lequel il conviendra de se pencher (cf. infra).

Certes encore, certaines décisions de non-renvoi par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation ont pu être discutées : si les deux cours suprêmes doivent absolument résister à la tentation de s’ériger, de manière trop systématique, en « juge constitutionnel positif » (c’est-à-dire de reconnaître le caractère non sérieux de la QPC et donc la constitutionnalité de la disposition législative contestée, en ne transmettant pas la question au Conseil constitutionnel) et si les questions doivent être renvoyées dès lors que l’argumentation est sérieuse, il est évident aussi qu’un filtre est institué pour jouer son rôle. Lorsque la censure pour inconstitutionnalité paraît très invraisemblable, il est de la responsabilité de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat de ne pas renvoyer la question. C’est cet équilibre qui doit continuer à se construire maintenant.

2 - FACE AUX RETICENCES DE LA COUR DE CASSATION, LE PARLEMENT A REAGI EN LAISSANT TOUTEFOIS DE COTE L’ENJEU MAJEUR QUE DEVRAIT CONSTITUER UNE REFLEXION GLOBALE SUR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Véritable bouleversement de la tradition politique et juridique française, cette première année d’existence a vu s’affronter à fleurets à peine mouchetés le pouvoir politique et l’autorité judiciaire (2.1.) sans que les fondamentaux de la réforme ne soient remis en cause et alors même qu’une réflexion sur le Conseil constitutionnel aurait dû être menée (2.2.).

2. 1 - LA MISE EN ŒUVRE DE LA REFORME A DONNE LIEU A UNE PASSE D’ARMES ENTRE LA COUR DE CASSATION ET LE PARLEMENT

C’est, de manière surprenante pour les non initiés, aux réticences de la Cour de cassation que la réforme a dû faire face. Forte de sa longue existence et de son rôle de gardienne des libertés individuelles, la Cour de cassation, inquiète de voir son autorité et son rôle d’interprète de la loi subordonnés au juge constitutionnel, a rendu plusieurs décisions provoquant de sérieuses tensions avec le Parlement.

En décidant d’abord de transmettre à la CJUE la question de la conformité de la loi organique, c’est-à-dire du principe même du caractère prioritaire de la QPC, aux principes communautaires de primauté du droit de l’Union européenne (décision du 16 avril 2010, n° 10-40002), la Cour de cassation a provoqué un clash. Légitime sans doute d’un point de vue théorique, ce renvoi a été perçu comme une volonté de faire obstacle à la réforme (qui sera tout de même jugée conforme au droit de l’Union par la CJUE)[6]. Plus encore, en refusant de renvoyer la question de la constitutionnalité de la loi Gayssot relative au délit de contestation des crimes contre l’humanité (7 mai 2010, Mme X et a. c/ FNDIRP, n° 09-80774), en excluant la possibilité pour les justiciables de contester, par la voie de la QPC, l’interprétation donnée à la loi par la jurisprudence ou en refusant de renvoyer la question de la motivation des arrêts des cours d’assises (7 arrêts du 4 juin 2010), la Cour de cassation a pu être regardée comme ayant « conduit à ce

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