Les Cannibales

tervient. Le « nous » renvoie aux européens et aux lecteurs. Il dit que l’on n’est pas ou que l’on ne veut pas être capable de reconnaître notre propre barbarie. Il met en évidence le fait que les Indiens vont tuer puis manger leurs ennemis tandis que les Européens vont les torturer avant de les tuer. La parenthèse fait appel aux guerres de religions (chose très rare dans Les Essais).

Ce texte est un extrait du chapitre « des cannibales » des Essais de Montaigne écrits au XVIème siècle, en plein milieu des guerres de religion et de l’expansion de l’Europe vers le nouveau monde. Il montre la relativité des jugements et critique l’ethnocentrisme européen. Il observe, compare leurs mœurs et tente d’acquérir une objectivité optimale et de se libérer de ses préjugés. Comment lorsqu’on est sensible aux barbaries sévissant dans son pays peut-on considérer celles que l’on considère être le fait des barbares ? L’expression « l’autre monde » place le débat du côté des barbares. Cette fois ci, ce sont les conquis qui affublent les Portugais de cette appellation. Montaigne déplace le problème de l’ethnocentrisme : le regard part des Barbares vers les Européens. Cette expression sert la thèse de la relativité des jugements au cœur de la délibération des Essais.

La thèse de Montaigne est énumérée avant : « or, je trouve, pour revenir à mon propos qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage dans cette nation…sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ».

Etude du texte p16 : « Or je trouve, pour en revenir à mon propos…. », à «… Ce sont les premières règles que la nature a donnée » p19

I- La découverte de l’ « autre » est un point de départ pour la réflexion :

Avant tout : délimitation de 2 mondes : le Nouveau Monde (« ils ») et l’Ancien Monde (« nous ») simplifiant la situation pour faciliter le raisonnement (le « nous » englobant tous les peuples occidentaux, les Espagnols se montrant plus féroces que les Français dans ce Nouveau Monde, mais Montaigne, lucide, englobe tous les Occidentaux dans le même monde)

A-Montaigne propose une nouvelle définition de « sauvage » : raisonnement en 3 étapes :

1-affirmation liée au point de vue : le barbare, c’est celui qui est différent de nous

2-inversion du sens des mots, par le biais d’une comparaison homme-fruit

3-conséquence : nouvelle échelle de valeur : ce qui est sauvage est proche de la nature, a des qualités plus fortes, « plus vives »

-Mots « toujours » et « parfaits » répétés 3 fois sont ironiques

-Du début jusqu’à cette phrase, Montaigne montre l’importance du point de vue (1ère étape du raisonnement

B-Le mot barbare prend donc une nouvelle connotation, positive : celui qui est barbare est plus près de la nature, moins abâtardi par les lois humaines

-Comparaison des hommes avec les produits de la nature lui permet d’inverser le sens du mot « sauvage » ( le sauvage devient le pur, la perfection brute (2ème étape du raisonnement

C-C’est aussi une occasion de relancer la réflexion philosophique de Lycurgue et de Platon : l’humanité n’a pas fait de progrès depuis leur réflexion sur le gouvernement, les lois d’une cité, d’une société

-Pour Montaigne, les « barbares » désignent les gens proches de la nature : sens positif grâce à « dont » qui souligne la fin du raisonnement

-Utilisation d’autres expressions qui soulignent son point de vue :

(naïveté originelle : nature, pure

(fort peu abâtardis : nos lois sont loin de notre origine, de la nature

(la barbarie : la pureté

(artifices, art : ce qui est corrompu, inférieur à la nature

II- Cette réflexion nous amène à critiquer notre monde

A-critiquer le contentement, l’assurance, le sentiment de supériorité des membres de notre société occidentale : quels critères pour justifier la supériorité d’une habitude sur celle d’autrui ?

B-Critiquer la religion dominante : critique de l’Eglise, qui veut évangéliser, en apportant la civilisation ; mais, selon la démonstration de Montaigne, ces hommes sont plus proches de la nature et de la divinité, que nous-mêmes les Occidentaux : ils n’ont pas besoin d’être civilisés ; sa société s’est éloignée de Dieu !

C-La suggestion d’un monde idéal, utopique, peut concourir à critiquer notre monde, certains aspects en tout cas :

-pas de notion de richesse et de pauvreté chez eux à la différence de chez nous

-pas d’idée de supériorité (pas de vêtement, de propriété) à la différence de chez nous

-pas de mauvaise foi : pas de mensonge, trahison, mais