Lecture analytique des animaux malades de la peste de La Fontaine
Commentaire de texte : Lecture analytique des animaux malades de la peste de La Fontaine. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar eliathane • 2 Juin 2018 • Commentaire de texte • 2 387 Mots (10 Pages) • 967 Vues
1ères – La place de l'homme dans l'argumentation du XVI ème à nos jours |
Lecture analytique n° 2 : La Fontaine, « Les Animaux malades de la peste », Fables
Introduction :
Problématique : Comment La Fontaine utilise-t-il les ressources de la fable pour organiser la critique du pouvoir ?
I – Un récit tragique
a ) Les ravages de la peste
- La situation initiale des fables, v. 1 à 14, présente les ravages de la peste dans un registre tragique :
* champ lexical de la mort : « Achéron », v. 5, qui désigne par métonymie le fleuve mythologique des Enfers, le verbe « mourir », employé 2 fois (v. 7 et 9)
- Elle fait des ravages sur tous les animaux : tous sont touchés →
le chiasme du v. 7 : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient touchés » montre la virulence du fléau et sa toute puissance. L'emploi des négations « ne...pas v. 8, n' ...point, nul v. 10, ni...ni, » montre son universalité.
- Car la peste instaure en effet une vie anormale → les animaux en perdent l'appétit (v. 10 à 14) et sont réduits à une vie étriquée, symbolisée par l'emploi des octosyllabes qui évoquent le désordre, v. 10 à 14, par opposition à la régularité de l'alternance octosyllabes / alexandrins des v. 1 à 9.
- L'emploi de l'imparfait de durée, v. 11 à 13 accentue la peinture d'un monde désolé.
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b) Un châtiment divin
- La maladie est présentée de façon allégorique, puisqu'elle est personnifiée, d'abord par la majuscule puis par ses actions : « faisait la guerre aux animaux » v. 6
- Elle est présentée comme un mal (le mot est répété 2 fois) absolu, qui anéantit le monde et déclenche la guerre → elle est associée à un châtiment divin ; ainsi, elle est une référence à la tragédie (grecque ) de Sophocle, Oedipe roi: la ville de Thèbes est ravagée par la peste ; le devin (Tirésias) révèle que ce fléau ne prendra fin que lorsque le meurtrier du roi (Laïos) aura été démasqué et puni (références à l'Antiquité chère aux Classiques).
- Ainsi, on retrouve le champ lexical de la faute et du châtiment divin : le Ciel, punir, crime, renvoient au Mal, qui au XVIIème, est associé au diable, et traduit la crainte du monde divin sanctionnant les mauvaises conduites : v. 3 : « punir les crimes de la terre » . La gravité du mal, accentuée par les termes « terreur » et « fureur » v. 1-2, appelle un remède exemplaire.
- Enfin, la situation est dramatisée par l'attente créée par la révélation de ce « mal », d'abord présenté dans les deux premiers vers par des périphrases, développées par 2 propositions relatives (« v. 1 : « qui répand » / v. 2 « que le ciel ») et dont la révélation se fera attendre jusqu'au v. 4. Le narrateur lui-même semble terrifié d'avoir à prononcer son nom : « (puisqu'il faut l'appeler par son nom »). Cette attente est accentuée par les allitérations en « r » (v. 1 à 6), qui créent une atmosphère oppressante.
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- L'attente d'un procès exemplaire
- La solution qui est proposée par le roi est éminemment tragique, puisqu'il s'agit de la mort, v. 34 : « Que le coupable périsse » : elle repose sur l'idée du sacrifice expiatoire : la victime désignée doit, par son sacrifice, racheter la « » v. 20
- La fable se présente alors clairement comme un procès, dont elle utilise tous les aspects :
* le lexique du droit et de la justice : « tint conseil » v. 15, « « coupable » v. 18, « s'accuse » v. 31, « le plus coupable » v. 33, « nul droit » v. 54, « un cas pendable » v. 59, « crime abominable » v. 60, « son forfait » v. 62...
- Cette scène est pourtant influencée par le modèle de la confession religieuse, puisque chacun doit prendre la parole et s'accuser soi-même, faire son mea culpa aux yeux de tous. Ainsi, les « crimes de la terre » v. 3 est relayé par « nos péchés » v. 17. Le coupable devra, non pas se soumettre à la justice des hommes, mais se mais se « sacrifier » v. 19 au « céleste courroux » v.19. Le champ lexical de la religion parcourt la fable (v. 2, 16, 17, 18, 19, 20, 24, 37, 46, 48, 50, 52, 62) → le droit juridique est concurrencé par le droit divin, ce qui fausse le « procès ».
=> conclusion partielle + transition vers II
II – Un enseignement pessimiste
a) L'hypocrisie du roi
- Le lion donne l'apparence d'un être amical : « Mes chers amis » v. 15 → il se met au même niveau que les autres, avec les pronoms « nous », « nos », « notre »,... Mais le terme « amis » est déjà hypocrite : les autres animaux sont soumis aux décisions royales. Il fait preuve d'autorité en prenant la parole le premier et en donnant des directives sur le mode impératif : « Que le plus coupable de nous / Se sacrifie... » v. 18
- De mêle, quand il commence son autocritique, il semble honnête « l'état de notre conscience » v. 24, juste « que le plus coupable d'entre nous » v. 18, « que chacun s'accuse ainsi que moi » v. 31 et prêt au sacrifice pour son peuple « je me dévouerai donc ».
- Il avoue même plusieurs forfaits : « j'ai dévoré force moutons » v. 26, implique une récidive. Il est d'autant plus coupable qu'il admet n'avoir pas été poussé par la faim, mais évoque ses « appétits gloutons » v. 25, ce qui est un péché ; il n'a pas non plus agi par représailles : « Que m'avaient-ils fait ?nulle offense » v. 27.
- Mais ces aveux sont en fait une stratégie est efficace car les v. 27 à 29 accentuent sa faute pour montrer qu'il est capable du pire et intimider les autres animaux, en se montrant cruel et sans scrupule. Enfin, l'aveu du meurtre du berger, rejeté en un vers de 3 syllabes « manger le berger » v. 29-30, provoque la surprise et accentue la gravité des aveux.
- Et s'il semble prêt à se sacrifier aux v. 30 à 33, la conclusion de son autocritique va à contre-courant de l'issue attendue :
« Je me dévouerai donc, s'il le faut, mais je pense / Qu'il est bon qu'on s'accuse aussi que moi »
→ le verbe « dévouer » est aussitôt contredit par les 2 distinctions qui suivent : « s'il le faut » - « mais » , qui laisse entendre que le plus coupable, ce n'est pas lui. Le lecteur comprend aussitôt que le roi ne se sacrifiera pas.
- Mais le roi est habile : il oblige les autres animaux à se confesser aussi. Il appuie son discours d'un argument d'autorité
b) La parodie de procès et la critique des flatteurs
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