Analyse linéaire l'aveu de la princesse
Commentaire de texte : Analyse linéaire l'aveu de la princesse. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar nadiabellakhdar • 24 Mars 2021 • Commentaire de texte • 3 212 Mots (13 Pages) • 3 459 Vues
Explication de texte 3 : « Un aveu inédit »
Introduction :
Un peu moins d’un an après l’arrivée de l’héroïne à la Cour, le « péril » redouté s’est précisé. Épousé sans amour, après l’échec de deux unions prestigieuses, le prince de Clèves est, contrairement aux usages, violemment épris de sa femme, sans être payé de retour. La princesse a résisté à la cour pressante que lui fait le duc de Nemours, mais elle a aussi découvert la violence de sa passion pour lui et les affres de la jalousie : hantée par la nécessité d’avouer ses tourments à son mari, elle hésite. Puis terrifiée par la complicité amoureuse qui s’est créée entre elle et Nemours, Mme de Clèves quitte précipitamment la Cour pendant les fêtes du mariage d’Elizabeth de France avec le roi d’Espagne pour se réfugier à Coulommiers. Son mari l’y retrouve et exige pour la bienséance qu’elle revienne à la Cour : elle lui avoue, alors « dans une allée du parc » les raisons de sa retraite, sans savoir que Nemours s’est dissimulé dans un « pavillon » à proximité.
- Passage extrait de la troisième partie de La PDC, sans nul doute le plus célèbre du roman.
- Ce passage aux aveux a déjà été envisagé à deux reprises (après la scène du portrait dérobé puis après la rédaction d’une lettre en commun avec Nemours) → Projet abandonné dans les deux cas.
- A noter que cet aveu est inconcevable, invraisemblable à l’époque, ce qui a engendré la critique de cette scène, jugée par les contemporains de Mme de Lafayette comme artificielle.
Projet de lecture:Une scène singulière qui témoigne de la grandeur héroïque des deux personnages → En quoi peut-on parler, à propos de cet extrait, de scène sublime ?
Mouvements du texte :
1, Le discours de la princesse
2, Description des personnages
3, Réponse de M. de Clèves.
1. Premier mouvement : le discours de la princesse.
« - Eh bien, monsieur, lui répondit-elle en se jetant à ses genoux, je vais vous faire un aveu que l'on n'a jamais fait à son mari ; mais l'innocence de ma conduite et de mes intentions m'en donne la force. »
Discours au style direct → importance de la parole et de ses effets : caractère théâtral qui renforce le côté dramatique du passage.
Eh bien → marque la violence sur soi, l’effort qu’il y a à livrer cette confession. Elle cherche à atténuer son acte qu’elle justifie par un extrême degré de vertu liée à son « innocence » en terme de « conduite » et d’« intentions ». L’aveu témoigne du désir de transparence de la princesse et de sa foi dans la compréhension du prince à l’égard de ce fatal amour.→ Elle ne s’estime pas coupable, ce qui rend l’aveu possible.
Caractère paradoxal de cet aveu marqué par la conjonction de coordination « mais » qui marque l’opposition. La princesse par son aveu devient héroïque : sa conduite est originale « un aveu que l'on a jamais fait à son mari » + idée d'originalité dans la littérature.→ Singularité exemplaire de son choix : elle se distingue de la masse des autres femmes par l’usage du pronom indéfini « on » et le recours au passé composé qui a une valeur d’accomplissement.
Par ce geste, elle demande la clémence de son mari et fait preuve d'humilité. Le gérondif marque la concomitance/simultanéité de la parole « avouer »et de l’acte « se mettre à genoux) ». → Scène très théâtrale et pathétique puisqu’ « elle se jett[e] à ses genoux ».
Elle use donc à la fois de persuasion (cherche à provoquer la compassion de son mari) et de conviction (choix d’un argument fort).
« Il est vrai que j'ai des raisons de m'éloigner de la cour et que je veux éviter les périls où se trouvent quelquefois les personnes de mon âge. »
Cet aveu ne se fait encore qu'à demi-mot sur le mode de la concession. Mais elle reste très floue comme le montre la litote dans l'emploi du terme évasif « des raisons ».
Le mot « raison » est un terme abstrait qui évite de nommer le sentiment éprouvé et la personne qui l’inspire. → Elle procède par euphémisme pour conserver la bienséance et les manières de l'époque.
Ici encore, elle justifie rationnellement le caractère socialement inconcevable de sa conduite (retrait de la cour) : emploi du terme « vrai »+ verbe de volonté « je veux » → volonté inébranlable de se laisser guider par sa raison et non par ses passions.
« les périls où se trouvent les personnes de mon âge » : « périls », terme péjoratif qui appartient au champ lexical du malheur, désigne ici la séduction. Il traduit une vision pessimiste de l’amour, présenté comme un tourment, un danger.
« Je n'ai jamais donné nulle marque de faiblesse, et je ne craindrais pas d'en laisser paraître si vous me laissiez la liberté de me retirer de la cour ou si j'avais encore Mme de Chartres pour aider à me conduire. »
Double négation avec l’adverbe et le déterminant « nulle » + hyperbole « jamais » : elle réaffirme doublement son innocence et se pose en quelque sorte comme victime d’une situation qui l’oppresse et la fragilise : dépendance d’un mari + solitude et fragilité (absence de soutien maternel).
Pour autant, et paradoxalement, elle affirme sa force individuelle. Elle revient sur le même argument qu'elle a déjà avancé précédemment, à savoir que la Cour fait d'elle une proie qui peut céder à la tentation et renoncer à sa vertu. Tension extrême entre deux forces : celles de l’individu et celles de la société.
« Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me conserver digne d'être à vous. Je vous demande mille pardons, si j'ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions. »
Insistance sur le caractère héroïque de sa démarche « quelque dangereux [...] »e » → concession/opposition) + « digne » ; et insistance sur la force de son entreprise « je prends », répété deux fois, dans une sorte de chiasme syntaxique.
Appel à la pitié dans le vocabulaire hyperbolique « mille pardons ; jamais ».
La trahison du pacte de fidélité n’est pas allée jusqu’à une liaison, elle se traduit par deux périphrases en antithèse doublées d’un chiasme : « des sentiments qui vous déplaisent » : périphrase qui montre qu’elle aime un autre homme # « je ne vous déplairai jamais par mes actions » : litote qui signifie qu’elle ne le trompera jamais / l’usage du futur de l’indicatif fige l’avenir en destin renforçant sa détermination sans faille. → Exaltation une nouvelle fois de sa grandeur héroïque.
« Songez que pour faire ce que je fais, il faut avoir plus d'amitié et plus d'estime pour un mari que l'on en a jamais eu; conduisez-moi, ayez pitié de moi, et aimez-moi encore, si vous pouvez. »
Impératifs + superlatif Impersonnel + présent de vérité générale + négation + rythme ternaire. La princesse en appelle à la clémence de son mari et son discours se fait alors pathétique sur un rythme ternaire qui est celui des sentiments « conduisez-moi ; aimez-moi encore ; ayez pitié de moi »: elle use des impératifs et se montre ainsi en position de supplication. Cela renforce le pathétique de la scène tout en conservant le caractère héroïque.
Elle est à la recherche d'un guide spirituel depuis que sa mère est morte. L'aveu apparaît comme une preuve d'amour hors du commun « on n’a jamais eu », une sorte d’'héroïsme comme le montre les deux superlatifs « plus de [….] » . Il sonne aussi comme une sorte de défi : elle invite son mari à se montrer à la hauteur en continuant à l’aimer ! → Manifestation d’une sublime supériorité qui va déclencher l’admiration de M. de Clèves.
Bilan 1er mouvement :
Au total, un aveu en sourdine qui contraste avec la manière dont il est annoncé. La princesse s’exprime par allusions en utilisant des termes vagues, des tournures abstraites, des périphrases et des litotes. L’aveu est donc très partiel, contenu : de nature réservée et soucieuse des bienséances, elle n’avoue jamais directement qu’elle aime Nemours pour épargner son mari.
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