Commentaire d'Arrêt Assemblée Plénière, 6 Octobre 2006
Recherche de Documents : Commentaire d'Arrêt Assemblée Plénière, 6 Octobre 2006. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiress été parties, dès lors que cette situation de fait leur cause un préjudice de nature à fonder une action en responsabilité délictuelle, néanmoins ils ajoutent qu'il faut, dans ce cas, que le tiers établisse alors "l'existence d'une faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel".
La question est de savoir si la société Boot shop peut engager la responsabilité délictuelle du bailleur sur le fondement de l’article 1382 du code civil alors que la faute provient de l’inexécution d’une obligation contractuelle. En d’autres termes peut-il y avoir une assimilation entre une faute contractuelle et une faute délictuelle, ou bien faut-il apporter la preuve d’une faute délictuelle envisagée indépendamment de tout point de vue contractuel ?
La Cour de cassation a décidé que : "le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage". Il suffit donc, que le dommage soit caractérisé et qu'il ait été causé par un manquement contractuel pour que le tiers invoque ce manquement sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Ainsi, en l'espèce, en relevant que le défaut d'entretien des locaux rendait impossible l'usage normal des locaux loués, la Cour de cassation en a déduit que la Cour d'appel avait bien caractérisé le dommage causé par les manquements des bailleurs au locataire gérant du fonds de commerce. Par conséquent, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les bailleurs.
Dans un premier temps, il convient ainsi, d'étudier l'extension de l'effet relatif du contrat aux tiers (I), puis dans un deuxième temps, de s'intéresser à l'assimilation de la faute contractuelle à la faute délictuelle (II).
1) L'extension de l'effet relatif du contrat au tiers
A) L'opposabilité du contrat
L’article 1165 du Code civil pose le principe de l’effet relatif des contrats, selon lequel : « les
conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ».
Ce principe signifie que seules les parties qui ont consenti au contrat sont engagées par celui-ci.
Ainsi, le contrat ne peut pas créer de droits ou d’obligations à l’égard des tiers.
Néanmoins, ce principe fut fortement critiqué, notamment par la doctrine contemporaine, qui évoque une conception purement individualiste du droit des obligations".
En effet, selon la doctrine, dire que, par l'effet relatif des conventions, les tiers ne peuvent devenir créanciers ou débiteurs en raison d'un contrat auquel ils n'ont pas été parties n'implique pas que le contrat ne puisse avoir, à leur égard, aucune répercussion. C'est pourquoi, la doctrine a dégagé le principe de l'opposabilité du contrat.
Selon ce principe, les parties peuvent opposer aux tiers la situation née du contrat, de même que, les tiers peuvent invoquer contre les parties cette même situation dès lors qu'ils y ont un intérêt.
Par conséquent, si le contrat ne peut créer des obligations qu’entre les parties contractantes (principe de l’effet relatif), il créer cependant, une situation de fait et de droit qui peut tout aussi bien être opposée aux tiers, par les parties, lorsqu'un tiers serait complice d'une violation du contrat et donc aurait commis une faute engageant sa responsabilité, ou alors, invoquée par un tiers au contrat pour rechercher la responsabilité d'une partie, lorsque celui-ci aurait subit un préjudice du fait de la mauvaise exécution du contrat.
L'inexécution ou la mauvaise exécution d'un contrat engendrera pour le contractant, des conséquences différentes envers les parties et les tiers. En effet, en ce qu'il s'agit des parties, le contractant qui exécute mal ou qui n'exécute pas ses obligations engage sa responsabilité contractuelle, sur fondement de l'article 1134 du Code civil, tandis qu'à l'égard du tiers, qui n'est pas partie au contrat, le contractant engage sa responsabilité délictuelle, sur fondement de l'article 1382 du Code civil, dès lors que le tiers a subi un dommage résultant d'un manquement contractuel du débiteur.
Il convient toutefois de préciser, que les tiers qui peuvent mettre en œuvre la responsabilité délictuelle d'un contractant sont toutes les personnes qui n'ont pas été parties à la formation du contrat.
En l’espèce, le contrat de bail concerne uniquement les bailleurs et la société Myr’Ho.
Ainsi, si l’immeuble loué était en mauvais état, la société Myr’Ho aurait pu engager la responsabilité contractuelle des bailleurs, sur le fondement de l'article 1134 du Code civil.
Mais, la société Myr’Ho a confié la gérance de son fonds de commerce à un tiers, la société Boot shop et c’est cette même société qui a assigné en référé les bailleurs, pour défaut d'entretien de l'immeuble rendant l'utilisation normale des locaux impossible et causant donc un dommage à la société Boot shop .
Donc, nous sommes bien dans la situation selon laquelle un tiers au contrat se dit subir un préjudice du fait de la mauvaise exécution du contrat et engage par conséquent, la responsabilité délictuelle des débiteurs.
B) la solution retenue par la Chambre commerciale : une solution conforme au principe de la relativité de la faute contractuelle avec l'exigence d'une faute délictuelle indépendante du contrat
Pendant longtemps, la jurisprudence a exigé que le tiers démontre pour obtenir la réparation de son dommage, l'existence d'une « faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel. »
Par conséquent, le tiers pouvait invoquer la situation de fait créée par les conventions auxquelles il n'avait pas été parti, dès lors que cette situation de fait lui avait causé un préjudice de nature à engager une action en responsabilité délictuelle, à condition que le tiers établissait l'existence d'une faute délictuelle prouvée en dehors de tout contrat.
La jurisprudence entendait ainsi subordonner la responsabilité délictuelle à la preuve de la violation par le débiteur d'une règle de portée générale dont il aurait dû répondre, même s'il n'y avait pas eu de contrat, en l'application de l'article 1382 du Code civil. Il fallait donc, établir une faute détachable du contrat, telle qu'une faute de négligence ou d' imprudence, commise par le créancier.
Bien qu'il apparaissait plus difficile pour le tiers d'engager la responsabilité délictuelle du contractant, cette solution semblait néanmoins conforme au principe de la relativité de la faute contractuelle.
En effet, au regard de ce principe, le contrat ne génère de responsabilité envers les tiers que si le manquement contractuel se double d'un manquement au devoir général de ne pas nuire à autrui.
Ainsi, toute faute contractuelle n'est pas obligatoirement une faute délictuelle. Pour que l'action en responsabilité délictuelle envers le contractant soit fondée, le tiers se doit de démontrer que son préjudice a été causé par une faute quasi-délictuelle de négligence ou d’imprudence. Il doit apporter la preuve d'une faute délictuelle qui soit détachable du contrat inexécuté.
Il convient de rappeler, que le tiers ne peut invoquer la faute contractuelle, contrairement au créancier victime de l'inexécution contractuelle du débiteur ( l'article 1165 du Code civile dispose que : « le tiers peut agir en responsabilité délictuelle contre un débiteur qui lui a causé un dommage en raison de l'inexécution de ses engagements contractuels mais cela ne l'autorise en aucun cas à agir en qualité de créancier contractuel » ).
La Chambre commerciale de la Cour de cassation semble avoir adopté ce principe de la relativité de la faute délictuelle, en exigeant la preuve d'une faute délictuelle détachable du contrat. Ce principe a été réaffirmé dans un arrêt récemment rendu par la Chambre commerciale, le 5 avril 2005 :« Un tiers ne peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir de l’inexécution du contrat qu’à la condition que cette inexécution constitue un manquement à son égard au devoir général de ne pas nuire à autrui ». Ainsi, la Chambre commerciale reste bien attachée au principe de l’autonomie de la faute délictuelle par rapport à l’inexécution contractuelle, contrairement à la première chambre de la Cour de cassation, qui elle soutient que le tiers n'a pas à rapporter d'autre preuve que le manquement contractuel du débiteur, ayant causé un dommage au tiers. Elle semble donc, plutôt se diriger vers une identité, une assimilation des fautes contractuelles et délictuelles.
En l'espèce, si l'on appliquait la thèse de la relativité de la faute contractuelle, la cassation pourrait être encourue dès lors que les juges du fond n'ont pas caractérisé une faute délictuelle, invoquée par la société Boot shop et envisagée en elle-même indépendamment de la faute contractuelle du bailleur.
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