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La Poésie

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J’im/plo/re/ ta/ pi/tié/, Toi,/ l’u/ni/que/ que/ j’aim[e] » (Baudelaire) = 12 syllabes

• Diérèse ou synérèse ?

Quand deux voyelles se suivent dans une syllabe, elles peuvent être prononcées de deux façons ; l’usage les prononce généralement en une seule émission de voix, dans une seule syllabe ; en revanche, la poésie peut les scinder en deux émissions distinctes, dans deux syllabes, ce qui met en valeur le mot concerné : ce procédé s’appelle une diérèse (du grec di-airesis, « division »).

« Sa/ bu/r[e] où/ je/ vo/yais/ des /con/ste/lla/ti /ons » (Hugo)

Le procédé inverse, qui consiste à prononcer une seule syllabe, est une synérèse (du grec sun-airesis, « rapprochement »).

Blaise Cendrars, traitant avec humour et dérision son métier de poète, marque une synérèse pour ce terme habituellement prononcé sous la forme de deux syllabes, po/ète, qu’il faut alors prononcer poèt – qui évoque l’onomatopée amusante : pouet.

b) Vers pairs et impairs

Les différents types de vers peuvent être classés en fonction du nombre de syllabes qu’ils comportent. La longueur des vers leur donne leur nom.

Vers pairs Vers impairs

Nom Longueur Nom Longueur

dissyllabe 2 syllabes monosyllabe 1 syllabe

tétrasyllabe 4 syllabes trisyllabe 3 syllabes

hexasyllabe 6 syllabes pentasyllabe 5 syllabes

octosyllabe 8 syllabes heptasyllabe 7 syllabes

décasyllabe 10 syllabes ennéasyllabe 9 syllabes

alexandrin 12 syllabes hendécasyllabe 11 syllabes

Les vers pairs sont les plus employés dans la poésie classique. Les plus courants sont l’octosyllabe, le décasyllabe et l’alexandrin, qui est le vers le plus long ; il tient son nom du titre d’une œuvre médiévale en vers de la fin du XII° siècle où il est employé, le Roman d’Alexandre.

Les vers impairs sont moins fréquents. L’heptasyllabe est le plus usité, notamment par Hugo au XIX°. L’ennéasyllabe (peu utilisé) et l’hendécasyllabe (devenu rare après le XIV°) sont présents dans la poésie moderne, à partir du XX°. Verlaine préconise l’usage des vers impairs dans son « Art poétique » (écrit en 1874, publié en 1882, et finalement inclus dans le recueil Jadis et Naguère, 1884) :

« De la musique avant toute chose,

Et pour cela préfère l’Impair

Plus vague et plus soluble dans l’air,

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. »

c) Vers réguliers et vers irréguliers

La longueur des vers permet de leur attribuer des caractéristiques classiques et régulières, ou modernes et irrégulières.

Le vers régulier : il repose sur le compte des syllabes (de une à douze) qui fixe son rythme ; c’est le vers français classique, qui obéit de plus aux règles de la rime et de la césure.

Le vers irrégulier : le vers moderne est libre ; on se libère à partir de la fin du XIX° des contraintes des vers de même longueur et l’on fait se succéder des vers de longueurs différentes, mais on abandonne aussi les contraintes de la rime, voire la ponctuation.

Les codes classiques impliquent une longueur de une à douze syllabes, mais l’on peut observer des variations au cours des époques.

On peut trouver des vers très brefs : un vers de 3 syllabes dans « Les Animaux malades de la peste » de La Fontaine met ainsi en valeur l’élément détaché :

« Même il m’est arrivé quelquefois de manger

Le berger. »

Notons que La Fontaine, dans ses Fables, emploie des vers hétérométriques (c’est-à-dire de longueurs différentes), mêlant octosyllabes, décasyllabes et alexandrins qui confèrent son originalité au rythme particulier de ses fables.

Victor Hugo utilise toutes les dimensions possibles du vers, de une à douze syllabes, dans Les Djinns.

On peut également trouver des vers très longs (c’est-à-dire de plus de douze syllabes) qui ne portent pas de nom particulier dans la poésie moderne à partir du XX°, chez Guillaume Apollinaire par exemple.

Le vers libre s’affranchit du décompte des syllabes et assemble des vers de longueurs variées à la fin du XIX°; cette pratique se généralisera après avoir été mise en œuvre par Arthur Rimbaud dans les Illuminations (1874).

Le verset désigne un vers plus long, irrégulier, employé au XX° par Paul Claudel ou Saint-John Perse

2. Le rythme du vers

a) Coupe et césure

En français, la dernière syllabe non muette est accentuée. Les accents de cette nature entraînent des pauses que l’on appelle des coupes qui sont mobiles dans le vers. La place de la coupe conditionne la lecture en imposant au vers un rythme.

La coupe principale s’appelle la césure (du latin : couper) et sépare les deux moitiés du vers que l’on nomme les hémistiches (qui signifie : demi-vers). La règle classique, définie par Boileau dans son Art poétique, veut que la césure survienne après un mot, et non à l’intérieur :

« Que toujours dans vos vers//le sens coupant les mots

Suspende l’hémistiche,//en marque le repos »

Mais les poètes modernes s’en écarteront parfois, comme le fait Paul Eluard dans le premier de ces deux vers :

« Avec tes yeux je chan//ge comme avec les lunes

Et je suis tour à tour// et de plomb et de plume »

Le premier vers pratique donc ce que l’on appelle la césure enjambante ; le second pratique la césure classique.

Ce vers de Racine comporte 4 coupes, dont la césure :

« Je le vis,/ je rougis,// je pâlis/ à sa vue »

L’alexandrin classique est séparé par la césure en deux hémistiches et rythmé par deux accents secondaires variables : ces quatre mesures l’ont fait nommer tétramètre. Dans l’alexandrin romantique se sont développées parfois, au détriment de la césure, deux coupes secondaires qui en font un trimètre.

b) Enjambement, rejet et contre-rejet

• L’enjambement indique que la phrase n’est pas contenue dans la limite du vers, qu’elle dépasse, et dont elle déborde sur le vers suivant,.

« Tes jours, sombres et courts comme les jours d’automne,

Déclinent comme l’ombre au penchant des coteaux » (Lamartine)

• Si un élément qui dépend d’un vers ne peut y trouver place et est rejeté dans le vers suivant, il y a rejet.

« Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent

Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons, » (Baudelaire)

« C’est un trou de verdure où chante une rivière

Accrochant follement aux herbes des haillons

D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,

Luit ; c’est un petit val qui mousse de rayons. » (Rimbaud)

Un rejet célèbre

Dans Hernani, drame romantique en vers, Victor Hugo libère l’alexandrin, ce qui constitue l’une des causes de la querelle opposant classiques et romantiques lors de la première représentation en 1830. Les deux premiers vers offrent en effet un rejet :

« Serait-ce déjà lui ? C’est bien à l’escalier

Dérobé. […] »

« J’ai disloqué ce grand niais d’alexandrin » affirme Hugo. Théophile Gautier relate dans Victor Hugo cette bataille d’Hernani : « On casse les vers et on les jette par les fenêtres ! dit un classique », « Ce mot rejeté sans façon à l’autre vers, cet enjambement audacieux, impertinent même, semblait un spadassin de profession, allant donner une pichenette sur le nez du classicisme pour le provoquer en duel. »

• Si à l’inverse un élément anticipe sur la phrase qui se développe dans le vers suivant, on parle de contre-rejet.

« Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,

Haine, frisson, horreur, labeur dur et forcé, » (Baudelaire)

« Ils atteindront le fond de l’Asturie, avant

Que la nuit ait couvert la sierra de ses ombres » (Hugo)

Le rejet et le contre-rejet mettent

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