Acte iii scène 12, les fausses confidences, marivaux
Analyse sectorielle : Acte iii scène 12, les fausses confidences, marivaux. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Eva Grillenzoni • 16 Mai 2021 • Analyse sectorielle • 1 205 Mots (5 Pages) • 4 812 Vues
Grillenzoni Eva 1e5
Analyse Linéaire : Acte III scène 12, Les Fausses Confidences, Marivaux
Marivaux est un dramaturge du XVIIIème siècle, inscrit dans le courant des Lumières. En effet, ses pièces dénoncent les inégalités d’une société où la naissance définit la valeur d’un individu et non son mérite. Les Fausses Confidences est la dernière comédie en trois actes de l’auteur, elle est représentée pour la première fois en 1737 à l’Hôtel de Bourgogne. Le titre oxymorique annonce l’intrigue, en effet, Dorante et Araminte s’aiment, mais leur différence de rang social rend difficile la concrétisation de leur amour. Le valet Dubois mettra en scène divers stratagèmes pour favoriser leur union. Dans la scène 12 de l’acte III nous assisterons aux révélations amoureuses de Dorante et Araminte. Nous étudierons cette scène de la réplique d’Araminte : « Vous donner mon portrait ! » jusqu’à la fin de la tirade de celle-ci : « […] lorsqu’il a réussi. ». La question que nous nous poserons est la suivant : comment les déclarations amoureuses réciproques d’Araminte et Dorante font de cette scène l’acmé de la pièce en mettant fin aux fausses confidences ?
Lecture de l’extrait
On peut séparer cet extrait en trois parties : tout d’abord, de « Vous donner mon portrait » jusqu’à « Levez-vous, Dorante. », où Dorante et Araminte se déclarent leur amour, puis, de « Je ne la mérite » à « que j’adore », où sont révélés les stratagèmes amoureux et enfin de « Si j’apprenais cela d’un autre » à « lorsqu’il a réussi. », le pardon d’Araminte.
- Alors que Dorante s’apprête à partir, il demande à Araminte de lui donner son portrait. L’audace de la demande suscite la surprise de la jeune femme, marquée par l’exclamation « Vous donner mon portrait ! », en effet le don de cette image est symbolique, et pourrait presque signifier un don de son cœur. Pourtant, Dorante conteste cette idée en rappelant l’impossibilité de leur union grâce à l’exclamation « Que vous m’aimez madame !» et à la question rhétorique « Qui pourrait se l’imaginer ! ». C’est justement cette réaction de Dorante qui provoque l’aveu de la jeune femme « Et voilà pourtant ce qui m’arrive. ». Araminte met donc fin aux fausses confidences en dévoilant ses sentiments qu’elle cachait à tout le monde, même à elle-même, depuis le début de la pièce. Cette déclaration amène chez Dorante un trouble et une joie extrême, prouvés par l’exclamation tragique « Je me meurs », avec l’assonance en « eu », rappelant une plainte, des pleurs. On observe que son corps accompagne ses émotions grâce à la didascalie « se mettant à genou », Dorante devient esclave de ses sentiments et ne respecte plus du tout les codes du marivaudage et de la galanterie inscrits dans cette époque et ce milieu. Araminte incarne tout de même les codes de son temps, malgré le fait qu’elle aime en dehors de son rang social, en utilisant l’impératif « Modérez votre joie : levez-vous, Dorante. ».
- Dorante finit par rejeter cette joie qui le transporte avec la répétition de « je ne la mérite pas ». Sa contenance retrouvée (didascalie « se lève », le futur proche « vous allez me l’ôter ») annonce une révélation malheureuse. Araminte est « étonnée » et presse Dorante de raconter, avec l’exclamation interrogative « Comment ! que voulez-vous dire ? ». Le spectateur, mis dans la confidence de tous les stratagèmes amoureux opérés pendant la pièce, sait déjà ce que Dorante s’apprête à dire. Il jouit donc d’en savoir plus que la principale concernée, et est dans l’attente de sa réaction. L’effet d’attente suscité fait de cette scène le point culminant de la pièce, car une forme d’impatience est créée. Dorante révèle donc les fausses confidences de la pièce, mais insiste sur ce qu’elles ont de vrai, à savoir l’amour qui les animait : « Dans tout ce qui s’est passé chez vous, il n’y a rien de vrai que ma passion, qui est infinie. ». La tournure restrictive « ne…que » met en valeur l’amour que Dorante porte à Araminte. Dans cette logue réplique, l’amant révèle certes, les mensonges employés mais les justifie tous par l’amour grâce à un vocabulaire galant : « passion », « infinie », « mon amour », « charme de l’espérance », « tendresse », « que j’adore ». Dorante en profite aussi pour faire l’apologie de Dubois afin de l’innocenter « l’industrie d’un domestique » (il est habile) et l’amour pour son ancien maître « qui l’en plaint ». Il énumère aussi ses propres qualités « mon respect, mon amour et mon caractère » pour, peut-être, pousser Araminte à le pardonner. Cette confidence expose tout de même Dorante à la possible rupture de leur future union comme le souligne l’antithèse « haine / j’adore » dans la dernière phrase de la réplique de l’amant. L’acmé de comédie amoureuse est originale, car dépourvue de la joie caractéristique du genre.
- Face aux révélations de Dorante, Araminte reste d’abord interdite, comme le révèle la didascalie « le regardant quelque temps sans parler ». Cette suspension amplifie l’effet d’attente et rend la scène encore plus prenante pour le spectateur. En effet, c’est d’Araminte que dépend le dénouement de la pièce. Cependant, le spectateur, en connaissant un minimum le schéma actanciel de la comédie, sait qu’Araminte pardonnera Dorante. Le plaisir et de savoir comment. L’amante estime qu’elle n’aurait accepté ces révélations de personne d’autre que Dorante (verbe « je vous haïrais » au conditionnel). Pourtant, cette révélation démontre encore la vertu de son intendant. Araminte insiste encore sur l’exception de son pardon grâce à la conjonction « mais » et la locution « vous-même » : « mais l’aveu que vous m’en faites vous-même ». Paradoxalement, cet aveu renforce l’amour d’Araminte pour Dorante : « Ce trait de sincérité me charme, me paraît incroyable, et vous êtes le plus honnête homme du monde ». Cette tournure superlative « le plus honnête homme du monde » met Dorante sur un piédestal et fait oublier tous ses mensonges. On remarque ainsi qu’Araminte suit la logique de Dorante en justifiant ses stratagèmes par son amour grâce à la proposition subordonnée circonstancielle de cause « puisque vous m’aimez véritablement, ce que vous avez fait pour gagner mon cœur n’est point blâmable. ». Sa réponse se finit par une maxime de vérité générale, comme pour donner une valeur rationnelle à son pardon : « il est permis à un amant de chercher les moyens de plaire, et on doit lui pardonner lorsqu’il a réussi ». La comédie s’achève donc comme une fable, grâce à une morale énoncée par l’un des personnages : le mensonge est vertueux s’il cherche le dénouement de la vérité.
Nous avons vu que les déclarations amoureuses d’Araminte et Dorante font de cette scène l’apogée de la pièce, en mettant fin aux fausses confidences. L’intensité ôte les masques des personnages et souligne l’égale sensibilité de chacun, indépendamment de leur origine sociale. Cette scène galante s’achève sur le possible message de Marivaux : paradoxalement, la dissimulation peut être le véhicule de la sincérité amoureuse, qui justifie tous les stratagèmes. Les ruses et fausses confidences proviennent en effet des obstacles que les normes sociales opposent à l’amour.
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