Partie Théorique Mémoire Master 1

1. Problématique page 15

2. Hypothèses générales page 16

3. Hypothèses opérationnelles page 17

INTRODUCTION

La prise de décision est un sujet privilégié d’étude en neuropsychologie. Pour pouvoir mesurer les capacités de prise de décision des tâches écologiques ont été mises au point, notamment l’Iowa Gambling Task (IGT) créée par Bechara et al. (2004) et la « Game of Dice Task » (GDT) créée par Brand et al. (2005). Elles permettent de reproduire au mieux une situation de la vie quotidienne. L’IGT est le premier outil qui explore les capacités de prise de décision en situation ambigüe. Cette tâche a été élaborée à la suite de l’observation de patients présentant des lésions frontales ventromédianes chez qui les auteurs avaient noté des difficultés dans la prise de décision qui serait en lien avec leurs réactions émotionnelles. Cependant, leurs performances aux tests classiques neuropsychologiques indiquent une préservation de leurs aptitudes cognitives, notamment les fonctions exécutives, sous tendues par le lobe frontal. La GDT, elle, a été créée dans le but d’évaluer le rôle des fonctions exécutives dans la prise de décision.

Damasio (1994) est l’un des auteurs qui a le plus étudié es mécanismes de la prise de décision. Avec son hypothèse des marqueurs somatiques, il stipule que les mécanismes de prise de décision engageraient les processus émotionnels. Pour d’autres, ces mécanismes sont en lien avec le fonctionnement exécutif, qui est le support des capacités de raisonnement. Il existe donc des divergences entre les auteurs sur les processus qui sous tendent la prise de décision. Cette prise de décision engagerait-elle plus des processus émotionnels ou les processus exécutifs joueraient-ils un rôle eux aussi ? Dans cette étude nous essayerons donc d’évaluer les mécanismes qui sous tendent la prise de décision chez des patients présentant un accident ischémique sylvien. Nous ferons le lien entre les capacités de prise de décision et les capacités exécutives de ces patients ainsi que leur comportement. Pour cela nous utiliserons les tâches décrites plus haut : l’IGT étant jugée comme implicite (ambigüe) et la GDT comme explicite (risquée).

Dans une première partie, nous exposerons les apports théoriques concernant la prise de décision et les fonctions exécutives. Nous expliquerons de plus les divergences existantes dans la littérature, portant sur les mécanismes sous tendant la prise de décision. Dans une deuxième partie, après avoir présenté notre problématique et nos hypothèses, nous détaillerons la méthodologie choisie. Nous analyserons ensuite les données obtenues auprès du groupe contrôle et du groupe de patients. Puis nous terminerons par une discussion sur cette étude en rapport avec les apports théoriques.

I. La prise de décision

1. Définition

Selon Damasio (1994), professeur en neurologie, neuroscience et psychologie, prendre une décision consiste à « sélectionner une réponse, c'est-à-dire à choisir une action (non-verbale), ou un mot, ou une phrase (ou une combinaison de ces trois types d’entités) au sein de la gamme des nombreuse autres possibilités, envisageable à un moment donné, en rapport à une situation donnée ». De plus Damasio (1994) précise que raisonner et prendre une décision sont deux processus dépendants l’un de l’autre. Pour raisonner et prendre une décision, le sujet doit avoir un certain savoir notamment de la situation, sur les options qui s’offrent à lui et sur les conséquences de ces actions. Bechara (cité par Damasio, 1994) propose une classification des situations de prise de décision. Il différencie les prises de décision comportant des risques, c'est-à-dire explicite (la probabilité de chaque résultat est connue et le sujet doit trancher entre un choix sur et risqué) et des prises de décision sous ambiguïté, c'est-à-dire implicite (la probabilité d’avoir un résultat spécifique est soit inconnu soit relève du hasard).

Pour Damasio, nos conduites orientées vers un but sont en lien directe avec la motivation. C'est-à-dire que nos décisions sont dépendantes de nos émotions.

2. Le rôle des émotions dans la prise de décision.

2.1. Le cas Phinéas Gage

Le cas Phinéas Gage a permis de faire de grandes avancées dans le domaine de la neuropsychologie. Damasio (1994) notamment, fait le récit de son accident et de ses conséquences au niveau cognitif dans son ouvrage « L’erreur de Descartes », 1994. Phinéas Gage est un homme de 25 ans qui travaillait en tant que chef d’équipe dans les travaux de construction des voies ferrées. Il a été choisi pour ses qualités physiques mais aussi pour ses compétences et son efficacité. Phinéas Gage s’occupait notamment de la supervision de l’amorçage des mines. L’été 1948, en préparant une charge explosive, la barre de fer de celle-ci a pénétré par sa joue gauche et est ressortie par le dessus de la tête en lui traversant le cerveau. Transporté à Cavendish, il y est soigné par le docteur Harlow. Dans son rapport, le docteur témoigne d’un changement de personnalité chez Gage. En effet, Harlow le décrit d’humeur changeante, irrespectueux, capricieux et faisant usage de jurons et de mots grossiers. Un comportement qu’il n’avait pas auparavant. De plus, par la suite il s’avérera que Cage n’était plus en mesure de prendre des décisions judicieuses pour lui et qu’au contraire il faisait des choix désavantageux. Par la suite, Hanna Damasio a reconstitué le cerveau de Cage et a mis en évidence qu’une partie de la région ventromédiane frontale était probablement lésée. Ce cas clinique met en avant que le cerveau joue un rôle dans les capacités de raisonnement. Après une lésion des régions ventro-médianes du lobe frontal, Cage a semble-t-il perdu les conventions sociales de même que les règles morales apprises antérieurement.

Damasio (1994) va s’intéresser à d’autres patients présentant des lésions similaires et l’étude de ces patients va lui permettre d’énoncer son hypothèse des marqueurs somatiques et de clarifier le rôle de la région ventro-médiane du lobe frontal dans la prise de décision.

2.2. L’hypothèse des marqueurs somatiques

En partant de l’étude de ces patients présentant des lésions au niveau de la région frontale ventro-médiane, Damasio (2000) a postulé qu’il existait un lien entre les perturbations observées au niveau de leur comportement, et leurs difficultés à s’engager avec pertinence dans les activités de la vie quotidienne et donc à prendre une décision. Ainsi, pour Damasio (1994), les processus émotionnels influenceraient les mécanismes de prise de décision par le biais des marqueurs somatiques. Ceux-ci sont actifs lorsqu’un individu est placé dans une situation où plusieurs options s’offrent à lui et qu’il doit faire un choix. C'est-à-dire que chaque situation que va vivre un individu sera enregistrée et va provoquer une trace émotionnelle et corporelle qui va engendrer une sensation. En fonction de la sensation engendrée, une valence positive ou négative sera attribuée à cette situation, expérience vécue, grâce aux marqueurs somatiques. Ces derniers nous permettent donc de faire attention au caractère néfaste, ou non, d’une décision. Ils fonctionnent comme un signal d’alarme automatique qui permet de réduire le nombre de possibilités pour résoudre un problème donné et donc de prendre la bonne décision. Chaque situation que vit un individu est donc associée à un état somatique positif ou négatif. Les marqueurs somatiques sont acquis par le biais de la socialisation et des expériences individuelles.

C’est le cortex orbitofrontal qui est le lieu d’enregistrement et de stockage des différents marqueurs somatiques. Donc, lorsque nous rencontrons un stimulus particulier, les marqueurs somatiques peuvent être réactivés. Cependant, ceux-ci ne sont pas activés à chaque fois qu’un processus de prise de décision est enclenché. Ils facilitent le processus et en augmentent l’efficacité. Mais des capacités logiques doivent être mise en œuvre en plus de la phase des marqueurs somatiques comme les mécanismes de l’attention et de la mémoire de travail (Damasio, 1994).

Damasio (1994) place donc le corps au centre dans les mécanismes de prise de décision. Pour tester cette hypothèse des marqueurs somatiques, les auteurs ont mis au point un test plus écologique qui permet de mesurer l’implication des émotions dans la prise de décision.

2.3. La tâche Iowa Gambling Task (IGT) ou le jeu de poker :

Cette tâche a été créée par Bechara (cité par Damasio en 1994) dans le but de mettre à l’épreuve l’hypothèse des marqueurs somatiques et ainsi évaluer la capacité de prise de décision. Pour étudier cette capacité en situation réelle, ce test se devait de reproduire les conditions de la vie quotidienne le plus fidèlement possible. Cette tâche stimule donc des conditions de récompenses et de punitions qui ne sont pas explicites. C'est-à-dire