Le déserteur , Boris Vian, 1953
Note de Recherches : Le déserteur , Boris Vian, 1953. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires|Vous êtes bon apôtre |
|Pour tuer des pauvres gens |Et tout mon cher passé |Monsieur le Président |
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|C'est pas pour vous fâcher |Demain de bon matin |Si vous me poursuivez |
|II faut que je vous dise |Je fermerai ma porte |Prévenez vos gendarmes |
|Ma décision est prise |Au nez des années mortes |Que je n'aurai pas d'armes |
|Je m'en vais déserter. |J'irai sur les chemins |Et qu'ils pourront tirer |
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Éléments d'explication du déserteur de Boris Vian
« Le Déserteur » de Boris Vian est, à bien des égards, un texte emblématique de la poésie française engagée. Cette chanson populaire, publiée en 1955 dans le douloureux contexte de la guerre d'Algérie, constitue d'abord un authentique chant de protestation. Elle est aussi le symbole de la liberté d'expression en butte à la censure et aux carcans de l'ordre établi.
• La situation d'énonciation.
Ce poème, conçu dans le climat de contestation larvée qui suivit le déclenchement de la guerre d'Algérie, se présente comme la prise de parole d'un jeune homme insoumis. L'énonciateur, qui s'exprime à la première personne, affirme
Le refus de « Partir à la guerre » est motivé par des raisons idéologiques et personnelles
• Les destinataires.
Le poème de Boris Vian tire une partie de sa charge émotionnelle de la simplicité avec laquelle « le déserteur » s'adresse au plus haut responsable de l'État
Il renonce au respect emphatique qui sied à un destinataire de cette envergure.
Un lecteur attentif aura sans doute remarqué que la dixième strophe du poème manifeste un changement de destinataire .
S'affirme alors clairement la visée du discours : avec « Le Déserteur », Boris Vian affirme moins sa volonté de refuser que celle d'amener autrui à le faire.
• Un poème "simple"
Cet appel à la conscience du destinataire est d'autant plus marquant que le texte se présente sous la forme
Écriture et argumentation.
Ce poème, on s'en doute, n'a pas plu à tout le monde. Un certain Monsieur Faber, conseiller municipal, s'est élevé, dans un journal, contre Boris Vian.
Voici un extrait de la lettre ouverte que le poète à écrite en réponse à ces attaques. Les passages en couleur, sont les principaux arguments que nous avons pu repérer dans ce texte
De deux choses l'une : ancien combattant, vous battiez-vous pour la paix ou pour le plaisir? Si vous vous battiez pour la paix, ce que j'ose espérer, ne tombez pas sur quelqu'un qui est du même bord que vous, et répondez à la question suivante: si l'on n'attaque pas la guerre pendant la paix, quand aura-t-on le droit de l'attaquer?
Ou alors, vous aimiez la guerre , et vous vous battiez pour le plaisir?
C'est une supposition que je ne permettrai pas même de faire: car, pour ma part, je ne suis pas du type agressif. Ainsi cette chanson qui combat ce contre quoi vous avez combattu, ne tentez pas, en jouant sur les mots, de la faire passer pour ce qu'elle n'est pas: ce n'est pas de bonne guerre.
Car il y a de bonnes guerres et de mauvaises guerres —encore que le rapprochement de «bonne» et de «guerre» soit de nature à me choquer, moi et bien d'autres, de prime abord— comme la chanson a pu vous choquer de prime abord.
Appellerez-vous une bonne guerre celle que l'on a tenté de faire mener aux soldats français en 1940? Mal armés, mal guidés, mal informés, n'ayant souvent pour toute défense qu'un fusil dans lequel n'entraient même pas les cartouches qu'on leur donnait, les soldats de 1940 ont donné au monde une leçon d'intelligence en refusant le combat; ceux qui étaient en mesure de le faire se sont battus —et fort bien battus; mais le beau geste qui consiste à se faire tuer pour rien n'est plus de mise alors qu'aujourd'hui on tue mécaniquement et à grande échelle.
D'ailleurs mourir pour la patrie, c'est fort bien; encore faut-il ne pas mourir tous —car où sera la patrie? Ce n'est pas la terre —ce sont les gens, la patrie. Ce ne sont pas les soldats : ce sont les civils que l'on est censé défendre— et les soldats n'ont rien de plus pressé que de redevenir civils, car cela signifie que la guerre est terminée.
Au reste, si cette chanson peut paraître indirectement viser une certaine catégorie de gens, ce ne sont à coup sûr pas les civils; les anciens combattants seraient-ils des militaires?
Et voudriez-vous m'expliquer ce que vous entendez, vous, par ancien combattant?
«homme qui regrette d'avoir été obligé d'en venir aux armes pour se défendre»
ou «homme qui regrette le temps où l'on combattait »?
Si c'est « homme qui a fait ses preuves de combattant», cela prend une nuance agressive.
Si c'est «homme qui a gagné une guerre», c'est un peu vaniteux.
Croyez-moi... «ancien combattant», c'est un mot dangereux; on ne devrait pas se vanter d'avoir fait la guerre, on devrait le regretter— un ancien combattant est mieux placé que quiconque pour haïr la guerre. Presque tous les vrais déserteurs sont des «anciens combattants» qui n'ont pas eu la force d'aller jusqu'à la fin du combat. Et qui leur jettera la pierre? Non... si ma chanson peut déplaire, ce n'est pas à un ancien combattant, cher monsieur Faber. Cela ne peut être qu'à une certaine catégorie de militaires de carrière; jusqu'à nouvel ordre, je considère l'ancien combattant
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