Ruy Blas: acte 3, scène 2
Commentaire de texte : Ruy Blas: acte 3, scène 2. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Juliongod • 9 Mai 2016 • Commentaire de texte • 1 125 Mots (5 Pages) • 4 255 Vues
Analyse de la scène 2 de l’acte III, v. 1108-1158
☛ Montrer comment Hugo donne au discours de Ruy Blas une portée universelle
I. Le tableau d’un empire en déclin
a. L’Espagne : le royaume du crime, de la corruption et du banditisme
- Chaque seigneur madrilène a « cent coupe-jarrets » (v. 1110), « la nuit on assassine » (v. 1113), et Ruy Blas dit s’être fait voler la veille
- L’armée en déliquescence : « pas un soldat [n’est] payé » (v. 1116)
- Image de la souillure : Espagne comparée à un « égout » impur (v.1108), décadence morale du pays
- Enumération dans un rythme ternaire : « Génois, Sardes, Flamands » (v. 1111), « des gueux, des juifs, des montagnards » (v. 1119), souligne rudesse et violence de la situation.
- Allitération en « t » (v. 1121-1124), confère une dureté au discours
- Allusion à la tour de Babel : chute prochaine du pays
b. Un déclin associé à une agonie
- Champ lexical du deuil et de l’ombre : « siècle funeste », « couché dans l’ombre », « expire », pays à l’agonie
- Il déclare : « L’Espagne se meurt ! L’Espagne s’éteint ! », suscite l’effroi
- Il rappelle Charles Quint de sa « tombe », nostalgie des temps meilleurs
- Registre élégiaque et tragique
c. Evoque la grandeur passée de l’Espagne
- Métaphore de l’ombre pour évoquer Espagne contemporaine VS la lumière par antithèse, caractérise le passé glorieux du pays.
- RB parle de « soleil éblouissant », de « jour », d’« aurore », période lumineuse, règne de Charles Quint (Saint-Empire romain germanique)
- le « globe », le « sceptre » et l’« aigle impérial » font référence à cet Empire.
II. Un discours vivant
a. La comparaison des hommes ou des pays à des animaux
- comparaison : peuple espagnol à un lion mourant dans un « antre »
- évocation des « membres énervés » + image de sa dévoration par la « vermine », vision frappante, d’un réalisme cru
- Evoque Saint-Empire par l’« aigle impérial »
- Par antithèse, pays devenu un « pauvre oiseau plumé » qui cuit dans une « marmite infâme »
Ainsi, par l’intermédiaire de ce bestiaire, RB parvient à marquer l’esprit de ses auditeurs.
b. les personnifications pour évoquer des territoires ou des peuples
- « L’Europe […] écrase du talon / Ce pays qui fut pourpre » souligne le mépris des pays européens et l’humiliation de l’Espagne
- Peuple espagnol : personnifié quand RB lui prête sentiment de tristesse : « triste comme un lion »
- Le pays : « l’Espagne se meurt » comme un homme
Personnifications utilisées pour rendre son discours plus concret et plus vivant, pour émouvoir l’auditoire.
c. La multiplication des apostrophes au service d’une invocation épique
- A partir du vers 1139 : « Charles Quint ! », « ô puissant empereur », « Au secours, Charles Quint ! », « ô géant ! »
- Apostrophes qui s’adressent à celui qui mit l’Espagne à la tête du Saint-Empire roman germanique pendant la première moitié du XVIe siècle
- Vocabulaire mélioratif : « puissant » + champ lexical de la lumière
- « tonnerre » + « flamme » : assimilation de Charles Quint avec le dieu Jupiter
- Charles Quint : figure fondatrice de rassemblement, un chef, un héros épique
III. Un réquisitoire contre les puissants
a. Le pronom personnel «nous»
- « Espagnols que nous sommes », « Quelle armée avons-nous ? », « il nous faut ton bras »
- Ce « nous » permet à RB de se mettre du côté du peuple, des victimes de la corruption et du vol, du côté du Bien.
- Posture qui dévoile un parti pris politique, il revendique son attachement au peuple, lui le 1er ministre.
b. L’opposition du « nous » avec le « vous » ou le « ils »
- « vous » : les ministres sans scrupules assimilés aux « pires », aux « tas de nains difformes »
- RB critique ces « marchands » qui pillent les richesses du pays : « vous vous disputez à qui prendra le reste ! »
- Ce « vous » permet à RB de se dissocier du pouvoir
- Il accuse le roi : « votre seigneur » de ne rien faire : « courbe[r] son front pensif »
- Tirade polémique qui accuse le roi et les ministres du déclin de l’Espagne, ponctuée d’ ? et d’ ! qui montrent la force de l’accusation
c. Hugo désire donner à son drame une portée générale
- Le tableau décrit par RB peut faire écho à plusieurs épisodes historiques dans l’esprit des spectateurs :
- La révolution française 1789
- Sous la restauration monarchique et la monarchie de Juillet du XIXè siècle avec la société marchande et décadente
- La société de V.Hugo qui vit dans une société fondée sur des valeurs bourgeoises d’argent et de profit
- Echos historiques qui confèrent au discours une portée universelle
Les trois questions de l’examinateur
Question 1. Quelle autre scène célèbre du théâtre de Hugo l’invocation à Charles Quint rappelle-telle? L’invocation à Charles Quint de Ruy Blas rappelle l’invocation de Charles Quint à Charlemagne à la scène 2 de l’acte IV d’Hernani. Le roi don Carlos, sur le point de devenir empereur, appelait Charlemagne à lui verser « dans le cœur, du fond de [son] tombeau, / Quelque chose de grand, de sublime et de beau » (v. 1563-1564). Effrayé par l’ampleur de sa tâche, il appelait ce modèle dans l’espoir de s’élever à la hauteur de ses fonctions. La pièce Hernani, créée en 1830, évoque l’itinéraire du roi don Carlos, devenu Charles Quint lorsqu’il a été élu empereur. L’action d’Hernani se passe au début du XVIe siècle, et évoque l’apogée de l’empire espagnol, tandis que Ruy Blas traite de son déclin, à la fin du XVIIe siècle. Comme Hugo l’explique dans sa préface : « Dans Hernani, le soleil de la maison d’Autriche se lève ; dans Ruy Blas, il se couche » (p. 18).
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