Le Spleen de Paris de Baudelaire, Le Joujou du pauvre
Cours : Le Spleen de Paris de Baudelaire, Le Joujou du pauvre. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar JeanTi • 17 Avril 2017 • Cours • 4 453 Mots (18 Pages) • 2 336 Vues
Le Joujou du pauvre »
Publié de manière posthume en 1869 sous le titre Petits poèmes en prose, Le Spleen de Paris incarne une véritable révolution poétique puisque Charles Baudelaire y abandonne le vers au profit de la prose. Le vers, en raison de l’ensemble de règles auxquelles il était soumis, semblait trop rigide et trop encadré pour convenir à l’expression du monde moderne. Avec Le Spleen de Paris, Baudelaire a en effet voulu transcrire dans une « prose poétique », la description de la vie moderne. La modernité est donc au cœur du recueil puisqu’elle touche à la fois le langage et le sujet poétique dans la mesure où la poésie tire son inspiration de la grande ville moderne, en l’occurrence ici le Paris du XIXe siècle. Cette modernité participe d’ailleurs à la difficulté de classer l’œuvre au sein d’un mouvement littéraire précis. Le Spleen de Paris conserve des traces de l’influence du romantisme avec l’aspiration vers un ailleurs idéalisé et la représentation du poète en être marginal. Il s’en distingue cependant dans le sens où Baudelaire ne s’adonne pas aux épanchements lyriques traditionnels du romantisme. Il est également considéré comme préfigurant le mouvement symboliste qui cherchait à percevoir un monde idéal dissimulé sous la forme de symboles dans le monde réel.
« Le Joujou du pauvre » est le 19e poème du recueil et contraste avec « L’Invitation au voyage » qui le précède puisqu’il oppose à l’aspiration vers un ailleurs idéalisé, l’évocation de la réalité du monde à travers les différences sociales. Il trouve cependant un écho dans le poème qui le suit « Le Don des fées » dans la mesure où les deux poèmes se présentent sous la forme d’un apologue, une fable pour « Le Joujou du pauvre » et un conte pour « Le Don des fées ». [Dans la mesure où l’ordre des poèmes n’est pas du fait de l’auteur, cette partie ne me semble pas indispensable dans votre introduction. Cependant, au cas où la question vous soit posée en entretien, je lasse ces quelques lignes d’explication).
Ce poème illustre l’un des thèmes principaux du recueil à savoir l’intérêt poétique que Baudelaire porte aux différentes figures du pauvre et aux exclus de la société. Cette attention portée aux êtres misérables, ne doit toutefois pas nous amener à considérer Baudelaire comme étant un poète réaliste puisque sa poésie ne s’inscrit pas dans une démarche sociale (= il ne veut pas dénoncer la misère dans laquelle vivent les pauvres ou soulever les foules pour protester contre la misère du peuple). L’observation de la pauvreté est pour lui une source d’inspiration poétique et non pas de dénonciation par la poésie.
Le poème propose également un exemple de la démarche poétique de Baudelaire qui consiste à flâner dans la ville en quête d’une scène de la vie moderne qui viendrait l’inspirer. « Le Joujou du pauvre » se présente comme une flânerie au cours de laquelle le regard du poète rencontre deux enfants, un enfant riche et un enfant pauvre, que tout semble opposer mais qui se retrouvent cependant réunis autour d’un jouet insolite qui suscitent en eux un amusement commun.
Nous pouvons alors nous demander…
- En quoi à travers ce poème, Baudelaire annihile les clivages sociaux pour établir une égalité entre l’enfant riche et l’enfant pauvre ?
- Dans quelles mesures ce poème témoigne de la capacité particulière du poète à mobiliser une acuité esthétique qui outrepasse les clivages sociaux ?
- En quoi à travers ce poème, par-delà la peinture des clivages sociaux, Baudelaire parvient à établir une égalité symbolique entre le riche et le pauvre ?
- En quoi à travers ce poème, Baudelaire met en avant la sensibilité esthétique particulière au poète, capable de percevoir la beauté sous la « patine de la misère » ?
- En quoi à travers ce poème, Baudelaire dépasse les oppositions sociales et établit une égalité symbolique entre le riche et le pauvre ?
+ annonce du plan
I) Une flânerie divertissante
1) La flânerie poétique et sociale
Importance de la flânerie dans la création poétique chez Baudelaire : « Quand vous sortirez le matin avec l’intention décidée de flâner su les grandes routes » (l 3-4).
> flâner : avancer lentement et sans direction précise.
Cf : titres envisagés pour le recueil co Le Promeneur solitaire ou Le Rôdeur parisien.
La flânerie « sur les grandes routes » permet en effet au poète d’assister au spectacle de la misère > un des thèmes privilégiés chez Baudelaire.
Adresse au lecteur « vous » (l 3) + emploi du futur qui désigne une action certaine « sortirez » (l 3) > co s’il partageait ce goût du poète pour la flânerie.
2) Une expérience sociale divertissante
Divertissement : étymologie > divertere : détourner.
Blaise Pascal dans ses Pensées (1669) envisage le divertissement de l’Homme comme un moyen pour lui de se détourner de l’angoisse existentielle que procure la conscience de la mortalité de l’Homme. Il défendait dans cette œuvre la religion chrétienne et s’opposait notamment aux libertins qui possédaient des divertissements « coupables » et des mœurs dissolues.
Description d’un « divertissement innocent » :
Le poète donne au lecteur l’idée d’un « divertissement innocent » (l 1) et insiste sur le fait que ces deux notions « divertir » et « innocence » sont souvent antithétiques : « Il y a si peu d’amusements qui ne soient pas coupables » (l 1,2) > dimension morale, divertissement quine corrompt pas les mœurs.
Effectivement > charité chrétienne > générosité envers les enfants pauvres : « remplissez vos poches de petites inventions à un sol, - telles que le polichinelle plat mû par un seul fil, les forgerons qui battent l’enclume, le cavalier et son cheval dont la queue est un sifflet, - et le long des cabarets, au pied des arbres, faites-en hommage aux enfants inconnus et pauvres que vous rencontrerez » (l 4-8).
> lieux associés à la pauvreté : cabarets > débits d’alcools assez modeste + routes > errance et sans abri = mendicité.
> injonction : emploi de l’impératif par le poète qui indique la marche à suivre > visée pédagogique : « remplissez », « faites-en hommage ».
Description du résultat de l’expérience :
- emploi du futur « vous verrez » (l 9), « ils n’oseront » (l 9,10), « ils douteront » (l 10), « ils agripperont », « s’enfuiront » (l 11) > certitude quant à la façon dont vont réagir les enfants ? expérience déjà menée auparavant.
- progression dans la réaction des enfants : émerveillement « vous verrez leurs yeux s’agrandir démesurément » (l 9) ; « D’abord » (l 9) > premier mouvement de l’enfant > retenue : « ils n’oseront pas prendre ; ils douteront de leur bonheur » (l 9,10), 2ème mouvement « Puis » (l 10) qui introduit l’acceptation du présent : « leurs mains agripperont vivement le cadeau » (l 11-12) > synecdoque > désolidarisation des mains du reste du corps co si les mains seules avaient été responsables de l’action mise en valeur de l’empressement avide de l’enfant face à un jouet > réflexe physique, sauvage > animalisation des enfants pauvres voir comparaison avec le chat. 3e mouvement introduit par « et » (l 11) « et ils s’enfuiront ».
3) L’observation de l’innocence des enfants pauvres
> médiocrité des jouets : « petites inventions » + « à un sol » (l 4-5).
> réaction disproportionnée de l’enfant à la vue du jouet qui révèle son extrême pauvreté :
« Vous verrez leurs yeux s’agrandir démesurément » (l 9) > adverbe qui marque l’ampleur de l’écarquillement et son caractère exagéré par rapport à l’objet qui lui est présenté ; « leurs mains agripperont vivement le cadeau » (l 10-11) + fuite > ils attribuent une grande valeur à un objet médiocre > relativité de la valeur d’un objet en fonction de sa condition.
Transition : Cependant, l’observation de l’innocence des enfants pauvres n’est pas l’unique but de la flânerie du poète, qui, comme le montre la suite du poème, sera l’occasion de se livrer à une observation des oppositions sociales.
II) L’observation des oppositions sociales
La flânerie du poète l’amène face à deux enfants qui lui permettront de se livrer à une observation des oppositions sociales. En effet, les deux premières strophes du poème constituent une exposition théorique de la démarche à suivre pour procéder au « divertissement innocent » qu’est la flânerie, les strophes suivantes en son quant à elles la mise en pratique.
La richesse apparaît ici co un spectacle uniforme >
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