Portrait de madame Verdurin
Commentaire de texte : Portrait de madame Verdurin. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar mike75009 • 29 Mai 2017 • Commentaire de texte • 2 011 Mots (9 Pages) • 2 152 Vues
Du côté de chez Swann, publié en 1913, constitue le premier tome d’une série de sept ouvrages intitulée, A la recherche du temps perdu. Marcel Proust y développe un style inégalé caractérisé par la phrase longue. Le passage qui nous occupe n’est cependant pas sans rappeler quelques piquants portraits balzaciens et l’ironie flaubertienne. L’extrait nous situe dans le Paris snob du début du siècle. Mme Verdurin tient un salon bourgeois qui veut rivaliser avec ceux de l'aristocratie. Le narrateur la décrit, recevant ses familiers.
Problématique : en quoi le portrait de Madame Verdurin est-il une satire de la bourgeoisie ?
De ce poste élevé elle participait avec entrain à la conversation des fidèles et s'égayait de leurs " fumisteries ", mais depuis l'accident qui était arrivé à sa mâchoire, elle avait renoncé à prendre la peine de pouffer effectivement et se livrait à la place à une mimique conventionnelle qui signifiait, sans fatigue ni risques pour elle, qu'elle riait aux larmes. Au moindre mot que lâchait un habitué contre un ennuyeux ou contre un ancien habitué rejeté au camp des ennuyeux - et pour le plus grand désespoir de M. Verdurin qui avait eu longtemps la prétention d'être aussi aimable que sa femme, mais qui, riant pour de bon, s'essoufflait vite et avait été distancé et vaincu par cette ruse d'une incessante et fictive hilarité -, elle poussait un petit cri, fermait entièrement ses yeux d'oiseau qu'une taie commençait à voiler, et brusquement, comme si elle n'eût eu que le temps de cacher un spectacle indécent ou de parer à un accès mortel, plongeant sa figure dans ses mains qui la recouvraient et n'en laissaient plus rien voir, elle avait l'air de s'efforcer de réprimer, d'anéantir un rire qui, si elle s'y fut abandonnée, l'eût conduite à l'évanouissement. Telle, étourdie par la gaîté des fidèles, ivre de camaraderie, de médisance et d'assentiment, Mme Verdurin, juchée sur son perchoir, pareille à un oiseau dont on eût trempé le colifichet dans du vin chaud, sanglotait d'amabilité.
Axes :
- portrait d’une bourgeoise, mondaine et autoritaire…
- … dont les excès sont ridicules
- Portrait d’une bourgeoise…
11- Une position privilégiée
- Position dans l’espace
De ce poste élevé : placée en tête de phrase, l’expression mime le comportement de Mme Verdurin qui préside son assemblée + poste renvoie au lexique militaire, il s’agit d’une position stratégique, qui lui permet d’exercer un contrôle sur ses invités
A la fin du texte, on retrouve cette position avec une connotation péjorative : juchée sur son perchoir
= Mme Verdurin domine la situation, du moins, c’est ce qu’elle s’efforce de faire paraître
- Position sociale
Pas de particule au nom (Verdurin), nous sommes chez des bourgeois, des bourgeois aisés, voire très aisés (cf ils organisent des « salons »)
La position que Mme Verdurin occupe dans l’espace est également celle qu’elle souhaite occuper socialement : sortir de l’ombre de la bourgeoisie (car la bourgeoisie est dans l’ombre des cabinets, l’ombre des boutiques, l’ombre des officines juridiques, l’ombre de la bourse) pour briller comme ces « aristocrates » qu’elle jalouse
12- La mondanité / le snobisme (le renouvellement du « salon »)
- Une microsociété
la conversation, " fumisteries " : nous sommes dans un « salon » qui rappelle ceux des précieux, on y attend érudition et divertissement, esprit et bon mot
opposition entre le sérieux de la conversation et le registre de langue familier de fumisteries
des fidèles : 2 occurrences dans le texte = notion de ferveur, connotation morale, voire religieuse
- Le jeu des apparences
mimique conventionnelle qui signifiait (…) qu'elle riait aux larmes
un jeu de codes qui rappelle ceux des courtisans
paradoxalement c’est Mme Verdurin qui cherche à contrôler son comportement afin de « faire bonne figure », pour reprendre une expression familière
Le rire étant un des critères qui permet de tester l’orthodoxie d’un fidèle, il est essentiel qu’elle surpasse ses invités dans ses démonstrations
mimique / conventionnelle / signifiait : des termes froids, techniques, discours qui semble mettre en exergue l’explicatif ; le milieu mondain requiert un certain apprentissage, il exige le respect des codes
- Une hiérarchie
Au moindre mot que lâchait un habitué contre un ennuyeux ou contre un ancien habitué rejeté au camp des ennuyeux
(dé)gradation : des fidèles, des habitués, des ennuyeux
Rivalité, esprit de compétition dans ce salon (répétition de contre)
On peut perdre son rang, sa place : une sélection (habitué devient ancien habitué rejeté)
13- Le couple Verdurin : une relation inégale
- Effacement du mari
et pour le plus grand désespoir de M. Verdurin qui avait eu longtemps la prétention d'être aussi aimable que sa femme, mais qui, riant pour de bon, s'essoufflait vite
= Monsieur Verdurin occupe un espace réduit dans le texte, la ponctuation (tirets) qui encadre son évocation semble le relayer à une place subalterne
le plus grand désespoir : superlatif qui connote la déception de M. Verdurin
avait eu longtemps : plus que parfait marque antériorité + adverbe de durée (une période révolue, une tentative vaine d’égaler sa femme)
la prétention d'être aussi aimable que sa femme : opposition entre le caractère péjoratif de prétention et mélioratif d’aimable ; un rêve impossible : imiter son épouse (comique)
- Figure tutélaire de l’épouse
Si Monsieur Verdurin est en retrait dans ce salon, c’est parce que Madame monopolise l’attention, désire être l’unique objet d’intérêt
et avait été distancé et vaincu par cette ruse d'une incessante et fictive hilarité
= tournure passive, Monsieur Verdurin subit l’action + plus-que-parfait marquant la défaite dans cette compétition conjugale et mondaine
distancé : lutte, rivalité à l’intérieur du couple, Monsieur essaie de se hisser au « rang » de Madame
vaincu : échec de Monsieur Verdurin
ruse : supériorité de Madame Verdurin
incessante et fictive hilarité : ironie de fictive + s’oppose à riant pour de bon
- … ridicule
21- Un comportement outrancier
- Les excès d’une joie manifeste
elle participait avec entrain + s'égayait + étourdie par la gaîté des fidèles, ivre de camaraderie, de médisance et d'assentiment
champ lexical de la joie, du rire
gradation: entrain, s’égayait, étourdie, ivre ; peu à peu, elle semble perdre le contrôle d’elle-même, enivrée de paroles, de bons mots (boisson spirituelle)
« de camaraderie, de médisance et d'assentiment » : cadence ternaire caractérise domaine de l’affectif, du sentimental, de la passion (pas dans la raison) ; connotation méliorative du premier terme, péjorative du deuxième, naïveté/complicité dans le troisième
- Un spectacle grotesque
depuis l'accident qui était arrivé à sa mâchoire
= bref rappel, quasiment anecdotique mais qui traduit tout le ridicule du personnage (Mme Verdurin, persuadée que toute posture mondaine, pour être reconnue et appréciée, doit être exagérée, prend en quelque sorte au pied de la lettre les expressions hyperboliques que la langue commune applique à certaines réactions, du type « mourir de rire », elle s’est littéralement déchaussée la mâchoire de rire.)
sans fatigue ni risques pour elle
= les risques renvoient à l’accident de la mâchoire, effet d’insistance cynique, ironique, proche du comique de répétition = satire de la bourgeoisie
spectacle indécent
= lexique théâtral + moral
une métaphore précieuse (qui renvoie à la préciosité), un jugement pudibond
sanglotait d'amabilité
antithèse
formule lapidaire qui met en relief l’ironie finale du narrateur
22- La difficulté à refreiner ses excès
- Paraître : un véritable travail
elle avait l'air de s'efforcer de réprimer, d'anéantir
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