Sujet D'Invention Sur La Poésie Et Les Choses, Dialogue Entre Un Poète Et Un Lecteur

t prêté attention. Aujourd'hui, je n'ai pas encore lu votre nouvelle œuvre mais je préfèrerais d'abord avoir votre avis ou votre réponse sur ce sujet.

- Mon cher ami, quand vous parlez de cette époque, vos yeux brillent ! Mais permettez-moi de vous avouer que je trouve votre image de la poésie bien simpliste ; Sans me vanter ni faire de la publicité, vous devriez lire ce recueil » Dit-il en lui tendant son nouvel ouvrage. « Premièrement, en oubliant la poésie de la vie quotidienne et le lyrisme, imaginez déjà les nombreux sujets évoqués en poésie ! Pour reprendre votre exemple, le grand Victor Hugo s'est servi de la poésie pour composer une satire du pouvoir et exalter le peuple révolutionnaire et la démocratie, à l'époque de Napoléon III, dans son recueil Les Châtiments. Maintenant, en ce qui concerne notre vie quotidienne, je pense qu'un poète peut, en traitant d'un sujet banal, faire passer ses émotions et donc se rapprocher du lyrisme, puisque vous en parliez à l'instant. En disant cela, je fais références aux auteurs qui, dans leurs poèmes lyriques, se sont servis de choses du quotidien pour retranscrire leurs émotions. » L'homme sorti alors de son sac le recueil des Fleurs du Mal de Baudelaire, l'ouvrit à la page des poèmes du Spleen et le tendit au journaliste. « Regardez-là », dit-il en montrant une partie du poème LXXVIII Spleen, « Baudelaire compare ici les trainées de la pluie aux barreaux d'une prison, pour transmettre son mal-être et son sentiment d'enfermement .

- Je comprends très bien », répondit Gilles, « cependant, nous restons ici dans le côté lyrique avec ce que vous venez de me montrer, et ce n'était pas tout à fait le sujet de mon interrogation. », déclara-t-il d'un ton agacé.

- « Ne vous énervez pas jeune homme. Je comprends tout à fait votre incompréhension et je compte bien y répondre, mais laissez-moi le temps nécessaire, voulez-vous ? », demanda-t-il calmement et sereinement.

- « Je m'en excuse. Mais, voyez-vous, pour moi, et vous ne pourrez pas m'affirmer le contraire, la poésie a pour fonction de nous faire rêver, elle nous permet de nous évader le temps d'une lecture. Je suppose que vous connaissez l' « Invitation au voyage » de Baudelaire ? », l'interrogea-t-il, « J'y fais référence encore une fois, et j'en suis confus car je passe pour un homme sans culture littéraire, ce qui peut paraître bien triste pour un journaliste, mais cet homme est un des plus grands poètes et son œuvre des Fleurs du Mal contient, à mon avis, les plus beaux poèmes jamais écris. Donc, pour reprendre, je trouve la mélodie de ce poème délicieuse. Elle nous fait voyager dans un paradis inconnu, mais qui paraît tellement familier à la fois. Je ne sais pas si vos ressentis sont les même, mais je savoure ce bijou comme une exquise glace à la framboise. »

Le journaliste se rendit compte cependant qu'il partait un peu loin et s'en excusa.

- « Ne vous excusez pas cher ami, vous avez l'air émerveillé quand vous parlez, et même si je ne me considère pas comme un poète lyrique, j'aime tout ce qui touche à la poésie, donc ne vous retenez surtout pas. D'ailleurs, je suis du même avis concernant l' « Invitation au voyage » puisqu'il s'agit de mon poème favori de Baudelaire. »

- Tout de même, le lyrisme n'est pas le sujet de notre entretien. », répondit gilles. « Pour continuer sur le fait de s'évader, je voulais vous dire qu'un poème titré du nom d'un objet du quotidien me laisse indifférent. Là est mon interrogation, en effet, je ne comprends pas le lien entre la vie quotidienne et le rêve ou le voyage. Par exemple, en faisant des recherches pour un article, je suis tombé par hasard sur une liste de poèmes intitulés « L'huître », ou « Le Cageot ». Je n'en connais pas le contenu mais, ce que j'essaie de vous faire comprendre ici c'est qu'un poème avec un titre pareil ne me donne en aucun cas envie de le lire ou de l'apprendre. Je ne connais pas les titres de vos poèmes, et je ne voudrais pas non plus être offensant, mais pour moi ce genre de poèmes n'a rien à voir avec les grands poèmes de Guillaume Apollinaire ou de Victor Hugo. Ce sont des poèmes qui ne gagnent pas à être connu, et que tout individu pourrait s'essayer à écrire.

- Voilà ! », s'exclama-t-il soulagé et, étrangement heureux. « Là est votre erreur cher jeune homme. Maintenant que vous m'avez fait part de votre avis, écoutez-moi et laissez-moi vous convaincre. Reprenons les titres des poèmes que vous avez cité, auxquelles je vais rajouter « Le Pain ». Vous l'ignorez sans doute mais il s'agit ici de Poèmes de Francis Ponge, auteur d'un célèbre recueil dans lequel il s'attache à toutes sortes de descriptions poétiques d'objets du quotidien, « Le parti pris des choses ». Vous m'avez donné précédemment la fonction de la poésie, mais en aucun cas vous ne m'avez parlé du rôle du poète.

- Que voulez-vous dire par là ? », demanda Gilles, vraisemblablement perdu par les propos et la logique de Lewis.

- « Et bien, repris l'artiste, en poésie, on considère qu'un poète est là pour renouveler le langage et les mots, afin d'apporter une nouvelle vision des thèmes et des sujets abordés. Ainsi, dans son recueil, Francis Ponge a souhaité rendre compte de la beauté des objets du quotidien, en usant de tous les moyens pour briser le moule et créer ses propres objets poétiques. Son poème « Le pain » en est le parfait exemple ! En effet, il sublime le pain, qui est un aliment de base,