Plan détaillé analyse linéaire Tristes Tropiques de Lévi-Strauss

Corrigé Tristes Tropiques de Claude Lévi-Strauss (1955)

Fondateur de la pensée structuraliste, Claude Levi Strauss est un ethnographe et sociologue français dont les multiples travaux de recherche marquèrent le domaine des sciences humaines durant la seconde moitié du XXème. Auteur de nombreux ouvrages scientifiques, il écrivit également des œuvres de dimension plus philosophique telle que Tristes Tropiques. Publié en 1955, cet ouvrage retrace les souvenirs de voyage de l’auteur tout en permettant à ce dernier d’aborder son expérience sous le prisme philosophique des recherches qu’il avait précédemment menées dans les domaines de la sociologie, de la littérature, des mythes mais aussi de la musique. Dans cet extrait, Lévi-Strauss nous présente sa thèse selon laquelle aucune société ne peut prétendre être parfaite et il nous invite à revoir notre jugement sur les sociétés pratiquant le cannibalisme.

Pbtique : En quoi peut-on dire que Lévi-Strauss opère ici un renversement de situation en comparant la société européenne aux peuples anthropophages ?

1. Une introduction paradoxale et générale sur les sociétés

→ « Aucune société n’est parfaite […] dans une perspective élargie. »

1. Une introduction choquante

« Aucune société n’est parfaite » : paradoxe, présent de vérité générale → phrase choc qui débute cet extrait puisqu’elle va à l’encontre de ce qu’on pense habituellement.

« par nature » / « impureté » ≠ « normes » → opposition entre nature et loi, on assiste à une désacralisation de la société

« une certaine dose d’injustice, d’insensibilité, de cruauté » : gradation descendante → le rythme ternaire nous enfonce dans une vision très macabre de la société

« aucune société n’est foncièrement bonne ; mais aucune n’est absolument mauvaise » : parallélisme + adjectifs « bon » et « mauvais » → comparaison des sociétés entre elles, destruction de l’opinion manichéenne

1. Présentation de la démarche de Lévi-Strauss

« Comment évaluer cette dose ? L’enquête ethnographique y parvient. » → jeu de question – réponse immédiate qui laisse entendre que seul Lévi-Strauss a raison

Champ lexical de la science « enquête ethnographique » / « évaluer » / « champ d’investigation » / « résidu d’iniquité » ≠ champ lexical des sentiments qui correspond au lecteur présenté comme « l’amateur des récits de voyage » (périphrase qui laisse entendre une petite pique : l’amateur est inférieur au scientifique) « surprendra «  / « ému » / « réactions à fleur de peau » → Lévi-Strauss exprime ici une volonté d’exprimer une démarche scientifique rationnelle, il peut apparaître comme légèrement méprisant envers ceux qui ne savent rien mais croient tout comprendre.

« coutumes « barbares » » / « peuplades » : les guillemets transmettent l’idée d’un discours indirect (celui de l’amateur). Les termes sont ici utilisés de façon péjorative et sont par nature indéfinis. Le discours de l’amateur manque de précision. Par ailleurs, le terme « barbare » étymologiquement fait référence à ceux qui ne viennent pas de Rome.

1. L’exemple de l’anthropophagie

→ « Prenons le cas […] les amphithéâtres de dissection. »

1. L’anthropophagie due à la faim

« Prenons le cas de l’anthropophagie » : « prenons » → l’auteur est actif dans son choix d’exemple, il prend les commandes, la 1e personne du pluriel laisse entendre qu’il embarque avec lui le lecteur. / « anthropophagie » : terme scientifique qui vient du grec → rappel que Lévi-Strauss s’inscrit dans une démarche scientifique et permet également d’ôter tout jugement de valeur

« de toutes les pratiques sauvages est celle sans doute qui nous inspire le plus d’horreur et de dégoût » : description hyperbolique qui montre la 1ère réaction de rejet instinctif d’un Européen à cette idée. « nous » laisse entendre que Lévi-Strauss dessine une relation de complicité avec le lecteur dans le but de dépasser cette 1ère impression désastreuse

« On devra d’abord » : apparition du pronom personnel indéfini « on » → on se détache de l’émotion, on prend de la distance par rapport à la réaction 1ère / « d’abord » : locution adverbiale qui indique le début de l’argumentation de Lévi-Strauss. Elle peut aussi faire penser à un ordre

Champ lexical de la faim, de la nourriture « alimentaires » / « appétit »/ « chair » / « nourriture animale » / « fringales » / « famine » / « manger » 

« chair humaine » comparé implicitement à « nourritures animales » : métonymie → permet de réduire l’impact horrifique. L’homme n’est plus qu’un morceau de viande

« comme c’était le cas dans certaines îles polynésiennes » : comparaison, exemple lointain → cela rassure le lecteur puisque la « famine » est un terme fort qui indique une sorte de catastrophe naturelle

« manger n’importe quoi »  pronom indéfini → le cannibalisme est ici excusé, Lévi-Strauss oblige le lecteur à accepter l’idée d’une anthropophagie rationnelle

« l’exemple récent des camps d’extermination le prouve » : exemple récent choquant ayant eu lieu en Europe, renversement de situation qui amène le lecteur à se questionner. Coup de massue

1. L’anthropophagie religieuse

« Restent alors les formes d’anthropophagie qu’on peut appeler positives » : « restent » présent de vérité générale (on reste dans un discours « scientifique ») + indique la suite de l’argumentation de Lévi-Strauss / « positives » → adjectif surprenant puisqu’on parle au départ d’une pratique extrêmement mal vue : on a l’impression que le texte tente de changer notre vision de l’anthropophagie en passant du noir au gris (neutre) au blanc.

« mystique, magique ou religieuse » : rythme ternaire → on a l’idée qu’on ne peut pas appréhender la raison de cette anthropophagie

« parcelle du corps » / « fragment d’un cadavre ennemi » / « menues quantités de matière organique pulvérisée » → Lévi-Strauss éloigne de plus en plus l’idée du corps humain afin de rendre plus acceptable le fait de manger de la chair humaine

« ingestion d’une parcelle du corps […] pour permettre l’incorporation de ses vertus » → ce passage peut évoquer le rite catholique de l’eucharistie. Cela met donc en parallèle deux rites issus de religion différente et peut donc amener le lecteur à accepter plus facilement les rites anthropophages.