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Communication

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nom de Dieu ou bien, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les hommes deviendront-ils un peu raisonnables et, soit pour des raisons de vertu démocratique, soit par intérêt, accepteront-ils de construire cette cohabitation culturelle ? La communication est un enjeu de paix pour le 21e siècle L’information, la culture et la communication sont, pour le 21e siècle, des enjeux de paix et de guerre aussi majeurs que l’eau, la santé ou l’éducation. Or, nous sommes tellement fascinés par les techniques et par les industries culturelles mondiales que nous ne voyons en elles que des marchés potentiels sans supposer, hélas, les risques de paix et de guerre qu’elles recèlent. Pourtant, nous n’aurons de développement durable qu’à la condition de savoir gérer ces relations de plus en plus complexes entre l’information, la culture et la communication au niveau mondial. Je le répète : la fin des distances physiques révèle l’étendue des distances culturelles. Ou bien nous organisons une cohabitation culturelle pacifique, ou bien nous ne l’organisons pas et nous aurons des affrontements au nom des matières premières, au nom des jeux de puissance, mais au nom, aussi, des différences culturelles. Il n’y a en effet rien de plus difficile que de respecter l’autre. C’est ce que j’appelle le triangle infernal : Identité – culture – communication . On croyait que le village global allait s’installer réduisant les identités et instaurant le régime de la communication. Le village global n’existe pas. La communication rend visible toutes les différences, accentuant les inégalités, réveille les identités, et met la culture au centre des revendications de respect. C’est le triangle conflictuel qui surgit dans la mondialisation et qu’il va falloir résoudre pour la paix de demain. Aujourd'hui, grâce à nos ordinateurs, nous envoyons des messages à l’autre bout du monde et nous avons la naïveté de croire que celui qui les reçoit les comprend. Et bien non, il ne les comprend pas. Parce qu’il n’a pas la même culture, parce qu’il n’a pas la même langue, pas les mêmes intérêts, les mêmes idéologies, les mêmes religions. Il y a donc un décalage incroyable entre un système de communication totalement performant et la prise de conscience d’une immense lenteur de la communication.

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Ce qui m’intéresse, c'est justement ce conflit de valeurs entre la rationalité des systèmes d’information et l’extraordinaire lenteur qu’il faut aux hommes pour se tolérer. Si on finit par se tolérer, au bout d’un moment, c'est en éteignant son poste de radio, son ordinateur ou sa télévision et en apprenant à se parler. Parler prend énormément de temps, mais c'est la condition sine qua non de la communication. Il existe en outre une différence fondamentale entre information et communication. L’information, c'est le message (par la voix, le texte, la radio, la télévision ou l’ordinateur) ; le progrès technique permet d’accélérer la transmission de ces messages. La communication, c'est la relation, c'est-à-dire le récepteur ; le drame, c'est que le récepteur n’est jamais en phase avec l’émetteur. Même quand on partage une même langue, une même culture, une même religion, on n’arrive pas à se comprendre et l’on se déteste mutuellement. Il n’est pas difficile d’imaginer à quel point ces décalages vont croissant au niveau mondial ! Il n’y a donc aucun rapport entre la performance des systèmes d’information et la capacité de communication culturelle au niveau mondial. Plus nous pouvons envoyer rapidement des messages, plus nous mesurons l’« incommunication » culturelle. N’oublions pas, n’oublions jamais, qu’en matière d’économie les hommes négocient toujours. Pour la culture (c'est-à-dire Dieu, la liberté, les patrimoines, les langues, les valeurs, les civilisations), on ne négocie pas ; on se parle ! La culture, c'est ce qui définit un homme. Si il y a respect mutuel, alors la culture rapproche les points de vue. Si l’on ne se respecte pas, elle devient une ressource pour un affrontement politique, chacun à juste titre ne souhaitant négocier sur ce qui est fondamental dans la culture : langue, histoire, patrimoine, philosophie politique, liberté…. (Applaudissements). Si nous ne voulons pas que nos systèmes d’information soient des accélérateurs de guerre, parce que nous avons la naïveté de croire que le récepteur va comprendre ce que nous voulons lui dire, il nous faudra admettre qu’au-delà des systèmes d’information les plus performants, les hommes, les cultures et les civilisations ont besoin de temps. Il n’y a pas d’hommes supérieurs aux autres : certains ont des techniques et d’autres n’en ont pas ; ce ne sont pas les mêmes techniques. Les hommes modernes du Nord disposent de tout un appareillage ultramoderne, mais ils sont complètement dépourvus dès lors qu’on les retire de leur environnement culturel et climatologique. Il y a donc, c'est vrai, une formidable inégalité Nord/Sud concernant la maîtrise des systèmes d’information, mais il n’y a pas de hiérarchie des civilisations et des cultures. Or, la charte de l’ONU a dit des choses fondamentales à la sortie de la barbarie de la Seconde Guerre Mondiale : les hommes sont égaux, les civilisations sont égales, les religions sont égales ! Le jour où ces principes seront appliqués, ils seront un ferment d’émancipation pour des siècles, même si certains ont des 4X4 et Internet et que les autres n’en ont pas ! Je voudrais citer trois chiffres à l’appui de cette démonstration : sur environ 6,5 milliards d’hommes, il y a quelque 4,5 milliards de postes de radio, 3,5 milliards de postes de télévision, 1,4 milliard de téléphones portables, et moins d’1 milliard d’ordinateurs ! Si nous voulons œuvrer en faveur du développement durable, ce n’est évidemment pas sur l’ordinateur qu’il nous faut miser. Nous subissons actuellement un imperium technique qui fait croire au monde entier que, plus il y aura d’ordinateurs, plus les hommes seront capables de se développer. La condition principale du développement durable, ce n’est pas le « tout raccordement » à Internet, malgré ce qu’en disent les industriels ! Avec une telle idéologie, on finira par affirmer que ceux qui ne savent pas se servir d’un ordinateur ne sont pas intelligents ; mais se servir d’un ordinateur n’a jamais été une preuve d’intelligence ! Bien sûr, il faut des techniques ; bien sûr, le Sud doit disposer d’ordinateurs comme le Nord. Mais cela ne suffit pas. Le patrimoine culturel, civilisationnel, dont dispose le Sud est bien plus riche que la maîtrise des systèmes d’information pour comprendre la cohabitation culturelle. La maîtrise des systèmes d’information est indispensable, mais Internet n’est pas plus primordial que l’eau, l’éducation ou la santé ! Et la cohabitation culturelle qui est l’enjeu de la paix et la guerre n’a rien à voir avec l’information. Elle renvoie à la problématique de la communication c’est à dire de la relation et du respect mutuel. Dans ce colloque, les systèmes d’information ont une fois de plus été isolés, au sein d’un axe intitulé « Nouvelles technologies de l’information et de la communication ». Nous sommes là dans une idéologie

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dominante qui suppose que les systèmes d’information sont, en soi, la condition de la paix. C'est faux ! Les hommes sont aussi tordus, pervers et tueurs, avec Internet que sans Internet ! (Applaudissements) Pire : la cyber-criminalité augmente proportionnellement au taux de raccordement de la planète. Ce n’est pas Internet qui fait le développement ; ce n’est pas Internet qui fait la paix ; ce ne sont pas les systèmes d’information qui rendront l’homme vertueux et respectueux de celui qui n’a pas la même couleur ou la même religion. C'est la politique, c'est la culture, c'est le respect des valeurs, autant de choses qui prennent énormément de temps et n’ont rien à voir avec les systèmes d’information. En résumé, nous n’aurons de développement durable qu’à la condition, bien sûr de maîtriser les outils, mais surtout de leur insuffler pour objectif la tolérance et le respect d’autrui. Il faut par ailleurs un projet pour réduire les inégalités. Sinon l’information en rendant plus visible ces inégalités, devient un facteur de conflits ! La grande rupture de notre mondialisation − qui n’est pas la première dans l’histoire de l’humanité −, c'est que les nouvelles techniques de communication (le train, l’avion, la voiture, la radio, la télévision, le téléphone et l’ordinateur) ont totalement modifié les conditions de la communication au niveau mondial. Tout le monde voit tout, tout le monde sait tout : c'est la rupture de notre mondialisation. Tout le monde ne se comprend pas : c'est notre enjeu politique. C'est pourquoi informer ne suffit plus à communiquer. La communication, c'est la relation, c'est-à-dire l’acceptation de l’autre, de celui qui ne me ressemble pas et qui ne me comprend pas. Or, le défi de toute vie humaine comme de toute société, c'est d’arriver à établir la cohabitation dans la communication. Nous rêvons tous de trouver des gens qui nous comprennent ; nous découvrons tous, à partir de l’âge de deux ans, que personne ne nous comprend et que toute la difficulté de la vie, c'est d’arriver à communiquer avec des gens qui ne pensent pas comme nous. La question de la communication est une superbe question, car

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