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En quoi Œdipe Roi s'apparente-t-il à une tragédie ?

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Par   •  29 Mars 2016  •  Dissertation  •  1 710 Mots (7 Pages)  •  2 479 Vues

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« La tragédie est une imitation d’une action grave, entière, étendue jusqu’à un certain point, par un discours revêtu de certains agréments », écrit Aristote dans la Poétique. Pour le philosophe, le « Drama » est effectivement au centre d’une tragédie qui se doit d’être vraisemblable et repose en partie sur une dimension rhétorique et esthétique. La tragédie naît à Athènes au 5ème siècle avant J-C, de sacrifices religieux accomplis en l’honneur de Dionysos. Elle devient vite une manifestation collective et citoyenne, ainsi qu’un spectacle total et ritualisé qui s’appuie en partie sur les rapports particuliers entre spectateurs et personnages.  Sophocle, qui est considéré aujourd’hui comme l’un des 3 grands poètes tragiques grecs, écrit la tragédie Œdipe Roi à la fin du 5ème siècle avant J-C. Dans celle-ci, est mise en scène la découverte progressive de destin D’Œdipe, le héros tragique éponyme, qui est coupable à la fois de parricide et d'inceste, car il a, sans le savoir, tué son propre père, Laïos, et épousé sa propre mère, Jocaste.

En quoi Œdipe Roi s’apparente-t-il à une tragédie ?

La tragédie met d’abord en scène un conflit entre les hommes et les dieux ainsi que la mise à mort sacrificielle du héros tragique, ici Œdipe. Par ailleurs, Œdipe Roi est une construction artiste complexe, qui suit des règles précises. Enfin, nous voyons que le spectateur y détient une place particulière, souvent intimement liée aux différentes fonctions de la tragédie.

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Les tragédies débutent souvent sur un dérèglement, une manifestation de l’équilibre rompu entre le monde divin et le monde des mortels. Dans le prologue d’Œdipe Roi, ce dérèglement se traduit par la « miasma », la souillure qu’est la peste, une maladie envoyée des Dieux qui décime Thèbes et dont l’oracle explique l’apparition : les dieux exigent qu’un rituel de purification ait lieu, afin que l’ordre du monde, le « cosmos » soit rétablit. Œdipe Roi est une tragédie de pouvoir et de savoir : Œdipe incarne un être humain qui a cherché à égaler les dieux. Dans le prologue, il est en effet quasi divinisé et montré en position de toute-puissance. Il est sacralisé et idéalisé, par sa position spatiale dominante, son pouvoir supérieur, la célébration de son passé épique ou encore son assimilation à un « pharmakos ». Mais c’est cette position quasi-divine qui enclenchera la colère des dieux. C’est son orgueil démesuré, son « hybris » qui précipitera Œdipe dans sa chute, lui qui tentait d’obtenir un savoir total sur lui-même et toute chose.

La tragédie est « une machine conçue pour l’anéantissement mathématique d’un mortel », écrit Jean Cocteau, auteur de la Machine infernale, une pièce de théâtre qui se base sur Œdipe Roi. Dans une tragédie grecque, le héros tragique devient le bouc originellement sacrifié lors des dithyrambes. Devenu une entrave à la société et un instrument entre les mains des dieux, il lutte de façon toujours inégale contre la fatalité, qui le mènera de tout façon à sa perte. Dans Œdipe Roi, le personnage éponyme joue par ailleurs un rôle essentiel dans sa propre perte, il mène l’enquête sans comprendre qu’il est l’objet de ses propres recherches. De son impuissance et de son ignorance naît l’ironie tragique. Œdipe se maudit lui-même en maudissant le meurtrier de Laïos, et ce en utilisant des formules extrêmement ambigües et ironiques, comme au début du premier épisode, quand il s’adresse à son peuple en expliquant qu’il recherchera le meurtrier de Laïos comme si celui-ci avait été « son propre père ». Cette « machine » n’est donc que la fatalité, qui, implacable et guidée par les dieux, s’abat sur le mortel qui osa remettre en question le « cosmos ».

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La tragédie est une totalité organique et mécanique dans laquelle l’action s’enchaîne de façon particulière, et ce en suivant différentes règles. Elle repose d’abord sur une alternance entre les apparitions du chœur, c’est-à-dire les « stasima », qui marquent une pause dans la narration mettent en évidence les étapes même du Drama, et les épisodes, où les protagonistes évoluent. Cette dualité chœur-personnage constitue l’essence même de la tragédie, puisque le chœur se fait critique en interprète les actions des personnages, tout en créant un lien particulier avec le lecteur. Il cherche à dégager l’acte moral du texte, en lui apportant ainsi une dimension plus didactique encore. Dans Œdipe Roi, c’est le chœur qui emprunte le terme « d’hybris » puis condamne, à la fin de la pièce, les actions d’Œdipe en affirmant l’impérialisme du destin et de la fatalité. Cette double polarité est mise en évidence dans l’espace scénique lui-même, organisé en une tripartition qui symbolise le cosmos. Tandis que le héros tragique, évolue sur le « logeion », le chœur utilise l’ « orchestra », ce lieu en arc de cercle qui les place en face des spectateurs. L’espace est assez étendu, puisque le chœur chante et danse tout en s’exprimant en vers lyriques et en alternant entre strophes et antistrophes, une épode pouvant conclure. Les dieux enfin évoluent sur le « theologeion », dont la position spatiale est supérieure à la scène.

La hiérarchisation des différents éléments que constituent cette totalité organique est fondamentale. Pour Aristote, ces différents éléments sont l'histoire, les caractères, l'expression verbale, la pensée, la mise en scène et le chant. Si l’histoire, c’est-à-dire l’agencement des faits est central, et ce plus particulièrement dans Œdipe Roi, qui est une pièce dite complexe qui repose sur le renversement, le thème de la reconnaissance et du dévoilement de la vérité ; et le caractère des personnages est essentiel, la « pensée », qui renvoie à la rhétorique qu'utilise le personnage dans son discours et l’expression, qui renvoie à l’esthétisation du texte sont tout de même primordiaux. Toute pièce est écrite en vers et possèdent des procédés de langage, de mélodie et de rythme sécifiques. La tragédie représente donc un équilibre particulier, qui s’appuie tout autant sur l’action elle-même, que sur l’espace scénique, l’esthétique spécifique du discours ou encore les rapports entre le chœur et les protagonistes.

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L’invention du théâtre coïncide avec la montée des valeurs démocratiques. Les poètes tragiques font ainsi toujours l’exaltation du système démocratique Athénien, en livrant dans leurs pièces une véritable dépréciation de l’autocratie. Celle-ci s’appuie par ailleurs sur la déchéance de leurs personnages principaux qui représentent l’élite de la société, comme Œdipe qui est à l’évidence dépeint comme un roi tout-puissant au début de la pièce. La mise à mort sacrificielle d’Œdipe, qui renvoi à l’aube de l’humanité grecque crée ainsi un effet de repoussoir des valeurs anciennes, en créant un effet inverse de miroir pour les valeurs démocratiques. Les pièces sont en outre une glorification certaine de la cité d’Athènes, alors fédératrice de la ligue de Délos, qui exhibait sa toute-puissance et s’oppose dans la pièce à la cité de Thèbes, frappée par différentes « malédictions » : la venue du sphinx d’abord et la peste ensuite. Le public, qui est constitué de la totalité des citoyens Athéniens (1/10 de la population), considère le théâtre comme un devoir civique et collectif. Ces pièces renforcent donc encore la démocratie en créant une unité de collectivité propre au « demos ».

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