Un parcours de rencontres et de découvertes

a) LA RENCONTRE

J'ai commencé à travailler en maison d'accueil spécialisée il y a bientôt deux ans, je découvre alors le monde du handicap. La rencontre qui m'a le plus marqué et celle qui me questionne toujours aujourd'hui est celle de Justin.

Justin est un jeune homme de 36 ans qui est atteint d'un syndrome de Joubert avec un déficit mental, une cécité (trouble visuelle), une quadri parésie spastique et une épilepsie.

Ma première impression à été " comme il est petit ce jeune". En effet ce jeune homme est de très petit gabarit. J'ai eu alors un sentiment de peur, d'angoisse envers sa fragilité et l'inconnu de ses pathologies. Il ne possède pas de langage verbal, mais sait s'exprimer par des sons (cris, pleurs, rires), par sa gestuel et l'expression de son visage. Il a une flexibilité de son corps impressionnante. Les manipulations paraissent difficiles puisqu'il gesticule énormément et est très spastique. C'est alors que j'ai observé le personnel soignant pendant un long moment pendant leurs prises en soins toutes différentes. Ce n'ai qu'au bout d'un mois et demi que j'ai commencé à entrer en contact avec Justin, pour la prise des repas puis pour l'installer à la sieste et enfin pour les soins.

Justin est fils unique. Il part en week-end du vendredi soir au lundi matin ainsi que du mardi soir au mercredi matin. Ses parents sont très présents dans sa vie, ils lui offrent un bien être affectif et une prise en charge complète.

Dans un premier temps j’ai commencé à lui donner la boisson puis les repas, toujours avec cette appréhension. Je trouvais qu’il avait une façon bien particulière de boire et de manger. En effet, Justin n’a pas l’instinct de déglutition, donc le cheminement ne ce fait pas automatiquement comme une personne qui possède cette instinct. Je disais même a mes collègues « on dirait qu’il n’avale pas » C’est l'impression que j’avais, en fait c’est comme si la texture que ce soit aliments ou boissons glissais tout simplement le long de l’œsophage. Dans mon observation, j'ai pu remarquer qu'il fallait un contact physique pour que Justin appréhende l'espace qui l’entoure ainsi que la personne qui l'accompagne.

C’est alors que j’ai expliqué à Justin que je n’étais pas très à l’aise et s’il pouvait m’aider. A ma grande surprise il l’a fait ! J'ai juste posé ma main sur sa joue et il a tourné la tête de mon coté pour ensuite ouvrir la bouche.

J’ai eu alors un sentiment de joie ! J’étais heureuse qu’il ait compris ma demande et qu’il m’aide. C’est avec un grand plaisir que je l’ai remercié.

Mais là où Justin et moi nous nous sommes apprivoisés, est lors de l’accompagnement au soin d’hygiène. J’emploie le terme «apprivoiser » car dans le livre du petit prince j’apprécie quand le renard dit au petit prince : « apprivoiser : C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie "créer des liens..."».

Ce jour là je devais lui donner la douche, je ne l’avais encore jamais pris en charge pour le soin, mais je sentais que j’étais prête à partager ce moment avec lui. C’est alors que je suis allée vers Justin et que je lui ai expliqué que ce matin c’était avec moi qu'il allait partager ce moment. Il est resté sans expressions. Je pense qu’il se demandait également comment le soin allait se passer sachant qu’on ne s’était jamais rencontré lors de ce moment en particulier.

Je lui ai expliqué comment j’allais m’organiser pour qu’il sache a quoi s’attendre. C’est ensuite que je l’ai transféré de son lit au lit douche (un brancard spécifique pour prendre la douche aux personnes couchées). J’étais plutôt sereine et Justin devait le ressentir puisqu’il n’était pas agité, il semblait rassuré. Une fois dans la salle de bain je lui explique que je vais commencer à le déshabiller. Une fois déshabillé, j’ai installé sur Justin un drap de bain, pour ne pas qu’il ait froid. A ce moment là j’étais très contente que Justin ne crie pas ou qu’il ne se torde pas dans tous les sens comme je l’avais déjà vu faire quelquefois. J’ai laissé le drap de bain sur lui et j’ai fais couler l’eau chaude par-dessus. Comme ceci avec le poids de la serviette et la chaleur de l’eau, Justin s’est complètement détendu. Cette technique permet de lui donner des reperds dans l'espace et l’appréhension de son corps, ce qui le rassure.

Malheureusement, j’avais oublié de raccorder le tuyau du lit douche à l’évacuation. Bien sur il avait alors de l’eau partout ! J’explique donc à Justin que j’avais fait une petite « bêtise ». Cet alors que Justin se met à rire, mais vraiment ! Il est parti dans des éclats de rire. J’ai donc bien compris que c’était un moqueur. Alors j’ai continué le reste du soin sur cette ambiance, à raconter des blagues tout en lui glissant quelque petites infos sur moi qu’il puisse par la suite me reconnaître. Voilà comment c'est passé notre toute première rencontre.

Mais après ce moment, petit à petit, je me suis rendu compte que Justin aimait énormément la musique, je lui chante donc des chansons un peu enfantine comme « pomme de reinettes et pomme d’apis » ou encore, « meunier tu dors », et ça le fait beaucoup rire. Cependant, tout dépend de l’intonation de la voix que j’utilise. Si la chanson est trop plate je vois bien qu’il ne réagit pas. Justin ne vois pas, donc ses autres sens sont plus développés, le son de ma voix est donc un élément important pour qu'il me reconnaisse.

Un soir par tout hasard je mets France 2 à la télé, il y avait l’émission « n’oublier pas les paroles » ‘et a cet instant que j’ai compris que Justin appréciait vraiment la musique. Il exprime vraiment de la joie en écoutant cette émission ! Je le vois rire, sourire, heureux. C’est alors que depuis, quand je suis de soirée et que Justin n’est pas chez ses parents, je lui mets cette émissions. Maintenant il me reconnaît puisque je suis peut être la seule à lui mettre cette émission et ce n’ai que du bonheur. Aujourd’hui j’ai encore tellement de choses à apprendre de lui comme lui à apprendre de moi. Mais ces étapes m’ont permises de faire déjà un grand pas en avant pour l’accompagner au mieux.

b) PATHOLOGIES ET TROUBLES

Justin est atteint :

d'un syndrôme de Joubert et d'un deficit mental

Le syndrôme de Joubert correspond à une malformation congénitale du tronc cérébral et du cervelet (structures du système nerveux central situées à la base du cerveau). Ce syndrôme est associé à des anomalies génétiques localisées sur au moins sept gènes différents. Les patients ne présentent pas tous les mêmes anomalies génétiques, ce qui explique la grande variabilité de symptômes de la maladie.

Les personnes atteintes d’un déficit intellectuel présentent des capacités intellectuelles significativement inférieures à la moyenne. Dans le cas de Justin, une anomalie génétique est en cause.

Conséquences: De part sa grande dépendance; Justin a besoin d'aide dans tous les actes et les soins de la vie quotidienne. Justin a besoin que l’on réponde à ses besoins primaires car il n'a pas la notion de ce qui est bien ou pas pour lui. Il peut tout de même exprimer un mal être sans l'identifier.

d'une cécité:

La cécité est un trouble visuelle. Justin est non-voyant.

À noter: le terme «cécité» vient du latin «caecus» qui signifie «aveugle».

Conséquences: Justin peux apercevoir la lumière mais rien de plus. Il est non voyant mais très sensible au bruit, notamment il reconnaît les personnes à leurs voix leurs odeurs. Il peut donc montrer certain signe d'affinité. Cependant le fait de ne pas voir peut générer une angoisse pour Justin.

d'une quadri parésie spastique:

Quadri : du latin quadrus, quatre, parésies : du grec paresis, relâchement.

La quadri parésie est la parésie des quatre membres, c'est-à-dire une paralysie légère, incomplète, avec diminution plus ou moins importante de la force musculaire. La quadri parésie spastique est une forme particulière dans laquelle est présente une anomalie fonctionnelle qui résulte de l'augmentation du réflexe tonique d'étirement.

Conséquences: Dans le cas de Justin, ses quatre membres sont très spastiques (tendus). Ce qui rend les manipulations et les mobilisations difficiles. Mais ça peut être également