Le Roman Comique de Paul Scarron

L’extrait étudié constitue l’incipit du Roman Comique de Paul Scarron dont la première partie fut publiée en 1651. L’adjectif « comique » du titre du roman est annonciateur d’une œuvre relevant de la comédie, c’est donc la promesse d’un récit humoristique. Dans son incipit, le romancier met en scène une troupe de comédiens arrivant au Mans. Nous pouvons ainsi nous interroger sur la façon dont ce premier chapitre est révélateur de la dimension comique du roman.

La première phrase de l’incipit est présentée, à l’image d’une didascalie, en retrait du reste du récit. L’utilisation d’un tel procédé confère une dimension théâtrale rappelant la comédie tandis que les informations centrales sur la localisation de l’intrigue ainsi que sur la nature des personnages, des « comédiens », sont réunies en une phrase. Le commencement de l’incipit constitue donc une entrée dans l’univers du roman. En effet, le cadre temporel est indiqué de manière originale, le romancier situe l’action par rapport à la position du soleil « le soleil avait achevé plus de la moitié de sa course », nous pouvons constater que l’association du char, des chevaux et du soleil, constitue une référence mythologique au char d’Apollon, et de fait, relève du registre épique. Cependant, le roman comique n’est pas une épopée, cette référence mythologique annonce ainsi un registre parodique. Il y a ainsi une chute comique où le registre épique est brutalement remplacé par le registre parodique, dont la phrase « Pour parler plus humainement et plus intelligiblement » constitue le point de rupture. En effet, le char, transport héroïque dont les chevaux sont symbole de noblesse est remplacé par une simple charrette, moyen de transport populaire et trivial dont les « quatre bœufs forts maigres » contrastent fortement avec la prestance des chevaux.

D’autre part, l’incipit sert également d’entrée en scène des personnages. Deux personnages sont ici présentés, une demoiselle et un jeune homme. Force est de constater que la présentation des personnages est inégalitaire. Alors que la demoiselle est présentée en moins d’une phrase, l’homme est quant à lui présenté en vingt lignes, ce qui témoigne de l’importance potentielle du personnage dans le roman. De plus, Scarron nous propose une description complète de la tête jusqu’aux pieds qui nous renseigne sur la richesse de la troupe de comédien ainsi que sur les activités du jeune homme antérieures à l’incipit. La description du jeune homme débute avec une antithèse « riche de mine et pauvre d’habits » qui met l’accent sur la jeunesse du personnage mais également sur son extrême pauvreté, renforcée par sa description physique très détaillée. En effet, tandis que l’ « emplâtre » qui lui couvre la moitié du visage renforce le côté