Julien Sorel peut-il légitimement être accusé d'hypocrisie?
Dissertation : Julien Sorel peut-il légitimement être accusé d'hypocrisie?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar mderavignan • 30 Mars 2020 • Dissertation • 2 190 Mots (9 Pages) • 6 683 Vues
« Tartuffe, c’est le destin auquel la Restauration confine l’homme de talent, sorti du Tiers-Etat. Mais un Tartuffe, ici, qui ne porte point la responsabilité de ses actions, qui est le fruit d’une société, et c’est de cette société, non de Julien Sorel, que Stendhal fait le procès ».
C’est ainsi que Louis Aragon, poète, romancier, essayiste et journaliste français du XXème siècle, caractérise le personnage de Julien Sorel dans sa critique de l’œuvre de Stendhal Le Rouge et le Noir. Cette œuvre datant de 1830 met en scène l’itinéraire d’un fils de charpentier, Julien Sorel, dans la société bourgeoise et noble de la Restauration. Pour effectuer son ascension sociale, le personnage a recours à différents moyens pour lui servir d’échelle dans son ascension. L’un d’entre eux est la prêtrise, comme le suggère l’évocation de l’habit noir de la soutane dans le titre Le Rouge et le noir. Dans cette citation, Aragon désigne Julien Sorel par le substantif « un Tartuffe », qui désigne un faux dévot, une personne hypocrite. Ce terme a pour origine le nom d’un personnage éponyme d’une comédie de Molière, Tartuffe, un soi-disant homme d’Eglise qui est accueilli dans la famille d’un honnête bourgeois et se sert de sa position pour séduire sa fille et prendre la possession de la fortune de son hôte. Il est donc intéressant d’effectuer le rapprochement entre Julien Sorel et le personnage de Tartuffe, qui cachent tous deux sous un habit de prêtre des ambitions et des désirs qui n’ont rien à voir avec la prêtrise. Mais outre le domaine ecclésiastique, le personnage de Julien peut en général être vu comme un imposteur malveillant, qui fait passer son ambition avant tout, comme dans le domaine amoureux. Pourtant, cette image doit être nuancée, puisque Julien ne peut pas totalement être considéré comme un anti-héros.
Ce constat nous amène donc à nous demander si, dans Le Rouge et le noir, le personnage de Julien Sorel peut légitimement être accusé de fausseté et de malveillance.
Nous verrons d’abord que pour Julien Sorel, tous les moyens sont bons pour monter dans l’échelle sociale, mais qu’en réalité, Julien demeure un homme honnête qui n’a pas d’autre choix pour se démarquer dans la société. Enfin, nous pourrons nuancer cette vision en discutant du but premier de Stendhal lorsqu’il a écrit cette œuvre.
En premier lieu, on peut sans hésiter affirmer que Julien Sorel est prêt à tout pour monter dans la société, peu importe le moyen : c’est ce sur quoi Stendhal fonde son roman.
Tout d’abord, comme le personnage de Tartuffe, Julien utilise la soutane pour des fins qui n’ont rien à voir avec la prêtrise. En effet, celui-ci établit des calculs pour monter dans la hiérarchie cléricale, ce qui lui permettra en parallèle d’effectuer son ascension sociale. Ainsi, Julien Sorel ne s’intéresse à la carrière ecclésiastique uniquement pour monter dans l’échelle sociale, mais n’a pas de réelle vocation à devenir prêtre et ne respecte pas les conditions pour l’être. En effet, en aucun cas Julien ne fait de vœu de chasteté. Au contraire, Julien privilégie deux chemins incompatibles pour effectuer son ascension sociale : l’amour et le clergé. Ainsi, au chapitre 13 de la première partie, le personnage ne renonce pas à l’amour mais préfère rester éloigné de Mme de Rênal pour ne pas compromettre ses ambitions de prêtrise. De plus, au chapitre 24, il séduit une jeune femme, Amanda Binet, dans un café à Besançon, juste avant son arrivée au séminaire. Ainsi, alors qu’à l’époque, les fonctions ecclésiastiques devaient être occupées par des hommes célibataires, ayant fait le vœu de chasteté, Julien entremêle liaisons amoureuses et carrière cléricale. De plus, son passage au séminaire de Besançon est bref et peu réfléchi. Il y est envoyé par l’abbé Chélan sans contestation possible lorsque celui-ci est au courant de la liaison amoureuse entre Julien Sorel et Mme de Rênal. Il quitte ensuite le séminaire sans hésiter lorsque son supérieur, l’abbé Pirard, reçoit une promotion : Julien reçoit grâce à lui un poste à Paris chez le ministre M de la Mole et accepte aussitôt.
De plus, on peut aussi condamner la fausseté de son amour envers Mme de Rênal. En effet, pour lui, l’amour n’est qu’un moyen de monter dans la hiérarchie sociale. Venant d’une famille de charpentiers de faible condition sociale, Julien Sorel a donc tout intérêt à gagner le cœur de Mme de Rênal, la femme du maire de Verrières. Ainsi, l’amour est pour lui semblable à une conquête militaire qui lui assurerait l’ascension sociale. On peut retrouver ce parallèle entre conquête amoureuse et conquête militaire dans le chapitre 9 de la première partie. Dans le chapitre, Julien Sorel se donne comme objectif d’impérativement prendre la main de Mme de Rênal lors d’une promenade. Lorsqu’il décrit la scène, Stendhal présente cet accomplissement comme étant pour Julien un acte plus par ambition et défi que par amour : « Son âme fut inondée de bonheur, non qu’il aimât madame de Rênal, mais un affreux supplice venait de cesser ». De plus, Julien est un grand admirateur de Napoléon Ier, et va même jusqu’à placer Il Napoléon au-dessus de Mme de Rênal dans le chapitre 11 de la première partie. Napoléon étant le modèle et l’exemple ultime de l’ascension sociale réussie, on peut le voir comme étant l’allégorie de l’ambition, que Julien place donc au-dessus de l’amour, représenté par Mme de Rênal. Enfin, lorsque celle-ci tombe amoureuse de lui, le personnage prend plaisir à la faire souffrir par esprit de revanche sur la condition sociale passée. Pour Julien Sorel, l’amour de Mme de Rênal représente sa victoire sur la petite noblesse de Verrières. Ainsi, dès le début de l’œuvre, Stendhal porte un regard ironique sur son personnage, notamment à travers sa relation avec Louise de Rênal.
Enfin, ce comportement, Julien l’applique également à la Marquise de la Mole plus tard dans son parcours. En effet, on assiste à un scénario proche de celui avec Mme de Rênal. Comme avec cette dernière, la liaison de Julien avec Mathilde de la Mole était avant tout un moyen d’ascension sociale. Ainsi, lorsque Mathilde s’offre à lui pour la première fois, au chapitre 16 de la deuxième partie, Julien n’éprouve que la satisfaction d’avoir conquis une femme de la haute noblesse parisienne. De plus, le fait qu’il entretienne en même temps une liaison avec la Maréchale de Fervaques montre que Julien est incapable d’aimer pleinement et honnêtement une femme. Le personnage est d’autant plus hypocrite qu’il écrit à Mme de Fervaques des lettres préalablement rédigées par son ami le prince Korasoff, sans même se soucier de ses réponses. Enfin, l’hypocrisie du personnage qui utilise l’amour pour arriver à ses fins est à son apogée au chapitre 34 de la partie II. Dans ce chapitre, Julien et Mathilde prévoient leur mariage et le marquis de la Mole va jusqu’à enrôler Julien chez les hussards et l’anoblir : celui-ci devient alors « Monsieur le chevalier Julien Sorel de La Vernaye ». Cet épisode marque ainsi le triomphe de Julien Sorel, fils de charpentier qui, par le biais de liaisons amoureuses hypocrites et opportunistes, parvient à atteindre son graal suprême : l’anoblissement.
Ainsi, tout au long du roman, Julien va se servir à la fois de sa carrière ecclésiastique et de ses relations amoureuses, en toute hypocrisie, pour gravir les échelons de la société française de la Restauration. Cependant, cette hypocrisie doit être nuancée et peu être expliquée par le contexte de l’époque, qui ne laissait à Julien aucun autre choix pour assouvir ses ambitions.
II/ Cependant, Julien est avant tout un personnage victime de son époque
A) Une ambition trop grande qui lui vaut les inimités de personnages haut placés mais également de ceux de son propre milieu
Julien n’a de sentiment d’appartenance dans aucun milieu social :
Julien et son milieu ouvrier s’échangent un rejet mutuel :
Ex : chapitre 4 : premier portrait de Julien Sorel, qui se fait battre par son père car en train de lire Le Mémorial de Sainte-Hélène, pendant que ses frères travaillent à la scierie. Personnage d’une intelligence supérieure, qui est pour cela méprisé par son milieu : « dans les jeux du dimanche, sur la place publique, il était toujours battu »
Rejeté également par ct membres de la haute société de Verrières
Ex : M Valenod, son principal rival dans la ville, qui est jaloux de lui. Il dénonce à M de Rênal la liaison entre Mme de Rênal et Julien à travers
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