Avorter au xviième, l'affaire guerchy, plan détaillé
Commentaire de texte : Avorter au xviième, l'affaire guerchy, plan détaillé. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Mérian Cremmel • 23 Novembre 2023 • Commentaire de texte • 2 528 Mots (11 Pages) • 255 Vues
Mérian Huffschmitt-Cremmel DLDH-2 15/11/23
TD AVORTEMENT
« Cy gist la mère criminelle, Cy gist le malheureux enfant Qui reposoit dedans le flanc De cette marastre cruelle. » Voici un extrait de ce qu’il est possible de lire sur l’épitaphe de Marguerite de Régnier dit Mademoiselle de Guerchy, morte en 1660 des suites d’un avortement clandestin.
Mademoiselle de Guerchy, issue de la noblesse Française, demoiselle d’honneur de la reine-régente Anne d’Autriche de 1644 à 1654, tomba enceinte de François-Marie de l'Hospital, duc de Vitry suite à une relation adultérine. Le duc de Vitry alors déjà marié aurait contraint mademoiselle de Guerchy à avorter en conséquence. Il est ainsi rapporté dans l’ouvrage Galanteries des rois de France écrit par l’Historien du XVIIème Siècle Claude Vanel « Elle eut beau lui dire qu'elle seroit ravie d'avoir ce gage de son amitié ; il voulut absolument qu'elle fît périr ce fruit de leurs amours, et lui envoya une sage-femme qu'on nommoit la Constantin... ». C’est de cet avortement contraint que périt Mademoiselle De Guerchy, et que s’ouvre le procès de Marie Leroux, dit Mme de Constantin, Sage-femme ayant procédé à l’avortement de Mademoiselle de Guerchy.
En effet ; Durant l’été 1660 Mme de Constantin est condamnée à mort pour avoir selon les termes du lieutenant criminel ; personne en charge des enquêtes et des procès à caractère criminel ; « par de mauvaises voyes moyens illicites et pernicieux destruict le fruict dont une demoiselle estoit grosse et causé sa mort ». Cette affaire, unique dans la mesure où elle est la seule connue à ce jour ayant abouti à une condamnation à mort pour la sage-femme ayant pratiqué l’avortement est ici témoignée par Guy Patin, Médecin contemporain à l’affaire, par le biais de ses correspondances s’adressent à son confrère André Falconnet. Ces correspondances font parti d’un ensemble de plus de 400 correspondances, il est à noter également que Guy Patin fut l’instructeur du fils d’André Falconnet Noël Falconnet.
Ces correspondances, nous sont ici présentées à l’étude portant l’intitulé : « Avorter au XVIIe siècle : L’affaire Guerchy ». L'auteur ayant défendu une thèse sur l'avortement thérapeutique en 1625 est donc loin d’être indifférent à la cause de l’avortement et dresse à travers ses correspondances un témoignage précis du procès de Madame Constantin que ce dernier détaille à mesure que les évènements se produisent en prenant soin d’ajouter des informations médicales concernant l’avortement. Par ailleurs Guy Patin va directement au contact des acteurs du procès comme le lieutenant-criminel permettant ainsi d’appréhender les mécanismes de pensées et de décisions aboutissant à la finalité du procès.
Cependant, il convient d’ores et déjà de préciser qu’il peut découler du document un certain manque d’objectivité de la part de l’auteur. En effet, adoptant des positions plutôt conservatrices, proches du jansénisme, mouvement théologique et religieux qui a émergé au XVIIe siècle, mettant l’accent sur la prédestination, la grâce divine, et s'opposant aux thèses jésuites sur la liberté humaine, critiquant certaines tendances perçues comme libérales ou laxistes. ce qui peut par conséquent se ressentir à travers l’avis que l’auteur porte sur l’avortement en lui-même et sur l’affaire de manière générale.
Il semble ainsi intéressant d’étudier à travers ce document les débats autour des pratiques médicales, les influences religieuses, et les conflits sociaux du XVIIe siècle. Et de se demander comment les lettres de Guy Patin révèlent-elles les tensions entre la médecine, la religion et la justice, ainsi que les perceptions de la maternité et de la mort à cette époque ?
Il conviendra de voir dans un premier temps les objections faites à l’avortement par l’auteur, avant de voir la condition de la sage-Femme pour enfin finir sur les perceptions sociales de l’avortement au XVIIème siècle.
- Guy Patin, médecin Catholique et conservateur face à l’avortement
- Des jugements présumés établis à l’égard de profil visés
- « Je leur ai dit qu'il y a en France des Juifs déguisés, qui palmarium facinus reputant occidere gentem. » Par cette injonction offensante à l’égard des juifs dont la locution latine signifie ; « qui considèrent comme un crime louable de tuer les non-juifs » L’auteur s’inscrit dans une longue et perpétuelle tradition de haine des juifs particulièrement prégnante en Europe où ces derniers sont souvent désignés comme boucs-émissaires, complotant contre le reste de la société et responsable des maux qui l’accablent. Par ailleurs, à travers l’aveu « je faisais allusion à un certain », Il est possible d’y discerner une attaque directe à l’un de ses confrères, encore une fois sur le seul fait qu’il soit juif
- « Il court ici un libelle de huit pages in-quarto, par lequel il est prouvé que le crime, dont la dame Constantin sage-femme est depuis peu accusée, n'est qu'une suite de la doctrine des Jésuites, et aussi pour détromper les dames qui se laissent abuser par cette erreur sous prétexte que les Pères l'enseignent dans leurs livres ». L’attitude anti-jésuite adoptée par l’auteur dans cette citation, fait transparaître les tensions théologiques et philosophiques de l’époque particulièrement entre les Jansénistes et les Jésuites étaient forts faits transparaître une position conservatrice et d’aspiration janséniste de ce dernier qui dénonce directement une prétendue tolérance des jésuites envers l’avortement relatée par un libellé de huit pages. Il convient alors de penser que par cette affirmation, l’auteur tend à atténuer la responsabilité de Madame de Constantin dans l’affaire pour amplifier la critique faite aux jésuites
- « que ces Pères passe-fins aient tant de crédit pour les opinions extravagantes et dangereuses qui sont dans leurs livres et leurs Apologies... » en connotant l’injonction pères passes-fins signifiant ; plus rusés que quiconque, Guy Patin établit encore une critique à l’égard des jésuites et critique une certaine forme d’abus de notoriété
- Une critique du procès et de ses acteurs
- « La sage-femme s’est assez bien défendue jusqu’à présent, mais aliæ admovebuntur machinæ, aliæ artes adhibebuntur ad eruendum verum » la locution latine utilisée par l’auteur signifiant ici « on emploiera d’autres expédients, on appliquera d’autres procédés pour découvrir le vrai, met ici en lumière la position que défend l’auteur, en effet : puisque mis en opposition avec la première préposition, « La sage-femme s’est assez bien défendue » Il convient d’imaginer que l’auteur ne saurait se satisfaire personnellement d’un cas où la défense de la sage-femme aboutirait ni du cas présent où sa défense est effective et est jugée positivement par ses semblables .
- « L’imprimé que je vous ai envoyé touchant le fait de la dame Constantin a été brûlé par la main du bourreau à la Croix du Trahoir […] Les magistrats ont bien de la lâcheté et de la bassesse […] Voilà ce que produit la paulette » Au-delà de la critique ici faite de l’acte de l’autodafé du libelle contre la justification de l’avortement par les jésuites, Guy Patin adresse une critique du fonctionnement de la justice, depuis l’établissement de la paulette ; taxe permettant aux officiers qui la payaient de transmettre automatiquement leur office dénonçant une transmission facilitée de la charge de l’officier à la personne de son choix.
Bien que la responsabilité des jésuites est largement décriée par Guy Patin, il n’en n’oublie pas moins la responsabilité de Madame de Constantin dont il présente la défense dans un premier temps mais dresse aussi le tableau des véhémences et de la haine retenue à l’égard de Madame Constantin.
- La condition de la sage-femme Madame de Constantin entre défense et aversions populaires
- La défense de madame de Constantin
- « elle avoue que Mlle de Guerchy est morte chez elle, mais qu’elle ne lui a donné aucun breuvage ; qu’elle vint chez elle fort malade, où elle mourut en criant cruellement ; qu’elle a ouï parler d’un certain breuvage que ladite dame avait pris, mais qu’elle ne savait ce que c’était ni qui l’avait fait. » Madame de Constantin, tente ici de se dédouaner de l’avortement en insistant sur le fait que Mlle de Guerchy était déjà malade à son arrivée, et en niant toute implication dans son décès. La mention de l'ignorance du breuvage peut permettre d’établir une absence de lien entre l'accusée et toute substance pouvant avoir contribué à la mort de Mlle de Guerchy.
- L’auteur illustre également une certaine préséance du statut social de madame de constantin qui permettrait à cette dernière de rallier des gens à sa cause et éviter la condamnation « on la veut sauver et qu’elle est trop bien recommandée par les plus grands. » ainsi qu’un manque de preuves qui pourrait disculper cette dernière « il n’y a point assez de preuve contre elle pour la condamner à mort »
- La bonne défense de madame de Constantin est par ailleurs deux fois mise en lumière dans le document « La sage-femme s’est assez bien défendue » -- « On dit que la sage-femme se défend fort bien » pouvant laisser imaginer un acquittement de cette dernière, mais
- Une hostilité générale dressée face à madame de Constantin.
- Il convient de constater que le souhait de voir Madame de Constantin condamnée à la peine de mort est largement exprimée à travers le document, dans un premier temps lorsque il est dit : « on croit bien qu’elle mérite la mort et au-delà, et que si on la pendait, elle ne mourrait pas innocente. » la certitude de la culpabilité de Madame de Constantin pour les contemporains est ici mise en lumière d’autant plus qu’il est possible de penser que ces derniers lui souhaitent l’enfer lorsqu’est évoque le fait qu’elle mérite « La mort et au-delà » prouvant le degré d’abjection porté à l’égard de madame de Constantin. La locution latine « An est ubi fatis cedat pudore carceris, et metu lethalis supplicii confecta ? », signifiant : « N’est-ce pas alors qu’elle succombera à son mauvais sort, par la honte de la prison et par l’effroi suprême du supplice mortel ? » Vient accentuer le raisonnement selon lequel il n’y aurait- pour Guy Patin et ses contemporains, que la mort comme seule issue possible pour madame de Constantin.
- « On s’en va faire publier des monitions par toutes les paroisses touchant l’affaire de la dame Constantin » il est possible de dire que Le pouvoir ecclésiastique par la publica
tion de ces monitions qui diffuse très largement le profil de madame de Constantin par conséquent amplifie les hostilités à l’égard de cette dernière.
Ce procès et l’hostilité générale que dégage madame de Constantin, met en lumière une vision largement péjorative de l’avortement et il en va de même pour l’avorteuse dont on tente d’annihiler toute trace, bien que son cas est un cas exemplaire en matière de justice de l’époque puisque le seul relaté à ce jour amenant à une telle condamnation.
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