Eugène Ionesco, Rhinocéros, 1959.
Fiche de lecture : Eugène Ionesco, Rhinocéros, 1959.. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar emiliecuisset • 24 Octobre 2018 • Fiche de lecture • 2 163 Mots (9 Pages) • 1 455 Vues
Eugène Ionesco, Rhinocéros, 1959.
Lecture analytique n°1 : Acte premier, « Vous avez de la force. (...) La logique vient de nous le révéler. »
Au 20ème siècle, Nouveau théâtre, dit de l'absurde. En partie inspiré de Lewis Caroll. Caractérisé par un Etrange dérèglement du langage, abus de la logique, comique et cruauté.
Rhinocéros, 1959, œuvre symbolique du Nouveau théâtre ; après les pièces marquantes : La Cantatrice chauve et La Leçon : il y a un ancrage plus fort dans le contexte historique et idéologique : après 2nd GM et montée des totalitarismes : la métaphore du rhinocéros comme force brutale contagieuse menaçant l'humain.
Ce dialogue double se situe entre 2 apparitions du (ou des ) rhinocéros, après bref passage sur scène Daisy. Il poursuit dialogues commencés & interrompus, particulièrement celui où Jean reproche à Bérenger sa faiblesse, se donnant en exemple de rigueur.
1er acte repose sur crescendo : relation Jean /Bérenger + chaos irruption extraordinaire dans la routine dominicale petite ville.
Extrait = étape dérèglement de tout 1 monde + est centré, ironiquement, sur la force & logique. C'est, en effet, des abus de l'esprit de système que Ionesco fait naître la rhinocérite.
L'autre principe d'écriture du chaos = phénomène d'écho où différentes strates de l'action & dialogues => mises en parallèle pour finir par se rejoindre.
Extrait caractéristique techniques d'écriture du Nouveau Théâtre, effets recherchés par Ionesco : surprise, comique et interrogation sur le langage.
Jean et Bérenger discutent d'abord de l'envie et de la force de vivre ce qui conduit Jean à prouver le désir de vivre de Bérenger par son amour pour Daisy. Le Logicien et le Vieux Monsieur discutent de logique : du syllogisme et de sa capacité à déterminer l'appartenance à une espèce. Les deux conversations se déroulent en parallèle, construites en miroir : pour le spectateur ou le lecteur, l'une contribue à commenter l'autre. En effet, dans les deux cas, un des personnages fait la leçon à l'autre, prétend définir l'être et, croyant raisonner, déraisonne.
En quoi cette scène est-elle caractéristique du théâtre de l'absurde? /Comment cette scène illustre-t-elle la mise en question du langage, caractéristique du théâtre d'Eugène Ionesco?
I-Traitement du dialogue dans le Nouveau Théâtre : disloquer la plate réalité quotidienne:
- avec 2 conversations bistrot inattendues, entre persos principaux /secondaires (différence noms), apparemment très éloignées : « la force »/ « de vivre » et le « syllogisme »
- qui s'entrecroisent puis se rejoignent : « Mais le contraire est aussi vrai », « vous n'avez aucune logique »/ « C'est très beau la logique » en jouant avec préjugés sur logique/ l'absurde
- l'une éclairant comiquement l'autre : « Vous en êtes amoureux! » ... « La logique vient de nous le révéler » en jouant avec le topos de la scène d'aveu
- mettant ainsi en relief leur enjeu commun : qui est en mesure de définir ce qu'est être un homme ou un animal mortel? avec mélange de références triviales (Bérenger, l'alcool et la « petite camarade de bureau », le Vieux Monsieur et ses animaux de compagnie) et philosophiques (le syllogisme, le doute philosophique et l'existentialisme)
Cl : principe d'écriture musicale, effet de choc ; nouveau théâtre, nouvelle manière de construire le sens
II-Traitement des discours d'autorité : mise en relief, par l'écriture de l'échange, de la perversion des relations pédagogique et amicale.
- mise en cause des donneurs de leçon (Jean et Le Logicien) et de l'apparente générosité des motifs (apprendre : « Voici donc un syllogisme exemplaire », aider, guider, corriger, « je dois vous dire que c'est l'alcool qui pèse »)
- dynamique maître-élève : apprentissage qui conduit à déraisonner.
Progression de la leçon : insistance sur la pédagogie qui impose un modèle faux, (syllogisme qui ne respecte pas les règles)
->pousse l'élève de bonne volonté (« Mon chien aussi ... » ) à l'erreur, (« Alors c'est un chat »), ->renforce celle-ci (« logiquement oui », « vous voyez »),
-> affirme sa position d'autorité (« mais le contraire est aussi vrai », « la logique vient de nous le révéler ») :
Cl : leçon qui encourage l'élève à oublier la réalité pour pratiquer des modèles formels absurdes.
- dynamique entre amis : aide contre ce qui « pèse » (souffrance de Bérenger) et, en réalité, tension => affirmer 1 supériorité (« J'ai de la force... ») qui conduit à condamner ( prétérition et condescendance, « je ne veux pas vous vexer, mon cher ami, mais ...)
mise en cause de plus en plus explicite, (« vous vous prenez pour un penseur », « gros rire », injonction : « pensez et vous serez », accusation : « menteur ». )
Reprise des propos & questions pr traquer la faille, contredire : (« Au contraire (...) la preuve », « Vous dites que (...) cependant ... » : leçon de force qui n'entend pas la souffrance, qui simplifie abusivement complexité expérience (réduction de Bérenger à « alcool » et « amoureux »)
Cl : scène met en relief mécanismes discours d'autorité qui prétendent à la supériorité + négations de la réalité et de l'autre.
Effet leçons montré par caricature réactions : admiration absurdité + gros rire de dérision en réponse à conscience tragique
III-Grossissement des effets dans l'écriture théâtrale : créer une prise de conscience de l'étrangeté propre à résister aux stéréotypes du langage et de la pensée :
Dénonciation de la logique formelle et valorisation du paradoxe :
- par grossissement des effets : exagération comique des syllogismes (soutenir conclusions absurdes : tout être finit par être chat ) + exagération tragique des paradoxes de la mélancolie (« c'est une chose anormale de vivre ») ;
cl : opposition entre excès de connecteurs et parataxe. - par l'opposition automatismes de langage, (les évidences jamais remises en cause) /conscience douloureuse de l'étrangeté du monde :
« comment peuvent peser des choses qui n'existent pas? »:/ pensée des morts ;
l'emploi détourné du cogito opposé à « Je me demande moi-même si j'existe », véritable expérience philosophique.
- Scène qui pose thèmes essentiels pièce :
Socrate transformé en animal + démarche cartésienne en injonction à se conformer à des normes ;
l'inversion raison/folie à travers opposition pseudo-logiciens / vrai penseur mélancolique ; émergence nouveau héros conscience tragique moderne
- Cl : scène qui fait apparaître la fonction du théâtre selon Ionesco : arracher à la paresse mentale.
Conclusion
nouveau théâtre pr Ionesco = s'arracher à la paresse mentale
- par quatuor qui disloque & recompose l'enchaînement tradi répliques,
- par l'ironie qui s'attaque effets absurdes & pervers leçons de logique & morale,
- par l'exagération modes réflexion sur l'homme qui valorise & mélancolie comme accès à pensée vivante.
Refus théâtre psychologique & théâtre d'idées.
Mais pas renoncement au sens, bien au contraire. Confiance ds l'utilisation proprement théâtrale du langage & persos pr l'effet de choc , amener vers=>une prise de conscience.
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