La rodomontade amoureuse
Commentaire de texte : La rodomontade amoureuse. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar sophiana levillier • 4 Décembre 2021 • Commentaire de texte • 1 022 Mots (5 Pages) • 5 348 Vues
En poésie lyrique, le motif de la fuite du temps est présent dès l’Antiquité. Ainsi, Horace, inventeur de l’expression carpe diem encourage-t-il à la modération et à se contenter de ce que le présent offre. Au XVIe siècle, Ronsard fait du carpe diem un discours amoureux. S’inscrivant dans cette tradition, Guillaume Colletet s’adresse à sa future épouse dans « Rodomontade amoureuse », sonnet extrait des Amours de Claudine, publié en 1656. Il s’agit pour lui de la persuader de répondre à son amour présent en lui rappelant combien la vie est éphémère contrairement à la poésie.
LECTURE
Partant de là, nous nous demanderons comment la forme du sonnet permet au poète d’exprimer sa vision de la vie inspirée du carpe diem.
Pour répondre à cette question, nous avons choisi de faire une explication linéaire en suivant les trois mouvements du sonnet :
1. Le premier quatrain : Le double portrait de Claudine
2. Le deuxième quatrain : L’avenir sombre de la belle
2. Les tercets : Une argumentation en faveur du poète
1. D’entrée de jeu, le titre du sonnet « Rodomontade amoureuse » [Rodomontade signifie « attitude prétentieuse »] fait écho au « fier dédain » d’Hélène dans le sonnet de Ronsard : « Quand vous serez bien vieille » dans lequel le poète de la Pléiade invitait Hélène à « cueillir aujourd’hui les roses de la vie ». Cet écho nous place déjà dans le carpe diem.
Comme chez Ronsard, ce sonnet s’adresse à une belle indifférente, « Claudine », interpellée dès le vers 1.
Le portrait au présent qu’en dresse le poète s’avère élogieux puisqu’un vocabulaire mélioratif la caractérise (le pluriel « tes grâces » v. 1, les couleurs « pourpre » et « ivoire » de son « jeune teint » v. 2, ses « beaux yeux » v. 4 et sa « blonde[ur] » v. 3). Ces noms et ces adjectifs qualificatifs correspondent aux canons de la beauté classique.
Mais ce portrait au présent se double d’un portrait au futur bien plus négatif car chaque référence au présent se trouve accompagnée d’une annonce menaçante du destin attendant Claudine.
Les verbes au futur « passeront » (v. 1), « perdra » (v. 2), « languiront » (v. 4), et surtout « mourras » (v. 8) rappellent systématiquement la décrépitude à venir.
Ainsi, une double antithèse oppose à la fois les adjectifs qualificatifs « blonde » pour le présent et « noire » pour le futur (v. 3) et, par le jeu de rimes, l’ « ivoire » du teint s’oppose à cette même noirceur. Colletet souligne ici la force de négation du temps, qui transforme tout en son contraire.
La personnification du « ciel » au vers 3 en fait le synonyme du destin.
De même, le jeu de mots sur le verbe « languir », pris dans ses deux sens au vers 4, compare l’attente amoureuse du poète au dépérissement du regard de Claudine vieillissante.
2. Le deuxième mouvement dans le deuxième quatrain développe l’avenir sombre de la belle. Le poète annonce donc que, dans un futur proche, Claudine sera raillée ; ce retournement de situation est signifié par le lexique péjoratif du vers 5 : « Ceux que tu traites mal te persécuteront ».
Car la belle Claudine ne répond à l’amour du poète que par de « l’orgueil » (v. 6).
Le tutoiement, qui semblait véhiculer une certaine proximité entre le poète et la femme, introduit au contraire une forme de violence voire de mépris à son égard car il s’indigne de l’attitude méprisante de la belle.
L’anaphore du pronom personnel « Ils », désignant les soupirants de Claudine, ajoute de la violence au propos.
Par le parallélisme « Ils n’auront plus d’amour, tu n’auras plus de gloire » (v. 7), le poète suggère que la notoriété de Claudine tient seulement aux sentiments que sa beauté fait naître.
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