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Grec Commentaire Discours Euphilétos

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t : en installant le gynécée (l’appartement des femmes) au rez-de-chaussée, il ne pense qu’à la sécurité et au confort de son épouse (ἵνα… μή, ὁπότε λοῦσθαι δέοι, κινδυνεύῃ κατὰ τῆς κλίμακος καταβαίνουσα, « pour éviter,chaque fois qu’elle devait le laver, de prendre le risque de tomber en descendant l’escalier »), sans songer aux risques qu’il prend lui-même. Même à présent, il ne se départ pas d’une certaine bienveillance à l’égard de son épouse : il se garde en effet de la blâmer trop explicitement, allant jusqu’à faire porter à sa mère défunte la responsabilité de son infortune (πάντων τῶν κακῶν ἀποθανοῦσα αἰτία μοι γεγένητα, « en mourant, elle s’avéra être la cause de tous mes malheurs »). L’épouse, elle, « est séduite » (διαφθείρεται) ; c’est Eratosthène qui « causa sa perte » (ἀπώλεσεν αὐτήν)... Toute la responsabilité lui incombe, et Euphilétos parle de l'amant comme s'il était encore devant lui, en utilisant le démonstratif de deuxième personne : τούτου τοῦ ἀνθρώπου, « cet individu-ci ».

Il peut donc sentir ici une certaine ironie dans la manière dont Lysias présente la vie de son client : car cette vie si réglée ne l’a pas empêché de devenir cocu… Eratosthène, l’amant, n’est pas l’amour qui viendra contrarier un autre amour : il est la puissance irraisonnée du désir qui vient troubler la sérénité d’un ménage où chacun remplit sa fonction .Cet affrontement d’Euphilétos et d’Eratosthène est ainsi l’affrontement de philia, « l’attachement », et d’eros, « le désir ».

Cependant, Euphilétos n’est pas le mari parfait qu’il prétend être. Il s’abrite ainsi derrière la loi pour cacher sa faute. Car cet homme est bien coupable d’un crime, celui d’avoir tué un homme par vengeance. On a affaire ici a une vengeance préméditée. En effet, Euphilétos a refusé de procéder à une transaction financière, comme le lui demandait Erastothène ἠντεβόλει δὲ καὶ ἱκέτευε μὴ ἀποκτεῖναι ἀλλ' ἀργύριον πράξασθαι « me suppliait de ne pas le tuer et de n'exiger de lui que de l'argent ». De plus, la recherche de témoins faite par le mari et le génitif absolu ὑπὸ τῆς ἀνθρώπου παρεσκευασμένης « la servante étant prête » prouve la vengeance et la préméditation de cet acte.

L’art du récit : un récit vivant

Denys d’Halicarnasse admirait chez Lysias son art du récit ; il lui reconnaissait le mérite d’être « vraisemblable et naturel » (πιθανὴ καὶ ἀπερίεργος). Cette vraisemblance et ce naturel, Lysias les obtient par une forte cohésion de l’action, du caractère du personnage, et du langage qu’il utilise ; mais il l’obtient aussi par une construction très habile.

Progressivement, le mari aimable voit sa situation évoluer. La répétition du mot χρόνος scande les étapes du récit, et contribue au suspense : χρόνῳ διαφθείρεται (« avec le temps elle est séduite »), καὶ ταῦτα πολὺν χρόνον οὕτως ἐγίγνετο (« et cela dura longtemps »). Le temps joue contre Euphilétos... Les deux tournants principaux sont la mort de la mère, et l’arrivée de l’enfant ; chacun de ces événements est introduit par la conjonction ἐπειδὴ : ἐπειδὴ δέ μοι ἡ μήτηρ ἐτελεύτησε (« Après que ma mère mourut ») et ἐπειδὴ δὲ τὸ παιδίον ἐγένετο ἡμῖν (« quand notre enfant vint au monde »). Aussi chaque occurrence de cette conjonction marque-t-elle une étape importante dans le récit, une rupture dans la vie du personnage ; et la progression chronologique, marquée par une abondance de conjonctions logiques comme γάρ ou οὖν (« en effet », « donc »), fait songer à l’avancée inéluctable vers la catastrophe dans une tragédie, ou dans une comédie… Aucune de ces étapes n’est « gratuite »: avec la mort de sa mère, Euphilétos perd une figure capitale, qui pouvait retenir sa femme sur le chemin de l’adultère ; quant à la naissance de l’enfant, elle est une circonstance aggravante pour l’épouse et pour son amant – d’autant plus que la servante provoquera plus tard volontairement les cris de l’enfant, pour permettre à l’épouse de s’éclipser sans éveiller les soupçons de son mari...

Le polyptote du mot πᾶς (« tout ») souligne le contraste « elle était la plus sage de toutes » (γυναίκα πασῶν σωφρόνέστατην είναι); de l’autre, « tout » va mal : « elle fut la cause de tous mes malheurs » (πάντων τῶν κακῶν... αἰτία μοι γεγένηται). Ce chamboulement est caractéristique de l'intrigue d'une comédie ou d'une tragédie.

Une catastrophe... comique

La « catastrophe » – καταστροφή, « renversement », « bouleversement » – est matérialisée par l’inversion de l’appartement des hommes et de l’appartement des femmes – οἰκίδιον ἔστι μοι διπλοῦν, « ma maisonnette est double », c’est-à-dire « possède un étage ». Avec la descente des femmes au rez-de-chaussée, et l’installation du mari à l’étage, le haut et le bas sont inversés, et aussi, par conséquent, le féminin et le masculin. Or, dans la situation initiale, Euphilétos était en position dominante. Il était maître de sa vie, et maître de ce qu’il appelle « ma maison » (οἰκίδιον... μοι). Il perd ensuite cette maîtrise, sur les deux théâtres du récit.

Il y a bien en effet deux théâtres, qui sont lieux d’action et lieux de spectacle. La scène principale est la maison elle-même, οἰκία, comme l’indique la figure dérivative : οἰκίαν, et οἰκίδιον. C’est dans ce lieu, censée accueillir une famille heureuse, que se déroule des actions de la vie quotidiennes ἐκάθευδον (dormait) ἐθήλαζεν (donner le sein). Cependant c’est dans sa propre maison que le mari perd son pouvoir, ce qui qui accentue le caractère scandaleux, mais aussi cocasse de l’affaire.

Le second théâtre de cette comédie est l’espace public, la rue

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