Philosophie et lettres : Machiavel, le contrat social
Cours : Philosophie et lettres : Machiavel, le contrat social. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar ineslzq • 23 Janvier 2022 • Cours • 7 097 Mots (29 Pages) • 437 Vues
13/09/2021
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PREMIÈRE PARTIE :
MACHIAVEL, LE CONTRAT SOCIAL
INTRODUCTION
A partir de Machiavel et de son ouvrage Le Prince quelque chose se meut dans la politique. C’est d’abord une nouvelle doctrine de l’état. Puis on peut entrer dans la doctrine de Hobbes avec le Léviathan. Nous allons faire un détour par Spinoza, qui est lui-même un lecteur attentif de Hobbes et de Machiavel. Il y a un effet entonnoir où Machiavel et Hobbes conduisent par une fresque historique à Spinoza. Si on parle de l’état, il convient de prendre en considération que dans la philosophie moderne, la pensée de l’état s’articule à une pensée anthropologique, passionnée en opposition à la raison. Si les hommes étaient spontanément raisonnables, nous ne passerions pas de lois destinées à nous contraindre. L’homme est un animal excessivement passionné, violent et dangereux pour lui-même. Nous sommes l’espèce qui pratique à un niveau inouï et inégalé la violence intraspécifique. C’est ce que Machiavel soutient, et c’est en cela qu’il inaugure la pensée politique moderne. C’est pour contenir nos passions, pour limiter les désordres qu’elle engendre que nous avons besoin d’une vie, d’un fonctionnement et d’une structure politique dont les lois devraient se rapprocher le plus possible de la raison. Il s’agit donc d’essayer, au moyen d’une organisation politique, de conjurer notre propre violence, et de combattre le risque de ne savoir vivre ensemble.
Cela nous amène à un problème fondamental : l’enjeu est un enjeu de survie. La politique prend alors un visage d’un égoïsme à plusieurs, consistant à instaurer un ordre et un état civil visant à ce que chacun protège sa propre vie. La théorie du droit en général considère que le patrimoine est le prolongement de la personne. Il nous faut un minimum de bien matériel pour vivre. Pour ces trois auteurs, la question politique est une question de vie ou de mort, donc une question radicale. Il ne s’agit pas de savoir ce que c’est de vivre en homme, ce que c’est la vie la plus conforme à l’humain, c’est une question beaucoup plus brutale : comment pouvons-nous apporter une réponse collective à la survie de chacun, et éviter le dépérissement progressif de l’espèce humaine ? Il est question de vivre et il faut trouver pour cela des modes d’organisation où les avantages parviennent à l’emporter sur les inconvénients. Cela pose une question de la liberté. La politique n’est pas la sphère de l’épanouissement humain. Notre béatitude se situe au-delà de la sphère politique, dans les connaissances se situent la sagesse et le bonheur. La politique est cependant nécessaire à notre bonheur. La liberté n’est pas absolue, et il faut paradoxalement assurer la liberté au prix d’un dispositif contraignant, qui n’est rien d’autre qu’un droit politique qui comporte des devoirs et des interdits, des préceptes, des règles de conduite. Paradoxal car ces contraintes sont censées être au service de la liberté. Le droit positif, c’est à dire l’ensemble des normes juridiques qui s’appliquent à un temps donné, s’efforce de préserver la liberté en évitant que les libertés n’entrent en conflit entre elles et se détruisent. Nous sommes politiquement libres, qu’à condition de renoncer à l’être totalement. Finalement, la contrainte peut s’exercer au nom de la liberté et devient légitime quand les libertés sont devenues leurs propres ennemis. On est censés être plus libres sous les lois de la cité, que dans la solitude relative de l’état de nature. Il se met en place la notion d’une liberté de contrainte, dont l’État sera moins le lieu de son accomplissement que celui de sa conservation.
Les doctrines de l’état moderne prennent une forme nouvelle entre le XVIe et le XVIIe siècle sur les territoires européens. L’augmentation de la puissance de ces états, le renforcement du monopole fiscal, judiciaire, policier et militaire entre les mains de ce qu’on peut appeler un appareil d’état, c’est à dire une structure qui a tendance à se sacraliser et s’alourdir. Se met en place une structure administrative politique qui commence à être robuste avec de vastes ensembles. L’Italie à cette époque est la région d’Europe la plus riche, mais est morcelée entre les états italiens. Trois grands états se mettent en place (France, Espagne et Angleterre). Ce bouleversement appelle à un changement de pensée de l’état. Un des grands problèmes qui inspirent cette réflexion consiste à s’interroger sur l’origine et le fondement de la puissance de l’État. La question consiste à se demander de quelle manière et pour quelle raison un groupe d’individus donne naissance à un corps social gouverné par un pouvoir, et à partir de quel moment ce groupe se départi de l’état primitif de nature pour rentrer en société. Violences, guerres, passions, risques de morts et aspirations à survivre.
Il faut bien comprendre que la violence des guerres a complètement changé. Les guerres de la renaissance ont changé de visage par rapport aux guerres médiévales, qui étaient intermittentes parce qu’il n’y avait pas d’armée professionnelle. Avant, les soldats étaient les paysans, qui n’étaient donc pas entraînés. A la renaissance apparaissent des professionnels de la guerre, des mercenaires, et l’armement a changé, notamment avec l’artillerie et l’arquebuse. Dorénavant, la guerre s’en prend aux populations civiles, celui va en quelque sorte ouvrir la boîte de Pandore de tous les crimes de guerre. Cela prend forme avec les guerres de religion, qui font 70 millions de victimes, assassinées par des méthodes absolument horrifiantes. C’est dans ce contexte que les penseurs et philosophes s’interrogent. Nous allons essayer d’examiner comment on assiste dans la philosophie moderne à une tentative de légitimer la puissance de l’État dans une sorte de système de tensions entre trois pôles qui sont la violence des passions, l’aspiration des hommes à la liberté et enfin la nécessiter d’instaurer une autorité arbitrale qui maintienne un certain ordre capable de garantir la sécurité de tous. Nous verrons comment ces doctrines essayent de résorber ces tensions et offrent des modèles de fonctionnement politiques susceptibles d’éviter la dissolution du corps social et de lui offrir une stabilité honorable. Voilà l’enjeu de notre propos.
MACHIAVEL ET LE RENOUVELLEMENT DE LA PENSÉE POLITIQUE
Machiavel, né en 1469 à Florence en Italie et meurt en 1527.
I. Le Prince
La politique se conçoit mal sans contexte historique. « Le Prince » est écrit en 1513 dans une période infortune pour Machiavel parce qu’il a été exilé de la vie politique florentine à la suite de la reconquête du pouvoir par les Médicis. Charles VII reprend Naples et a alors l’idée de partir à la conquête de Jérusalem, alors que les croisades sont terminées. L’Italie devient le théâtre de l’affrontement entre les deux grandes puissances de l’Espagne et de la France. Machiavel, qui était dans le camp de la République laïque de Florence, est chassé du pouvoir. Il occupait le poste de secrétaire de la chancellerie de la République, c’est l’un des hommes pivots du pouvoir florentin. Lorsque les Médicis reviennent, il est donc interpellé, soupçonné d’avoir comploté contre la famille. Il est torturé avant d’être condamné à la prison à vie, mais sa sentence s’adoucit et on l’exile dans l’une des résidences de sa famille. Sa peine a été commuée à la faveur d’une amnistie générale qui trouve sa raison dans l’élection d’un Médicis à la Papotée (Léon X). Il s’occupe comme il peut et le soir, il se change dans une sorte de cérémonie personnelle, s’habille avec des vêtements somptueux, et écrit le « Prince ». C’est à la base un texte opportuniste, qu’il écrit pour essayer de se réhabiliter et de revenir en grâce auprès des Médicis. Nombreux des textes qui marquent encore aujourd’hui la vie politique ont été écrits dans une intention personnelle. Ils échappent donc totalement à l’intention initiale de leur propre écriture. Machiavel essaye de faire valoir dans ce texte sa longue expérience associée à une aussi vaste connaissance des auteurs anciens et de l’histoire de l’Antiquité. Celle de Machiavel est essentiellement romaine, il explique avoir appris tout cela au gré d’une perpétuelle lecture, et s’en vante. Cette lecture des anciens s’inscrit dans une tradition humaniste. Cette période est nourrie d’un retour et d’une digestion des modes de pensées de l’Antiquité. L’auteur s’inscrit parfaitement dans ce courant intellectuel et artistique par cette lecture assidue des textes de l’Antiquité. Il soutient que l’on a tort de ne pas lire les textes des Anciens pour en tirer des enseignements sur la vie politique. On en tire parti en droit, en philosophie, en littérature et en art, alors pourquoi pas en politique ? Il y a des leçons à tirer de ce que les anciens ont écrit pour les temps présents, et il faut les refaire vivre.
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