Analyse linéaire illusions perdues, Honoré de Balzac
Analyse sectorielle : Analyse linéaire illusions perdues, Honoré de Balzac. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Repila • 2 Mai 2021 • Analyse sectorielle • 2 544 Mots (11 Pages) • 3 845 Vues
D’abord, cet extrait des Illusions perdues constitue l’une des œuvres d’Honoré de
Balzac rassemblées par la suite sous le titre de Comédie humaine. L’auteur est l’un
des grands représentants de l’ascension sociale du roman, qui va de pair avec l’essor
de la presse et celle de la bourgeoisie. Honoré de Balzac y dépeint la société dans
une démarche qu’il souhaite scientifique, faisant de lui le représentant-phare des
réalistes. Par la suite, c’est son modèle qui sera contesté par les auteurs du 20e siècle,
du Surréalisme au Nouveau Roman. C’est Honoré de Balzac qui initie ainsi le roman
d’apprentissage dont le héros le plus typique est Rastignac dans Le Père Goriot. Le
jeune Lucien de Rubempré en constitue un autre exemple, et évolue au sein du même
univers parisien que Rastignac. L’extrait se situe au début de la deuxième partie du
roman, intitulée « Un grand homme de Province à Paris », c’est-à-dire entre le moment
où Lucien quitte Angoulême en tant que poète reconnu, mais qui sait que la véritable
gloire doit s’acquérir auprès de l’élite parisienne. Il quittait donc ses proches en partant
avec sa maîtresse, Louise de Bargeton, laquelle l’avait préféré à un prétendant plus
noble, le baron de Châtelet, que l’on retrouvera aussi à Paris. Cet extrait constitue
donc un moment de transition entre la reconnaissance provinciale et le vertige que
représentera pour lui la vie dans la capitale, dans des conditions financières difficiles
et la séparation avec Louise de Bargeton, honteuse devant la bonne société de son
protégé. C’est pourquoi nous pouvons nous demander : En quoi cette première entrée
dans la vie parisienne est-elle un prémice de la déchéance sociale de Lucien ? Pour
répondre, nous commencerons par aborder l’attitude du jeune provincial intimidé par
la grande capitale (de la ligne 1 à 7), puis nous étudierons la généralisation de la
déchéance comme passage obligé pour le nouveau-venu (de la ligne 7 à la ligne 14)
pour aboutir à une position sociale trop modeste qui induit implicitement la fin de la
relation amoureuse. (de la ligne 14 à la ligne 20)
De prime abord, le narrateur insiste avec le champ lexical de la nouveauté sur
l’importance de cette première fois dans la vie de tout provincial que représenterait la
découverte de Paris, « première promenade vagabonde » (L1), « nouveaux venus ».
Cette entrée en matière permet de déjà généraliser ce statut de Lucien comme
« nouveau » visiteur de la capitale : « Pendant sa première promenade à travers les
Boulevards et la rue de la Paix, Lucien, comme tous les nouveaux venus, s’occupa
beaucoup plus des choses que des personnes. » Les compléments circonstanciels de
lieu « à travers les Boulevards et la rue de la Paix » prennent une valeur de référence
absolue, c’est-à-dire que le narrateur les nomme comme des lieux parisiens célèbres
forcément reconnus par le lecteur. De plus, cette précision peut déjà induire à quel
point Lucien est impressionné, mais comme le serait n’importe quel autre provincial,
comme l’atteste la comparaison, « comme tous les nouveaux venus », et rappelle qu’il
s’agit de la première étape du parcours initiatique de Lucien vers la gloire littéraire.
Cependant, la dernière proposition de la phrase laisse entendre que Lucien, et le
provincial en général, commet déjà une première erreur : « s’occupa beaucoup plus
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des choses que des personnes. » (L3) . Le narrateur, tout du moins, semble souligner
non sans ironie cette tendance typique du provincial enthousiaste, et qui se focaliserait
sur les détails de ces hauts-lieux, sans prêter attention aux autres passants. Ce
jugement péjoratif du narrateur se prolonge : « À Paris, les masses s’emparent tout
d’abord de l’attention : le luxe des boutiques, la hauteur des maisons, l’affluence des
voitures, les constantes oppositions que présentent un extrême luxe et une extrême
misère saisissent avant tout. » (L3-6) Le narrateur ne passe plus par la comparaison
de Lucien aux autres provinciaux et généralise d’emblée ce phénomène avec le terme
péjoratif « masses » qui mêle Lucien à tout un ensemble d’individus, de provinciaux
naïfs et émerveillés. Le complément circonstanciel « À Paris » qui introduit la phrase,
induit que ces dites « masses » désignent des gens étrangers au milieu parisien, et la
locution adverbiale « tout d’abord » confirme qu’il s’agit du premier réflexe de ces
provinciaux étrangers. En outre, la longue énumération introduite par les deux points
explicite ce que le narrateur sous-entendait par « l’attention ». Cette énumération
étirée permet de faire au lecteur à quel point les provinciaux sont impressionnés mais
sans l’exprimer explicitement, c’est-à-dire que ces éléments suffisent à en témoigner.
De plus, si le début de l’énumération paraît valorisant pour la capitale, « luxe des
boutiques », « hauteur des maisons », « affluence des voitures », c’est-à-dire que le
narrateur fait référence aux lieux communs rattachés à la capitale, la fin de celle-ci
paraît plus contrastée : « les constantes oppositions que présentent un extrême luxe
et une extrême misère saisissent avant tout. » Le parallélisme autour de la notion
d’« extrême » permet de créer un jeu de miroir entre les deux réalités sociales de la
société parisienne poussées à leur paroxysme : la vision du « luxe » face à celle de la
« misère ». Le complément circonstanciel de manière « avant tout » placé en fin de
phrase permet d’accentuer d’autant plus cette dualité comme caractéristique
principale de la capitale, c’est-à-dire en excluant la présence d’une classe sociale
intermédiaire : cette réalité anticipe déjà par Lucien le fait que lui-même ne pourra
connaître que l’une ou l’autre, sans juste milieu. Ainsi, on retrouve dans cette
description la dimension journalistique du réalisme sensible aux réalités sociales, ce
qui n’empêche de faire ressentir au lecteur le présent ébahissement du jeune Lucien.
Cependant, le narrateur, après avoir englobé Lucien dans une « masse », se recentre
sur son héros en particulier : « Surpris de cette foule à laquelle il était étranger, cet
homme d’imagination éprouva comme une immense diminution de lui-même. » (L6-7)
Il peut paraître paradoxal que Lucien considère avec la désignation « cette foule » être
extérieur celle-ci, alors que le narrateur l’avait clairement inclus dans « les masses ».
Néanmoins, cela se justifie en raison du sentiment de solitude de Lucien exprime par
l’épithète « étranger ». Cette modalisation suit celle qui introduisait la phrase,
« surpris », qui sous-entend que Lucien n’avait jamais vu un tel rassemblement
compact d’individus à Angoulême, et surtout la focalisation omnisciente souligne cette
perte soudaine d’estime à travers la marque de jugement «
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