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Anthologie poétique sur le temps qui passe

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comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heureLes jours s'en vont je demeure

Passent les jours et passent les semainesNi temps passé Ni les amours reviennentSous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l'heureLes jours s'en vont je demeure.

Guillaume Apollinaire, Alcools.

Soleils Couchants.

Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées; Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ; Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ; Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !

Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule Sur la face des mers, sur la face des monts, Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule Comme un hymne confus des morts que nous aimons.

Et la face des eaux, et le front des montagnes, Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.

Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête, Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux, Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête, Sans que rien manque au monde immense et radieux !

Victor Hugo, Les feuilles d'Automne.

Quand vous serez bien vieille.

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,Assise aupres du feu, devidant et filant,Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant :Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle.Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,Desja sous le labeur à demy sommeillant,Qui au bruit de mon nom ne s'aille resveillant,Benissant vostre nom de louange immortelle.Je seray sous la terre et fantaume sans os :Par les ombres myrteux je prendray mon repos :Vous serez au fouyer une vieille accroupie,Regrettant mon amour et vostre fier desdain.Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :Cueillez dés aujourd'huy les roses de la vie.

Pierre de Ronsart, Sonnet pour Hélène, II, 24.

Le lac.

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,Dans la nuit éternelle emportés sans retour,Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âgesJeter l’ancre un seul jour ?Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierreOù tu la vis s’asseoir !Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,10 Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondesSur ses pieds adorés.Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadenceTes flots harmonieux.Tout à coup des accents inconnus à la terreDu rivage charmé frappèrent les échos ;Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère20 Laissa tomber ces mots :« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !Suspendez votre cours :Laissez-nous savourer les rapides délicesDes plus beaux de nos jours !« Assez de malheureux ici-bas vous implorent,Coulez, coulez pour eux ;Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;Oubliez les heureux.« Mais je demande en vain quelques moments encore,30 Le temps m’échappe et fuit ;Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’auroreVa dissiper la nuit.« Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,Hâtons-nous, jouissons !L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;Il coule, et nous passons ! »Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur, S’envolent loin de nous de la même vitesse40 Que les jours de malheur ?Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,Ne nous les rendra plus !Éternité, néant, passé, sombres abîmes,Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimesQue vous nous ravissez ?Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !50 Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,Au moins le souvenir !Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvagesQui pendent sur tes eaux.Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface60 De ses molles clartés.Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,Que les parfums légers de ton air embaumé,Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,Tout dise : Ils ont aimé !

Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques.

Un autre Coeur.

Serait-ce un autre cœur que la Nature donneA ceux qu’elle préfère et destine à vieillir,Un cœur calme et glacé que toute ivresse étonne,Qui ne saurait aimer et ne veut pas souffrir?

Ah ! qu’il ressemble peu, dans son repos tranquille,A ce cœur d’autrefois qui s’agitait si fort !Cœur enivré d’amour, impatient, mobile,Au-devant des douleurs courant avec transport.

Il ne reste plus rien de cet ancien nous-mêmes ;Sans pitié ni remords le Temps nous l’a soustrait.L’astre des jours éteints, cachant ses rayons blêmes.Dans l’ombre qui l’attend se plonge et disparaît.

A l’horizon changeant montent d’autres étoiles.Cependant, cher Passé, quelquefois un instantLa main du Souvenir écarte tes longs voiles,Et nous pleurons encore en te reconnaissant.

Louise Ackermann, Contes & Poésies.

La nuit.

Quand la lune blancheS’accroche à la branchePour voirSi quelque feu rougeDans l’horizon bougeLe soir,

Fol alors qui livreA la nuit son livreSavant,Son pied aux collines,Et ses mandolinesAu vent ;

Fol qui dit un conte,Car minuit qui compteLe temps,Passe avec le princeDes sabbats qui grinceDes dents.

L’amant qui compareQuelque beauté rareAu jour,Tire une balladeDe son coeur maladeD’amour.

Mais voici dans l’ombreQu’une ronde sombreSe fait,L’enfer autour danse,Tous dans un silenceParfait.

Tout pendu de Grève,Tout Juif mort soulèveSon front,Tous noyés des havresPressent leurs cadavresEn rond.

Et les âmes feuesJoignent leurs mains bleuesSans os ;Lui tranquille chanteD’une voix touchanteSes maux.

Mais lorsque sa harpe,Où flotte une écharpe,Se tait,Il veut fuir… La danseL’entoure en silenceParfait.

Le cercle l’embrasse,Son pied s’entrelaceAux morts,Sa tête se briseSur la terre grise !Alors

La ronde contente,En ris éclatante,Le prend ;Tout mort sans rancuneTrouve au clair de luneSon rang.

Car la lune blancheS’accroche à la branchePour voirSi quelque feu rougeDans l’horizon bougeLe soir.

Alfred de Musset, Poésies Posthumes.

La montre.

Deux fois je regarde ma montre,Et deux fois à mes yeux distraitsL’aiguille au même endroit se montre ;Il est une heure… une heure après.

La figure de la penduleEn rit dans le salon voisin,Et le timbre d’argent moduleDeux coups vibrant comme un tocsin.

Le cadran solaire me railleEn

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