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Commentaire d'arrêt C.E, 27 octobre 2015, M. Allenbach et autres, n.393026

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Par   •  10 Novembre 2023  •  Commentaire d'arrêt  •  1 969 Mots (8 Pages)  •  377 Vues

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COMMENTAIRE D’ARRÊT MAAS OSCAR         

Document 3 : C.E, 27 octobre 2015, M. Allenbach et autres, n.393026

        À la suite de la fusion des régions métropolitaines, passées de 22 à 13, le Conseil d’État a eu à se prononcer sur la conventionnalité et la légalité de l’organisation des élections régionales. Dans un arrêt du 27 octobre 2015, le Conseil a rejeté tous les arguments dont il était saisi.

Pour l’application de la loi du 16 janvier 2015, le Premier ministre a signé deux décrets : un le 30 juillet 2015 qui convoque les électeurs pour les élections régionales de décembre, un autre le 31 juillet 2015 qui établit la liste des départements constituant chaque région. Des particuliers et des mouvements autonomistes alsacien, lorrain et mosellan saisissent le Conseil d’État de plusieurs recours pour excès de pouvoir. Bien que les recours varient d’un requérant à l’autre, ils demandent tous l’annulation des deux décrets.

Les requérants invoquent trois moyens. Les deux premiers concernent la conventionnalité des décrets, le troisième leur légalité. D’abord, ils invoquent la violation de l’article 4 § 3 de la Charte de l’autonomie locale, relatif au principe de subsidiarité : l’exercice du pouvoir doit être confié aux autorités « les plus proches des citoyens ». Selon les auteurs des requêtes, la fusion des régions auraient entrainé l’éloignement entre les autorités régionales et les citoyens. Ensuite, les requérants invoquent la violation de l’article 5 de la même Charte, qui prévoit que la modification des limites d’une collectivité territoriale doit se faire après consultation des organes délibérant de la collectivité ou après un référendum. Or, lors de la fusion des régions françaises, ce principe de démocratie locale n’a pas été respecté.  Ces deux arguments reviennent à remettre en cause la conventionnalité de la loi de janvier 2015, et non celle des décrets de juillet 2015. En effet, les décrets dont l’annulation est demandée ne font que tirer les conclusions nécessaires de la loi de janvier 2015. En outre, les arguments invoqués par les requérants ( la violation des principes de subsidiarité et de démocratie locale ) ne mettent pas en cause les décrets eux mêmes : ces décrets sont contraires à la Charte de l’autonomie locale qu’en tant qu’ils tirent les conséquences de la loi de redécoupage des régions. Le Conseil d’État est donc invité à faire primer, conformément à l’article 55 de la constitution, une convention internationale approuvée en 2007 sur une loi postérieure. Le juge administratif réalise ce contrôle depuis l’arrêt Nicolo du 20 octobre 1989. Enfin, les requérants invoquent l’article L. 4122-1 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit que les limites territoriales des régions sont modifiées après consultation des conseils régionaux et départementaux intéressés. Or ces organes n’ont pas été consultés avant l’adoption de la loi de janvier 2015.

Trois questions se posaient donc en l’espèce, concernant toutes la loi de janvier 2015. D’abord, la fusion des régions est-elle compatible avec le principe de subsidiarité tel qu’il est énoncé par la Charte de l’autonomie locale ? Ensuite, la fusion des régions méconnait-elle le principe de démocratie locale tel qu’il est énoncé par la Charte de l’autonomie locale ? Enfin, le législateur a-t-il violé la procédure de consultation locale imposée par un article législatif du CGCT ?

Sur la première question, celle de la compatibilité de la loi avec l’article 4 § 3 de la Charte, le Conseil d’État juge qu’il n’y a pas lieu de se prononcer. La stipulation n’ayant pas d’effet direct, elle n’est pas invocable. Cependant, le Conseil d’État se prononce tout de même sur la validité de l’argument : même si la stipulation avait été invocable, la fusion des régions n’aurait pas été incompatible avec le principe de subsidiarité qu’elle pose. Sur la deuxième question, celle de la compatibilité de la loi avec l’article 5 de la Charte, le Conseil d’État juge qu’il n’y a pas non plus lieu de se prononcer. En effet, le juge administratif ne peut contrôler la compatibilité de la procédure législative avec une stipulation du droit international. Enfin, sur la troisième question, celle de la compatibilité de la loi avec l’article L. 4122-1 du CGCT, le Conseil d’État juge, encore une fois, qu’il n’y a pas lieu de se prononcer. La règle procédurale invoquée ayant été posée par le législateur, celui-ci pouvait naturellement y déroger.

En somme, le Conseil d’État rejette la contestation du redécoupage des régions au titre de la démocratie locale (I) et au titre du principe de subsidiarité (II). 

I. Le rejet de la contestation du redécoupage des régions au titre de la démocratie locale

Les requérants invoquaient la violation d’une procédure de démocratie locale : avant la modification des limites d’une collectivité locale, ses habitants ou leurs représentants doivent être consultés. Cette règle découle de l’article 5 de la Charte de l’autonomie locale et de l’article L. 4122-1 du CGCT. En ne respectant pas ce principe de démocratie locale en 2015 lors de la modification du découpage régional, le gouvernement aurait donc violé le droit international et la loi. Le Conseil d’État rejette cependant cette argumentation : la procédure législative ne peut être contrôlée ni à l’aune du droit conventionnel (A), ni à l’aune d’une règle législative (B).

A. Une procédure législative incontestable par la voie de la conventionnalité

Les requérants invoquaient l’article 5 de la Charte de l’autonomie locale, qui prévoit la consultation des collectivités locales ou le référendum comme préalable à la modification des limites d’une collectivité territoriale. En l’espèce, il était reproché au gouvernement de ne pas avoir procédé à cette consultation avant de fusionner les régions en 2015.

Mais cet argument présente une importante difficulté : il implique de contrôler la conventionnalité non pas du contenu de la loi, comme c’est le cas d’habitude, mais de la procédure d’adoption de la loi. Le Conseil d’État refuse de se prononcer sur cette question sans expliquer clairement le fondement de ce refus : le juge administratif « ne peut être utilement saisi d’un moyen tiré de ce que la procédure d’adoption de la loi n’aurait pas été conforme aux stipulations d’un tel traité ou accord ».

Ce refus tient au fait que contrôler la conventionnalité de la procédure législative revient à mettre en cause la conventionnalité de la procédure législative, laquelle a valeur constitutionnelle. C’est d’ailleurs la célèbre définition matérielle de la constitution donnée par Kelsen : une norme constitutionnelle est une norme qui fixe les conditions de formation des lois. Et il est de jurisprudence constante que le juge administratif ne contrôle pas la conventionnalité de la constitution (CE, 1998, Sarran, Levacher et a.) : la suprématie conférée aux engagements internationaux « ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle ». Par conséquent, l’article 55 de la constitution implique que les traités internationaux ne peuvent être invoqués que pour contester le contenu d’une loi, pas son adoption.

B. Une procédure législative incontestable par la voie de la légalité

Le second argument « procédural » des requérants était plus simple à rejeter. Les requérants invoquaient une disposition législative pour contester la procédure d’adoption d’une loi. Or, bien évidemment, le législateur peut toujours déroger à une loi qu’il a lui même prise (à condition que cette loi ne constitue pas la garantie d’un principe de valeur constitutionnelle ou reconnaisse un principe fondamental visé par le préambule de 1946). C’est ce que répond le Conseil d’État : « il était loisible au législateur de déroger à cette obligation de consultation pour l’adoption de la loi du 16 janvier 2015 ».

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