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En quoi la laideur, la « boue » est-elle une source d’inspiration poétique pour Baudelaire au même titre que la beauté, l’ « or » dans son recueil Les Fleurs du Mal ?

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Par   •  29 Janvier 2023  •  Dissertation  •  1 928 Mots (8 Pages)  •  611 Vues

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En quoi la laideur, la « boue » est-elle une source d'inspiration poétique pour Baudelaire au même titre que la beauté , l' « or » dans son recueil Les Fleurs du Mal ?

Charles Baudelaire, écrivain du 19eme siècle, marque par l'éclectisme de ses sources. Poète inclassable, à la croisée de tous les courants, tour à tour romantique, parnassien, symboliste, il s'est touiours inspiré de la réalité du monde et des hommes dans ce qu'elle a de plus beau mais aussi de trivial, de répugnant, d'effrayant, de laid. Son recueil Les Fleurs du Mal publié en 1861 expose l'ambivalence de ses écrits à commencer par l'oxymore qui compose son titre Fleurs et Mal. Dans l'épilogue rédigé à l'occasion de la deuxième édition du recueil. Baudelaire écrit « Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or ». L'inspiration poétique pourrait prendre source à la fois dans ce qui est beau et dans ce qui ne l'est pas. Traditionnellement, les auteurs chantent la beauté de la nature, de l'idéal féminin, de l'amour... Le beau serait la perfection physique ou morale alors que le laid serait son inverse, son négatif, ce qui repousse, répugne, fait souffrir. C'est le mal, le difforme, la « boue ».

On peut alors se demander si la laideur peut être une source de création poétique pour Baudelaire aussi inspirante que la beauté. En quoi peut-elle devenir le propos de l'œuvre alors qu'elle semble contraire à l'essence esthétique de la poésie ? Tout d'abord, nous verrons comment le laid tout comme le beau s'intègre dans le travail poétique de Baudelaire. Puis nous analyserons la manière dont l'auteur s'inspire de la laideur pour transcender l'opposition beau et laid.

D'une part, le laid et le beau sont tour à tout évoqués dans Les Fleurs du Mal.

Tout d'abord, la poésie semble être le genre littéraire du beau, La poète chante la belle

nature, la noblesse des sentiments, l'amour heureux ou malheureux. Il cherche la beauté formelle, la musicalité des vers, l'harmonie des rimes, les jeux de langage. Mais ce parti pris esthétique peut être réducteur et la diversification des sources d'inspiration semble permettre un renouveau de l'expression poétique. Ainsi le recueil Les Fleurs du Mal a des sources multiples et le laid en fait partie intégrante. Baudelaire a goût prononcé par le non beau qu'il évoque sans pudeur et de façon récurrente tout au long du recueil. La laideur trouve sa place essentielle dans l'œuvre comme dans les poèmes « Les petites vieilles » ou « Le squelette laboureur ». Baudelaire a joué avec l'alternance du beau avec les poèmes « La Beauté », « L'Hymne à la Beauté » voire du très beau avec « L'Idéal » et du laid. « Boue » «et « or » se côtoient et comportent une part de subjectivité. Baudelaire affirmera « le Beau est toujours bizarre », il échappe donc à la norme, à la règle et peut se révéler derrière les apparences. C'est pourquoi « une charogne » peut être belle tout comme un cadavre de femme. Tout dépend du regard et de la sensibilité qui sont portés sur elle, « la carcasse superbe » et « sur la toile oubliée et que l'artiste achève » révèlent une beauté qui s'oppose à la description hideuse et réaliste de la chair putréfiée comme le notent « ventre putride » et « épais liquide ».

En outre, le recours à la laideur comme une source d'inspiration permet au poète de basculer

les codes et de rompre avec les « canons » de l'art poétique et de choquer. Baudelaire inverse la tradition en célébrant le laid et se démarque ainsi des autres poètes. En ce sens, il ouvre à une modernité de style. De plus, le recours à la laideur choque particulièrement à cette époque ce qui permet au poête de susciter des émotions plus vives que la platitude du beau ne le permet.

L'évocation du laid peut être inspirante car elle rentre dans la provocation. Ainsi la laideur de la charogne tout comme celle des vieillards semblent hostiles, en témoigne le poème « les sept vieillards » ce qui entraîne un étonnement chez le lecteur. De même, la femme en décomposition décrite avec précision dans son processus de putréfaction choque par son réalisme impudique et contraste avec l'évocation de la femme aimée et de sa beauté dans « Hymne à la Beauté ». Dans les poèmes « Les sept vieillards » et « Les aveugles », la laideur physique suggère une laideur morale qui paradoxalement leur donne un ressort ridicule presque comique. Il en va de même dans le poème « Le mort joyeux » où l'oxymore du titre suggère que la mort peut être drôle. Le poète décrit avec réalisme la mort tout en lui conférant une dimension comique « Je veux creuser moi-même une fosse profonde/ où je puisse étaler mes vieux os », « ô vers noirs compagnons oreille et sans yeux voyez venir à vous » avec l'injonction paradoxale « sans yeux », « joyeux ».

Ensuite, le recours à plusieurs sources d'inspiration incluant le laid permet à l'auteur de mieux dépeindre le réel. Il interprète ce qui l'entoure dans ce qu'il v a de plus beau mais aussi de laid car le monde et l'homme comportent ces deux facettes. Le Beau servirait à exprimer ou à susciter des sentiments tels que l'amour, le bonheur, la gaieté et le laid des sentiments comme la peur, le dégoût, la rage. La nature humaine est doublée comme le montre l'évocation de la femme dans le recueil qui est ambivalente. Elle est à la fois la beauté et la mort et le poète en propose une multiplicité de portraits. Elle est « l'immortel Soleil dans l' »Aube spirituelle », objet de fascination dans « Sed non satiatia » et « le flambeau vivant », mortelle dans « Le Poison », dangereuse et cruelle dans « Le Vampire », funeste dans « Le Martyre » et « Les deux bonnes sœurs », démoniaque dans « Le Possédé ». Ainsi Baudelaire par l'intégration de la laideur, le beau, le non beau à son art poétique a su renouveler l'approche poétique et élargir les sources d'expression du réel pour « bousculer » le lecteur.

D'autre part, Baudelaire va plus loin en montrant que l'inspiration poétique ne se réduit pas

à l'approche manichéenne du beau et du laid. S'il évoque le laid et le beau, c'est pour mieux transcender l'opposition qui les caractérise.

Tout d'abord, l'évocation du laid, du mal, de la boue permet de renforcer la beauté lorsqu'elle est évoquée. L'ensemble du recueil est bâti sur une mise en perspective de l'un par rapport à l'autre. De plus, il ne s'agit pas seulement pour Baudelaire de décrire la laideur mais aussi d'en faire un bel objet. Il cherche à trouver dans le laid une beauté inconnue. « La Charogne » ignoble, grouillante devient grâce à lui un tableau esthétique. Il nous montre ce qu'il y a e beau dans le laid comme dans le poème « Les petites vieilles » où l'apostrophe exclamative interpelle avec familiarité le lecteur

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