Le Colonel Chabert, La Comédie Humaine, Honoré de Balzac (1844)
Fiche de lecture : Le Colonel Chabert, La Comédie Humaine, Honoré de Balzac (1844). Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar luis.garcia2019 • 4 Septembre 2019 • Fiche de lecture • 4 368 Mots (18 Pages) • 750 Vues
Luis Martinez Le 14/11/17
1A
HISTOIRE DU XIXe siècle
Professeur de Conférence: M. Calvet
FICHE DE LECTURE
Le Colonel Chabert, La Comédie Humaine, Honoré de Balzac (1844)
Honoré de Balzac est un écrivain français, romancier et dramaturge, né le 20 mai 1799 à Tours, grand admirateur de l’écrivain britannique Walter Scott et considéré par plusieurs comme “le plus grand romancier français”. Poussé par ses parents qui voulaient faire de lui un notaire, il poursuit des études de droit, que s’ils l’ennuient vont aussi lui donner un évident savoir-faire dans la vocation de la procédure juridique et seront l’objet de nombreux de ses romans, dont Le Colonel Chabert, où il récréera l’atmosphère de ce monde. Mais, se voulant avant tout un philosophe, il va obtenir finalement l’autorisation de ses parents pour se consacrer à la littérature qu’il hâte depuis longtemps. Or, cette nouvelle vocation sera au départ vouée à l’échec et succédée par un deuxième échec dans le mondes affaires qui va l’endetter. Ces problèmes financiers vont le poursuivre toute sa vie à cause de son dandysme qui le fait dépenser plus que ce qu’il gagnait. Revenu au monde littéraire pour rembourser ses dettes, il ne retrouve le succès que jusqu’en 1830 avec la Physiologie du mariage, succès qui s’affirme l’année suivante avec La Peau du Chagrin. Il devient alors peu à peu un auteur à la mode et fréquente la haute société parisienne, ainsi que rencontre des anciens officiers de Napoleon qui vont lui raconter des anecdotes ensuite exploitées dans ses romans. Vu le succès qu’il connait depuis, il va se consacrer entièrement à ses romans qui vont refléter ses grandes préoccupations. Finalement, il mènera, dès 1842 jusqu’à sa mort, l’entreprise de La Comédie Humaine, où il réunira tous ses ouvrages en trois ensembles: les Etude des moeurs (lui-même divisé en six sections: les “Scènes de la vie privée, de province, parisienne, politique, militaire et de campagne”), les Etudes philosophiques et les Etudes analytiques.
A travers cette oeuvre, dont son titre a été choisi en référence à la Divine Comédie de Dante, Balzac, considéré le précurseur du réalisme (mouvement qui se développera à la deuxième moitié du XIXe siècle), va décrire les rouages d’une société qui se révèle fondée sur l’argent et les vices, mais aussi sur les passions. Il va raconter, comme il l’écrira dans l’Avant-propos de La Comédie Humaine, cette “histoire oubliée par tant d’historiens, [l’histoire] des moeurs” de la société, décrire “les faits et gestes” de celle-ci, “ses vices et vertus”. Il va peindre une grande fresque réaliste de son temps, de la France du XIXe siècle et sa société, au sein de laquelle il a dû vivre.
La France connait à l’époque quand Balzac écrit une période politiquement troublée. Des nombreux changements de régimes marqués par des révolutions et des coups d’Etats se succèdent. Le Roi et la Monarchie sont renversés avec la Revolution commencée en 1789, mais sont ensuite restaurés par les puissances étrangères suite à la défaite de Napoleon à Waterloo, après avoir connu la République, le Directoire, la Terreur, le Consulat et l’Empire successivement. Ce contexte tumultueux se manifeste aussi dans la littérature et les arts en général. Tous les grands artistes de la première moitié du XIXe siècle (et Balzac ne fait pas l’exception) sont alors atteints du “mal du siècle” caractérisé par cet spleen exprimé par Baudelaire, imprégnés par la nostalgie d’un temps révolu marqué par l’épopée napoléonienne, passé glorieux d’une France relayée avec la Restauration à un second plan. Ils sont donc fascinés par le passé qui récompensait l’effort et auquel ils rêvent, et dégoûtés par le présent caractérisé par une société immorale, cupide et opportuniste. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’oeuvre que l’on va ici étudier.
Le Colonel Chabert de Honoré de Balzac apparait pour la première fois en 1832 sous forme de feuilleton dans la revue l’Artiste sous le titre La Transaction. Et ce n’est jusqu’en 1844, après avoir été publié en 1835 comme roman, une première fois sans accord de Balzac, sous le titre Le Comte Chabert, et puis à nouveau sous le titre La Comtesse à deux maris, cette fois sous la plume de Balzac qui la remanie et l’inscrit dans “Les Scènes de la vie parisienne” des Etudes des moeurs au XIXe siècle (qui constituera la première et principal partie de La Comédie Humaine), que l’oeuvre apparait dans sa version définitive, inscrite dans La Comédie Humaine, cette oeuvre immense de son auteur, faisant partie cette fois des “Scènes de la vie privée”. Ces hésitations de l’auteur vis à vis des choix du titre et de l’ensemble dans lequel serait inséré le roman témoigne l’évolution qu’a connu l’oeuvre au sujet de ce que voulait mettre en avant l’auteur: l’aspect juridique, la situation de la comtesse se retrouvant avec deux maris ou la poursuite du personnage éponyme pour retrouver son identité perdue. C’est cet dernier aspect qui convainc finalement
L’histoire du Colonel Chabert est une histoire au pur style des poèmes homériques. Hyacinthe Chabert, un de ces soldats d’élite de la Garde Impériale de la Grande Armée que Napoléon Ier surnommait “les grognards”, rentre chez lui à Paris après des années d’absence suite à son départ aux côtés de l’Empereur, auquel il est extrêmement fidèle, lors de la campagne de Russie. Mais, à son retour, ayant été tenu pour mort à la bataille d’Eylau il se retrouve dépossédé de tout ce qu’il avait: son hôtel où il vivait a été démoli, la rue même où se trouvait renommé, et sa fortune confisquée par Rosine, sa femme qui, remariée avec le Conseiller d’Etat, le Comte Ferraud, est devenue la Comtesse Ferraud, une comtesse de la Restauration et mère de deux enfants. Dépourvu de tout, même de son existence, Chabert fait appel à M. Derville et se lance dans une dernière bataille pour retrouver son nom, son rang, sa femme et sa fortune. Mais il se trouve dans un monde qui n’est plus le sien. Non seulement la Restauration a succédé l’Empire, mais la société est maintenant régie par des valeurs telles la cupidité ou l’opportunisme. Conseillé par son avoué, Derville, à “transiger” avec sa femme il est finalement piégé par celle-ci. Il renonce donc à tout ce qu’il réclamait et disparaît de cette société qui le dégoûte et de laquelle il ne veut pas faire partie.
Nous nous demanderons donc comment Balzac peint à travers le Colonel Chabert une société du XIXe siècle de plus en plus influencée par les idées romantiques développées en début de siècle?
Nous présenterons ainsi le Colonel Chabert comme un personnage du XIXe siècle, un ancien soldat de l’armée napoléonienne qui revient chez lui après des années d’absence, mais qui en revenant il retrouve un société nouvelle sous la Restauration dans laquelle il ne veut pas vivre, qui le dégoûte, ce même dégoût qu’on retrouve chez les romantiques de son époque.
Nombreuses sont, à l’époque où Balzac écrit, les histoires d’anciens soldats de la Grande Armée qui restent nostalgiques d’un empereur qu’ils ont accompagné dans ses prouesses et qu’ils admirent. Ces soldats qui par leurs témoignages, insistant sur les moments de gloire et minimisant tout travers qu’ils auraient pu subir, nourrissent une légende façonnée autour de celui de qui, maintenant qu’il a été déchu par ce régime qu’il s’était empressé à éliminer, ils désirent le retour. Des soldats comme ceux-ci ont été surement fréquentés par Balzac et servi, grâce aux anecdotes qu’ils ont dû lui raconter, d’inspiration pour le personnage de Hyacinthe Chabert. En effet, le Colonel Chabert est, évidement, un soldat de l’armée napoléonienne. Il avait, comme le fait remarquer M. Derville, “aidé Napoleon à conquérir l’Egypte et l’Europe” (p.128). Il faisait partie de ces soldats d’élite de la Vieille Garde de la Garde Impériale, ce corps d’armée parmi lequel figuraient les soldats les plus fidèles à l’Empereur à qui ils protégeaient et que celui-ci appelait les “grognards”, du fait qu’ils se plaignaient toujours de leurs conditions de vie sans pour autant arrêter de le suivre. D’ailleurs, ils étaient les seuls à qui l’Empereur permettait d’arriver “grogner” directement chez lui. Le Colonel Chabert même dira à moment qu’il était aimé de l’Empereur (“il m’aimait un peu le patron” p.64), qu’il était appelé par celui-ci comme “son Chabert” (p.74). De plus, il avait commandé lors de la campagne en Russie “un régiment de cavalerie” et avait été “dans le succès de la célèbre charge que fit Murat, et qui décida le gain de la bataille” (p.62) à Eylau, cette terrible bataille que, même si elle fut gagnée par Napoleon et son armée, elle fut le premier carnage que connut la Grande Armée. Chabert avait, tout de même, été décoré avec la Légion d’Honneur, cette distinction créée par Napoleon en 1802 alors qu’il était encore Premier Consul dans sa volonté de récompenser le mérite individuel, le mérite de “ses soldats et ses savants” et former une communauté d’hommes et de femmes illustres. Ce n’est donc pas étonnant, vu son attachement à l’Empire et son admiration en vers “son patron” (d’ailleurs visible lorsqu’il adopte inconsciemment des gestes de l’Empereur “en tenant une main dans son gilet” - p.108), que le Colonel Chabert ait si mal lorsqu'il apprend tout ce qui est arrivé dans son absence, qu’il ait si mal lorsqu’on lui apprend les défaites qui ont poussé à abdiquer celui qu’il considérait “son père” (p.74), même après avoir lui-même dû faire face à toute une série de travers. En effet, “en pensant que Napoleon [était] à Sainte-Helene, tout ici-bas lui [était] indifférent” (p.124). Pour Chabert, les Français “ont tous froid” depuis que “le soleil s’est couché” (p.74), depuis que Napoleon a été poussé à s’exiler à Sainte-Hélène, l’Empire renversé et la Monarchie restaurée, ce qui ne montre que la douleur qu’il éprouve. Cette douleur sera, d’ailleurs, accentuée en voyant les Russes (ces mêmes russes qu’il avait avant battu aux côtés de l’Empereur) en France à tel point qu’il ne pensait plus qu’il n’avait “ni souliers aux pieds ni argent dans [sa] poche” (p.75). Sa misère n’est alors qu’anecdotique à côté du vide qui produit en lui l’absence de Napoleon.
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