Les Caractères - La Bruyère Livre X, Remarque 29
Commentaire de texte : Les Caractères - La Bruyère Livre X, Remarque 29. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Fanny Thobie • 26 Mars 2017 • Commentaire de texte • 2 268 Mots (10 Pages) • 20 736 Vues
ORAL LA BRUYERE
X, 29 p.385-386
INTRO : (~5min)
Dans la continuité des chapitres « De la Cour » et « Des Grands », LB continue d'élargir, d'élever son regard aux plus hautes sphères de l'état, portant à présent son attention au Souverain et à la République. République doit ici être vue non comme la forme de gouvernement « républicaine », mais comme la « chose publique » (res publica en latin), et désigne donc l'état en général. C'est ce que nous indique la note affiliée à la première remarque du chapitre.
Ce dixième chapitre n'était composé que de 10 remarques lors de sa première édition, il a été élargit à 35 dans sa dernière. La remarque sur laquelle nous allons nous pencher est la 29ème, apparue à la 7ème édition. Elle appartient à la série des remarques 25 à 31 portant sur la relation que doit entretenir le souverain vis à vis de son peuple ; et est précédée de la remarque 28 portant justement sur les devoirs mutuels auxquels doivent s'engager le souverain et ses sujets.
La remarque 29 est une parabole (Rappel : Récit allégorique renfermant un enseignement)
LB se sert du genre littéraire de la pastorale, très connu et populaire à l'époque, pour porter un discours moral sur le Roi, ici représenté comme un berger.
En effet, le genre pastoral s'attache à peindre la vie et les amours de bergers et bergères, le tout de façon souvent idéalisée (L'Astrée d'Honoré d'Urfée est un très bon exemple de l'exploitation du genre).
Avant la lecture, j'aimerais vous faire part de la définition de Pasteur selon l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. (ATTENTION, je sais que L'encyclopédie a été publiée en 1751, donc bien après la parution de l'ouvrage et la mort de LB, mais cette définition contient des références antérieures à cette époque et me semblait particulièrement pertinente à la lumière de l'extrait que l'on va étudier.)
« PASTEUR dans un sens littéral signifie un berger, un homme occupé du soin de faire paître les troupeaux. Dans l'antiquité on a par analogie appliqué ce nom aux princes ; Homère dit que les rois sont les pasteurs des peuples, parce qu'ils doivent veiller à la félicité de leurs sujets. ».
-Lecture (page 385)
Suite à la lecture, la Pb qui s'en dégage est la suivante : En quoi cette parabole, faisant l'éloge du berger, permet elle d'énoncer une critique du Roi ?
-Dégager 3 mouvements :
1er mouvement : Du début à « Quelle servitude ! »
→ S'attache à développer la parabole pastorale
2ème mouvement : De « Quelle condition vous paraît... » à « S'il est bon prince ». Fin du 1er §
→ Prise à partie du lecteur et pointe révélant le sens de la parabole, C-a-D la critique du Roi
3ème mouvement : De « Le faste et le luxe » à la fin de la remarque. (2nd et dernier §)
→ Se termine sur la critique du luxe et de la superficialité du souverain.
DEVELOPPEMENT :
1er mouvement : (~5 min)
Dans ce 1er bloc, nous sommes directement plongés dans le genre pastoral par LB qui multiplie les mots appartenant à ce registre lexical : « Troupeau », « colline » « paît », « broute », « prairie », « berger », « brebis » et « pâturage ». Ici on a le droit à une grande partie du vocabulaire pastoral et à une idéalisation extrême du registre, notamment à travers les mots « déclin d'un beau jour » qui renvoie à la douceur d'un coucher de soleil ; ou « thym » qui, comme le serpolet, est une plante aromatique qui pousse sur des bonnes terres. Ces plantes poussent surtout dans le sud et ont donc une connotation estivale qui appuie le coté idyllique que LB développe dans cette parabole. L'auteur dresse ici un tableau harmonieux, proche du conte même avec l'apparition de figures telles que le « Loup ».
Le « Vous » en tout début de remarque est une adresse directe au lecteur qui l'incite à se projeter dans le récit allégorique et à imaginer visuellement la scène. En effet, le verbe d'action « voyez » incite à la projection. D'ailleurs, la répétition de verbes d'action au présent tout au long du récit donne un effet répétitif mais renforce l'impression de paix. Les phrases longues, l'énumération et la figure de la parataxe donnent l'image d'un troupeau imperturbable. Si le troupeau représente ici le peuple dans le royaume (=« la colline »), le lecteur de l'époque est invité à adopter un point de vue introspectif, il se trouve là face à un miroir de sa condition. On peut d'ailleurs s'interroger sur la nature de cette condition car la comparaison des sujets à des brebis n'est pas sans rappeler l'histoire des « moutons de Panurge » dans le Quart livre de Rabelais ou bien la parabole de la brebis égarée, aussi appelée « parabole du bon berger » dans le Nouveau Testament.
Le berger, allégorie du Roi, est là pour protéger ses brebis. LB dresse alors un portrait idéal du Roi et énonce sa vision idéale de la Monarchie. Il faut noter que le Roi est à l'époque de « droit divin », il a donc un rôle religieux, c'est pourquoi on peut faire l'analogie entre la Parabole du bon berger et l'image du Souverain. LB décrit le métier de berger et énonce toutes les qualités requises selon lui pour un Roi : « soigneux et attentif », « il les rassemble », « il les conduit », « il les nourrit », « il les défend ». Qualités d'autant plus soulignées par l'anaphore « il les, il les, il les... ». Louis XIV, souverain de l'époque et archétype du monarque absolu, doit être là pour son peuple et leur assurer sécurité et santé. La métaphore filée permet également à LB de parler des dimensions économique, militaire et unitaire du Royaume. En effet, l'herbe menue et tendre qui a échappé à la faux du moissonneur peut être vue comme le capital dont peuvent jouir les sujets. Le « Loup avide », lui, peut être une image de l'ennemi, des menaces de guerre nuisant à la sécurité du peuple. A l'instar du berger qui « lâche son chien », le roi lâche son armée pour défendre la nation. LB montre l'image d'un Roi rassembleur et à l'écoute de son peuple, qui sait le ramener dans le droit chemin quand il s'éloigne de son autorité. Le Roi a réponse à tous les problèmes, on le voit par l'alternance des hypothèses et des résolutions : « SI elles se dispersent, IL les rassemble », « SI un loup avide paraît, IL lâche son chien ».
De plus, le berger est présenté comme un travailleur assidu et dévoué, travaillant du lever au coucher du soleil : « l'aurore le trouve déjà en pleine campagne, d'où il ne se retire qu'avec le soleil ». En comparaison, le Roi lui , exerce sa fonction jusqu'à sa mort, donc jusqu'au couchant.
Suite à cette éloge, on note une suite d'exclamations marquant le début d'une certaine ironie de la part de LB. « Quels soins ! Quelle vigilance ! Quelle Servitude ! ». Ce ton emphatique annonce la fin de la parabole et fait la transition vers la critique. La dernière exclamation « Quelle servitude ! » est d'ailleurs paradoxale puisqu'elle révèle un inversement : Le Roi serait alors au service du peuple et plus l'inverse.
Dans cette Parabole, LB fait l'éloge de ce qui n'est pas, et c'est là tout le sens de sa critique.
2ème mouvement : (~5 min)
Le deuxième mouvement qui s'entame à partir de « Quelle condition vous parait » Montre un retour à la réalité de la part de LB. Le récit allégorique touche à sa fin et le moraliste sort de la description de son idéal pour impliquer le lecteur qui jusque là n'avait qu'un rôle de témoin. Il lui pose alors deux questions au ton oratoire pour appuyer sa critique. Le lecteur de l'époque n'est pas naïf et aura bien reconnu le style pastoral qui est une référence culturelle connue et vue de nombreuses fois, il sait que l'auteur l'incite à réfléchir, à juger.
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