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Commentaire littéraire : La machine infernale

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», « je noue et dénoue et renoue », « je serre, je desserre »… La parole est meurtrière telle une spirale infernale.

Dans ses tirades, le personnage reprend les mêmes structures de phrase : la première tirade commence par accumuler des comparatifs, comme par exemple « plus adroit qu’un aveugle », ou encore « plus lourd qu’une vache » ; puis énumère des verbes d’actions : « je sécrète », « je lâche », pour enfin reprendre par des superlatifs, tel que « si dur qu’une maladresse de ma part t’amputerait » et des comparaisons (« bouclé comme la mer », « musclé comme la pieuvre »). Ce rythme répétitif devient hypnotique et fait penser à une sorte de délire verbal. Cette première tirade propose un portrait moral du Sphinx, cruelle, comme le démontre le champ lexical de la violence : « filet des gladiateurs », « sanguinaire », « bourreaux d’Asie », « fatal », « poison », « amputerait ». L’image du serpent connote le caractère vicieux et sournois de la Sphinx, qui envoûte Œdipe comme le serpent enroule sa proie.

La deuxième tirade est quant-à elle une succession de verbes, on assiste à une reprise de la structure de la première tirade, qui impose un rythme soutenu et saccadé, Jean Cocteau précise d’ailleurs : "Elle doit parler comme une mitrailleuse -un télégraphe- une écuyère méchante et insolente", ce choix est affirmé par la préférence pour les asyndètes dans ces tirades (présence de ponctuation mais d’aucun liens logiques. L’ensemble de ces deux tirades est finalement très dense et démontre la parfaite maîtrise du langage du Sphinx, sa fonction meurtrière est un art, ce qui est d’autant plus accentué lorsque celle-ci anticipe les actions d’Œdipe, elle prédit par exemple qu’il appellera sa mère ou qu’il sera semblable à un « bras inerte sur lequel un dormeur s’est endormi ».

Il convient donc de présenter le Sphinx comme figure dominatrice du dialogue, elle envoûte habilement Œdipe à travers le langage. Celui-ci se retrouve confronté à un cauchemar et ne maîtrise par la situation.

De plus, Œdipe, censé réaliser l’exploit de battre le Sphinx en résolvant son l’énigme, semble effrayé et enfermé dans un rêve, incapable de contrôler les évènements.

L’ensorcellement du Sphinx plonge Œdipe dans un milieu onirique. En premier lieu, Œdipe s’endort progressivement, il répond « d’une voix faible », ses répliques sont très courtes, il paraît comme totalement soumis au Sphinx, jusqu’à son réveil, lorsqu’il « pousse un cri ». En effet, lors de ce moment, il n’a pas d’autre choix que de crier devant la menace terrifiante que symbolise Anubis. Celui-ci paraît « les bras croisés, la tête de profil », représentation classique du Dieu égyptien de la mort et, comme le dit le Sphinx, il « s’élancerait » et « ouvrirait ses mâchoires de loup ! », c’est donc un réel danger pour Œdipe. D’autre part, le Sphinx utilise des images aux connotations poétiques, tel que le champ lexical de la mer : « plus gréé, plus voilé, plus ancré, plus ancré qu’un navire », « bouclé comme la mer », qui font penser au balancement d’un navire (notamment grâce à l’assonance en « é ») et donc à un certain bercement qu’utilise le Sphinx pour endormir Œdipe.

On constate également qu’Œdipe est terrifié par ce qui lui arrive, il implore le Sphinx « Laissez-moi ! Grâce… » et appelle sa mère « Mérope !... Maman ! » ; du personnage prétentieux, avide de richesse, de puissance et de gloire qu’il était avant, il passe à un homme peureux et soumis. Ses appels au secours traduisent une fatalité représentative de son histoire tout au long de la pièce, l’homme qui essaye d’échapper à son destin se retrouve une fois encore enchevêtré dans une situation qu’il ne contrôle pas. Cette idée se retrouve bien dans le passage : le Sphinx utilise le conditionnel « courberais », « s’élancerait », « ouvrirait », et insiste sur ce point pour démontrer à Œdipe que ce qu’il a vécut n’était pas réel, qu’il est désormais libre. Celui-ci a donc l’impression de pouvoir s’échapper mais il est finalement obligé de répondre à l’énigme et, en la remportant, de se retrouver encore une fois sur le chemin de la destinée annoncée par l’oracle, puisque cette victoire va lui permettre d’épouser Jocaste.

Ainsi, Œdipe est présenté comme un anti-héros, le public ou le lecteur s’attend à un personnage courageux et vaillant qui s’avère finalement peureux et soumis à son destin. Typiquement tragique, ce personnage va subir le poids de la fatalité repris par Jean Cocteau.

Le fait que ce personnage d’Œdipe ne soit pas le héros mythologique attendu montre la volonté d’une certaine modernisation de la part de l’auteur.

En effet, au cours de sa démonstration, le Sphinx dévoile la réponse de l’énigme, ce qui rend Œdipe ridicule lorsqu’il se dit « vainqueur » de l’épreuve. Le personnage d’Œdipe est donc revisité, le but étant de le ramener à une dimension plus accessible, Œdipe n’est pas un héros mais un humain, ce qui le rend plus proche du lecteur. Œdipe symbolise finalement le caractère tragique de la condition humaine.

Le personnage du Sphinx est lui aussi modernisé, il est représenté sous les traits d’une jeune fille, habillée de blanc, signe de pureté et d’innocence, ce qui s’oppose à l’aspect cruel qu’il adopte. Tombée sous les charmes d’Œdipe, cette jeune fille en assez de tuer des gens et trouve donc une ruse pour échapper à son destin de monstre sanguinaire en effectuant une démonstration

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