Commentaire de Texte " Parfum Exotique "
Commentaire de texte : Commentaire de Texte " Parfum Exotique ". Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar inesarchd • 31 Mars 2021 • Commentaire de texte • 2 820 Mots (12 Pages) • 718 Vues
Commentaire du poème de Baudelaire
« Parfum exotique » in Les Fleurs du mal.
L’univers de Baudelaire est souvent parsemé d’images fortes et violentes, d’images de la mort triomphante, de sonorités qui donnent le vertige ; le spleen, pour lui donner un nom, mais réduire sa poésie à ce seul état serait faux, ainsi lorsque tout va bien dans sa vie, Baudelaire est capable de décrire avec des images de toutes beauté l’Idéal, c’est-à-dire tout ce qui lui donne envie de vivre et d’aimer.
Il en est ainsi dans le poème « Parfum exotique » issu de la section « Spleen et Idéal » des Fleurs du Mal (1857), où le poète en compagnie de celle qu’il aime, Jeanne Duval pour être précis, imagine une île paradisiaque où tout n’est que bien-être, où la femme, thème récurrent dans son œuvre, est ici le guide suprême, à la fois femme-maîtresse et femme-protectrice.
En quoi ce poème peut-il être vu comme l’image même de l’Idéal ? ?
En mettant en relief la présence obsédante et tellement importante de la femme, Baudelaire crée les conditions du voyage immobile qui va le conduire à nous faire comprendre sa vision du bonheur.
Il est facile de constater à quel point la femme est au cœur même du poème, par la situation d’énonciation évidemment mais aussi par les qualités nombreuses qui lui sont attribuées par le poète et par la douce sensualité qu’elle dispense.
La femme est bien au cœur des préoccupations du poète et c’est la situation de communication qui nous le prouve au premier chef : le « je » du 2ème vers, pronom derrière lequel on reconnaît aisément le poète, s’adresse à un tu sous forme d’un adjectif possessif « ton » situés dans le même vers, signe d’un rapprochement des deux personnages, chacun se partageant les deux hémistiches, les marques de la personne se situant en début de ceux-ci à chaque fois. Cette osmose entre les deux amants sera réitérée dans le premier tercet où le « je » et le « ton » à nouveau fusionnent même si le procédé se fait sur deux vers cette fois-ci. On notera que la destinatrice n’est pas nommée, mais seulement réduite, amoureusement, par métonymie à un corps et une odeur. La présence de cette femme engendre naturellement un registre lyrique très discret cependant, jusque dans son titre qui ne fait pas mention d’un nom mais d’un parfum, naturel ou baume, émanation directe du corps de celle qu’il aime.
Cette femme semble dotée de qualités que l’on devine plus qu’elles ne sont, là encore, clairement exposées. En effet, c’est par « l’odeur de [s]on sein » qu’elle est caractérisée au vers 2. Le sein peut-être envisagé comme symbole maternel donc de protection, de réconfort ; l’image de la mère est par conséquent associé à cette femme amante mais aussi maternelle. Le champ lexical de la chaleur parcourt d’ailleurs le poème au vers 1 « soir chaud », vers 2 « chaleureux », vers suivants « feux » et « soleil ». On notera aussi que les assonances comportent de nombreuses sonorités rondes, douces comme « soir », « chaud », « automne », « odeur », « ton »… Celle qui est capable de lui inspirer de la confiance est à la fois l’image de la mère et de la femme, sorte de personnage bicéphale. En effet il ouvre le poème par l’évocation de ses « deux yeux fermés » signe évident d’une totale confiance, d’un apaisement que la femme a su lui prodiguer.
Mais cette femme est aussi l’essence même de la sensualité car l’image du sein répond aussi à une esthétique érotique souvent présente dans la poésie de Baudelaire. Comme nous l’avions déjà évoqué, la muse n’est pas nommée mais existe par un corps, mais à la différence des sonnets du Moyen-Age bâtis sur le système du blason, elle n’a de concret que son « sein chaleureux ». Le poème fonctionne sur la sensation, le pouvoir d’évocation qu’il diffuse. En effet, on peut comprendre et facilement imaginer entre les lignes que cette séquence met en scène un épisode de calme où les deux amants réunis côte à côte savourent les bienfaits d’une douce soirée. La réunion des corps facilite le rapprochement et le contact de la peau, mais avec finesse, le poète provoque cette réunion des sens par le biais de l’odorat et non du toucher comme on aurait pu s’y attendre. La sensualité est liée aussi à l’odeur dégagée par le corps féminin. Ici Baudelaire n’a pas recours aux images attendues de la chevelure par exemple, symbole classiquement féminin, mais à quelque chose de beaucoup plus subtil et volatil : le parfum. On notera enfin que la femme est vue comme une sorte de guide « Guidé par ton odeur » au vers 9, soit une fonction tout à fait positive qui relève là encore tant de la confiance que de l’aspiration au plaisir.
(Transition) Comme on a pu le voir la femme est au cœur même de ce poème par sa présence olfactive et bienveillante. C’est grâce à elle que le poète est en capacité d’imaginer le lieu même de leurs amours, cadre propice au bien-être, deuxième partie du titre de ce poème.
Le voyage immobile auquel nous convie Baudelaire nous amène vers une île paradisiaque où le paysage marin crée une dimension infinie et lumineuse, le tout baigné d’une douceur exotique.
Le poème s’appuie en effet sur un champ lexical maritime traversant tout le poème et concluant d’ailleurs celui-ci dans ses tout derniers vers : « chant des mariniers ». Ce poème est une invitation à admirer un paysage marin très visuel. Par une sorte de rétrécissement le poète nous accompagne dans une visite guidée de son île paradisiaque allant des contours à l’intérieur de celle-ci. En effet, dès le premier quatrain et en évidence dans le deuxième hémistiche du vers 3, s’offrent à notre vue « des rivages heureux ». Ces rivages dont il est question forment une « île » qui ouvre le deuxième quatrain. Puis, petit-à-petit, l’île dévoile sous forme d’une sorte de tableau impressionniste par petites touches des « voiles et de[s] mâts » par synecdoque, des habitants, « des hommes » au corps « mince et vigoureux » et « des femmes » aussi caractérisées par leur franchise ainsi qu’ un climat dont « l’air » au vers 13 fait circuler les odeurs. Le rappel discret de « la vague marine » rappelle qu’une île vit de la pêche d’où la présence en fin de vers des marins : « mariniers ». Enfin, « le port » rappelle l’entrée dans l’île mais pourrait être vu aussi comme le symbole de l’accès au paradis.
Ce qui saute aux yeux c’est cette volonté de rendre l’île lumineuse et infinie. Cette terre est placée sous le signe de la luminosité au vers 4 tout particulièrement avec cette explosion de mots largement évocateurs « éblouissent », « feux » et « soleil » en une sorte de redondance mise en lumière par la proposition subordonnée relative qui complète l’antécédent « rivages ». Les mots « feux » et « soleil » sont placés côte à côte de part et d’autre de chaque hémistiche pour mieux les mettre en valeur et les associer sémantiquement. Le verbe éblouir quant à lui démarre le vers et se fait remarquer par sa conjugaison au pluriel qui ajoute encore à l’intensité et à la profusion de la chaleur. Le premier tercet reprend lui aussi cette idée de chaleur et de douceur avec la fin du vers « charmants climats ». Nous remarquerons également que la lumière est rendue par les nombreuses assonances en [a] et en [oi] des voyelles éclatantes contenues dans les deux tercets : « vois, voiles mâts, charmants, climats, fatigués, vague, marine » etc…Enfin, la combinaison du soleil, du ciel, de la mer, des arbres offre une palette de couleurs chaudes pour la plupart. Et si les éléments se combinent pour donner de la luminosité au poème, les objets eux aussi renvoient cette idée de clarté : les voiles du vers 10 suggèrent leur blancheur éclatante.
L’aspect infini quant à lui est rendu par le pluriel du mot « rivages » qui lui confère une dimension sans borne auquel s’ajoute le verbe « se dérouler » qui renforce encore cette idée. Le port et l’évocation des bateaux symbolisent l’évasion, le voyage de même que les nombreux enjambements appuient la notion d’espace, vers 3-4, 5-6, 10-11, ou encore 12-13. Ceux-ci invitent le lecteur à aller au-delà de la limite fixée par l’alexandrin. On notera encore la longueur que constituent les deux quatrains qui multiplient la longueur des alexandrins en une seule phrase qui s’arrête au vers 8 par le point situé après le mot « étonne ». Les deux tercets quant à eux forment eux aussi une seule et même phrase. Enfin, bien que le poète ait les yeux fermés, sa vision n’est ni obscure ni réduite, mais bien lumineuse et infinie puisqu’il accède à une sorte de vision panoramique de cette île.
Ce paysage marin baigné d’une douce lumière existe par le fait même de la couleur exotique donnée au poème. En effet, le titre du poème met l’accent sur le cadre spatial de l’île que l’on situe plus ou moins mais ce même cadre est relégué au profit du parfum, c’est alors tout un monde de senteurs qui nous est offert : l’odeur de la peau de la femme aimée bien sûr mais aussi celle des « fruits savoureux », puis des « verts tamariniers » arbres porteurs de fleurs odorantes. Le dernier tercet est entièrement construit sur l’envoûtement que provoque le parfum puisque celui-ci « circule » et « enfle la narine ». L’île est montrée sous un jour paisible au vers 5 « Une île paresseuse ». L’adjectif suggère une douceur de vivre, un lieu où l’on sait encore prendre son temps, profiter de la vie et de ses bienfaits. Les habitants d’ailleurs sont caractérisés de manière tout à fait méliorative : les hommes ont un « corps mince et vigoureux » c’est-à-dire en pleine santé, taillé pour les plaisirs et beau à voir ; les femmes quant à elles ont la franchise dans le regard au vers 8, signe de confiance. Dans cette 2ème strophe, une grande sensualité, propre au mode de vie sur les îles, notamment à cette époque où la morale chrétienne n’a pas encore pollué les consciences, se dégage du poème. L’adjectif « charmants » au vers 9 peut être compris dans le sens de merveilleux, de parfaits. Enfin, l’île est montrée comme généreuse car elle « donne » au vers 5 des « arbres, des fruits, des hommes et des femmes ». L’utilisation fréquente du pluriel renforce cette idée de générosité comme l’image de la corne d’abondance. De nombreux passages dans le poème suggèrent eux aussi cette vocation à multiplier (les voiles dans le port, les tamariniers, les mariniers…).
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