Oral Le serpent qui danse Baudelaire
Commentaire de texte : Oral Le serpent qui danse Baudelaire. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar julie mojica • 24 Octobre 2021 • Commentaire de texte • 5 366 Mots (22 Pages) • 1 305 Vues
ORAL BAUDELAIRE LE SERPENT QUI DANSE.
INTRODUCTION :
Baudelaire est l’un des écrivains qui marque un tournant dans le monde littéraire. Avant lui ce monde était porté par d’autres auteurs faisant parties du mouvement romantique comme, Victor Hugo, Lamartine ou encore Château Briand. Ces écrivains évoluaient dans un monde postrévolutionnaire. En effet après la révolution française ces écrivains laissent paraitre dans leurs écrits la possibilité de faire renaitre un nouveau monde. Châteaubriand est d’ailleurs un promoteur de ce nouveau monde, avec son voyage en Amérique et prône ainsi l’idée d’une nouveauté. Le contexte historique impacte notamment le traitement accordé aux sujets, dans son roman le rouge et le noir Stendhal se sert du mythe napoléonien pour son personnage principal, le petit caporal qui devient empereur. Mais il inclue aussi une certaine sensibilité dans ses personnages qui participe à donner une perception particulière du monde. Cette sensibilité sera reprise par Chateaubriand ou encore Lamartine et apparaitra aussi dans la forme des textes grâce à la musicalité, soit grâce aux assonances et allitérations.
Ces nouvelles manières d’être au monde donnent des écritures nouvelles et participent à créer un nouvel homme ainsi qu’une nouvelle manière de dire le monde. On est dans une recherche de la souplesse de la nouveauté de la sensualité qui traversera le siècle jusqu’au XXème.
C’est donc dans cette atmosphère du romantisme que Baudelaire publie Les fleurs du mal en 1857. Nous sommes à la moitié du XIXème siècle où la bourgeoisie détient un pouvoir économique important contrairement aux prolétaires qui eux ne possèdent aucunes paroles. C’est d’ailleurs dans cette population (les prolétaires) que s’inclue Baudelaire. C’est cette évolution que l’on voit dans ce lyrisme. Chez les romantiques comme Lamartine, Vigny ou encore châteaubriand on chante face à un monde qui ne leur convient plus, et puis, petit à petit, à partir des années 40-45, on a l’apparition d’écrivains faisant d’avantages partie de cette moyenne bourgeoise qui a peur d’être déclassée, il s’agit de V. Hugo suivit de Baudelaire et Flaubert. Ils se sentent en accord avec cette peur générale qui est de perdre une forme d’écoute du fait de représenter quelque chose. Baudelaire en 57 modifie cette relation du poète visionnaire et chef de file qu’Hugo mettait en place dans les contemplations et les châtiments après la prise de pouvoir de Napoléon. Baudelaire fait du lyrisme l’expression d’une âme prise par le mal et s’adresse à un toi idéal. Dans les trois dernières strophes de l’avis au lecteur on a vraiment une modification du lyrisme du XIXème siècle, le poète révèle ce que le peuple ne voit plus, c’est une faille intérieure, le poète va être celui dans lequel le lecteur va pouvoir se regarder en miroir, dans ses pires défauts et la poésie devient un dialogue entre ce lecteur et ce poète maudit, qui ne fait pas parti de la spectacularisation du monde car il se tourne vers son intériorité donc il ne participe plus au monde, il n’y a plus de voix pour que le poète devienne le chantre du monde, celui qui guide les peuples. Ici le poète sort de la poésie afin de regarder la personne à laquelle il s’adresse. C’est une des raisons pour lesquelles Baudelaire sera jugé. Madame Bovary et les fleurs du mal sont jugés pour la manière dont il s’adresse à ses lecteurs, ils incluent ces derniers à l’intérieur de leurs écrits, comme s’il était hypocrite et il devient alors le porte-parole du mauvais côté de l’homme. Il serait pourtant réducteur de ne retenir que cet aspect du recueil de Baudelaire. En effet la section « Spleen et Idéal » de ce recueil où se trouve le poème ici soumit à l’étude est la première et la plus longue. Baudelaire organise ses poèmes par cycles : après un cycle consacré à l’art, il y a un cycle consacré à l’amour qui s’ouvre avec le poème « Parfum exotique ». La femme qui inspira le poète dans ce cycle est sa maitresse Jeanne Duval : Baudelaire l’avait rencontrée à son retour de l’île Maurice en 1842, et ils ont entretenu une liaison passionnelle de 1842 à 1855 environ. Les poèmes qu’elle inspire sont emplis d’exotisme et d’érotisme, célébrant la sensualité de cette femme métis (à l’époque, on parle d’une « mulâtresse »). « Le Serpent qui danse » est un poème constitué de neuf quatrains ; les vers alternent entre octosyllabes en rime féminines croisées et pentasyllabes en rime masculine aussi croisées: Baudelaire s’inspire là des rythmiques de la chanson qu’ont affectionnée les romantiques qui l’ont précédé, comme Victor Hugo (cf. le poème « J’aime l’araignée et j’aime l’ortie » qui présente 7 quatrains alternant décasyllabes et pentasyllabes). C’est d’ailleurs cette musicalité qui influencera de grands chanteurs français comme Serge Gainsbourg ou Léo Ferré à reprendre ses poèmes en chansons. Dans ce poème : Le serpent qui danse, se développe une image ambivalente de la femme aimée : la déclaration d’amour poétique laisse place à une vision inquiétante de la femme et de l’amour. La description de cette dernière progresse en utilisant des parties du corps : la peau (strophe 1), la chevelure (strophe 2), les yeux (strophe 4), la tête (strophe 6), le corps (strophe 7), la bouche, les dents et même la salive (strophe 8).
LECTURE
Abandonnant la forme traditionnelle du sonnet, Baudelaire opte pour une strophe hétérométrique lui permettant de rendre compte de l’envoûtante danse de la jeune femme. Elle apparaît ainsi comme une véritable muse, à l’origine d’un émoi esthétique que le poète cherche à retranscrire grâce à l’écriture et notamment comme on le verra dans l’étude de ce poème grâce aux métaphores. Il s’agira donc ici de se demander comment à travers les outils rhétoriques et la progression de son poème Baudelaire réussi à faire voyager son lecteur en décrivant la femme aimée mais aussi de quelle façon l’image du serpent sert cette description aux tonalités élégiaques.
Pour répondre au mieux à cette question il s’agira d’étudier ce poème selon trois mouvements :
Du titre au vers 12 soit les trois premiers quatrains 🡺 Amorce de la description de Jeanne.
Vers 13 à 24 🡺 Centralisation de la description.
Vers 25 à 36 🡺 Clôture de cette description.
Du titre au vers 12 🡺 Amorce de la description de Jeanne.
Le titre présente une personnification d’un animal, le serpent. En utilisant la majuscule le poète en fait une allégorie, soit la personnification d’une idée abstraite. Cela signifie que d’emblée, le serpent est un symbole, c’est un animal qui représente des idées, des sentiments… Or les symboles associés au serpent sont connus comme ayant une portée négative, c’est aussi ce que l’on retrouve dans les poèmes. Mais ce serpent est aussi personnifié par l’action exprimée par le verbe « danser », qui elle a des connotations positives. Dès le départ, le titre met donc le lecteur face à une ambivalence ce qui retient son attention. Cela n’est pas surprenant puisque c’est ce que l’on retrouve dans le titre du recueil : Les Fleurs / du mal, opposition entre le beau et le mal et aussi dans le titre d’une de ses sections : « Spleen » et « Idéal ». On en peut donc que constater que l’antithèse est omniprésente dans ce recueil.
« Que j’aime voir, chère indolente, 🡺 Une ouverture lyrique : Le premier vers s’ouvre avec une subordonnée conjonctive pure introduite par la préposition conjonctive « que ». En utilisant ce procédé le poète insiste, met en exergue ses sentiments. Il aime regarder le corps de cette femme. « Chère indolente » est une apostrophe métonymique à cette femme aimée. « Chère » 🡺 Cet adjectif offre une suggestion du sentiment amoureux.
En utilisant l’adjectif « indolente » Baudelaire donne à Jeanne l’image d’un manque de vivacité, de mollesse. Ce qui peut paraitre étrange aux yeux du lecteur car ce n’est pas forcément un adjectif très mélioratif. Mais cela montre aussi que le poète est attentif à Jeanne, il observe sa démarche, sa façon d’être. On a donc dès le vers 1 une admiration, un enthousiasme avec ce vers qui amène la fascination, et ce par la phrase exclamative.
De ton corps si beau 🡺 L’emploie du tutoiement montre la complicité entre Baudelaire et Jeanne. Célébration de son corps : « ton corps » dès le 1er quatrain et de la beauté avec l’intensif « si ».
Comme une étoffe vacillante 🡺 Comparaison entre le corps et l'étoffe : «De ton corps si beau, comme une étoffe vacillante...». «Étoffe» représente un tissu précieux et «vacillante» signifie souple, brillant comme la peau du serpent. Avec cette métaphore Baudelaire nous fait un éloge du corps de son amante.
Miroiter la peau! » 🡺 Nous indique vraiment la clarté de sa peau. Elle est comme un miroir où tout peut s’y refléter.
Cette métaphore suggère aussi que la femme a abandonné ses habits (c’est la peau qui sert d’étoffe). Ce qui donne une puissance d’évocation : on imagine une scène sensuelle où la lumière fait rayonner le corps féminin sous l’œil du poète
Nous avons une première comparaison dans ce quatrain, le corps qui est le comparé à pour motif d’être beau grâce au comparant « une étoffe vacillante ». Dans ce quatrain le poète n’apparait que furtivement avec le pronom personnel « je », c’est Jeanne Duval qui en est le cœur. On retrouve une certaine musicalité avec le rythme binaire de ce quatrain hétérométrique. Cela va se poursuivre dans tout le poème.
On note aussi la proximité à la fois sentimentale et spatiale des amants qui est soulignée par l’apostrophe affectueuse : « chère indolente » et l’évocation du corps dénudé de la femme : de ton corps si beau ».
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