L'euthanasie
Dissertation : L'euthanasie. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar kokos • 3 Janvier 2024 • Dissertation • 3 439 Mots (14 Pages) • 114 Vues
Monsieur le président, je vous demande le droit de mourir ». Voila là le dernier souhait de Vincent Humbert six mois après son tragique accident de la route. Ce dernier, plongé dans le coma, se réveilla aveugle, muet et tétraplégique. Lorsque celui-ci lui demanda le droit de mourir en décembre 2002, Monsieur le président Chirac lui répondit : « Qu’il reprenne goût à la vie ». En dépit de ce refus, Marie Humbert, la mère du jeune homme, le délivra de ses souffrances et de son malaise en essayant de mettre fin à ses jours en distillant des barbituriques à travers sa sonde gastrique, ce qui a eu pour seule effet de le plonger dans un coma profond. Le docteur Frédéric Chaussoy, chef du service de réanimation du Centre, après avoir d’abord réanimé Vincent, « prolonge le geste de la mère » en arrêtant son respirateur artificiel et en lui injectant du chlorure de potassium, une substance létale, afin qu’il ne souffre pas lors de son asphyxie. Le docteur Chaussoy est mis en examen pour « empoisonnement avec préméditation ». Une tempête médiatique se déchaîne alors, faisant de la mère de Vincent et du médecin inculpé, les nouveaux héros de la cause de l’euthanasie. C’est par cet événement que le débat français va s’élever autour d’une question qui n’était alors pas encadrée juridiquement, celle de la volonté du patient en fin de vie.
D’après la définition du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), l’euthanasie est l’acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable. Cette pratique est à différencier du suicide assisté ou de l’aide au suicide se définissant comme l’acte de fournir un environnement et des moyens nécessaires à une personne pour qu’elle se suicide. Le médecin prescrit la substance létale, puis la personne se l’administre elle-même. Ainsi, la principale différence entre l’euthanasie et le suicide assisté réside dans l’implication des soignants. Dans le cas de l’euthanasie, l’acte létal (qui va entraîner la mort) est effectuée par le corps médical. Dans le cas d’un suicide assisté, c’est le malade qui effectue l’acte provoquant sa mort. Le corps médical ne fournit qu’une assistance.
Originellement, l’euthanasie était admise pour les animaux mais la polémique persiste pour les être humains. Le serment d'Hippocrate banni l’euthanasie et précise : « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. ». En Belgique, la dépénalisation de l’euthanasie à eu lieu le 23 Septembre 2002. Elle est ainsi l’un des premiers pays de l’Europe à permettre cet acte médical avec les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse. Ainsi, l’encadrement de l’euthanasie demeure un sujet délicat et en constante évolution. S’adapter aux tendances de la société, à l’évolution des techniques médicales est nécessaire. Néanmoins, on observe des approches et des législations différentes en Europe. Certains sont pour, d'autres s'y opposent. Cette pratique est source de nombreux débats religieux et culturels. En effet, des contestations sont apparues, provenant des membres de la famille du malade ou du corps médical. Il est alors paru nécessaire de réglementer juridiquement cet acte et d’en définir les contours. Cependant, il n’existe pas une législation internationale ou européenne commune concernant l’euthanasie. Chaque pays est libre de la tolérer ou non, d’en définir les limites. En l’état, la majorité des Etats dans le monde ne reconnaissent pas l’euthanasie ou l’interdisent.
Néanmoins, certains d’entre eux font la distinction entre euthanasie passive, qui désigne l’acte d’arrêter de fournir des soins au patient, à sa demande ou non, et active lorsqu’un acte est volontairement pratiqué dans le dessein de déclencher la mort de ce dernier. On parle aussi du suicide médicalement assisté, lorsqu’une aide médicale est apportée à un individu qui souhaite se donner la mort mais qui n’en a pas la capacité. L’euthanasie active demeure illégale dans la plupart des pays, d’Europe notamment, mais soulève partout de grands débats sociaux, éthiques, scientifiques et enfin juridiques. Dans ces pays, l’euthanasie active, même si celle-ci est sollicitée et consentie, est considérée comme un homicide. Pourtant, la pratique existe et nombreux sont les défenseurs du droit à l’euthanasie. Les pro- euthanasie comme les anti-euthanasie clament tous deux répondre du principe de dignité humaine, les premiers, l’association principale de défense de ce droit s’appelant d’ailleurs Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité évoquant le libre arbitre de l’individu qui a le droit de décider des circonstances de sa mort lorsque son corps ne lui appartient en quelque sorte plus, et les seconds évoquant le respect de toute vie humaine et le fait que l’acte euthanasique est une atteinte à la vie.
Si le suicide est dépénalisé en droit français depuis 1791, pourquoi l’euthanasie, qui résulte de la volonté subjective d’un individu incurable, ne le serait-elle pas? Il conviendra ici de s’intéresser au droit français, qui interdit l’euthanasie active, en particulier.
En ce que le droit, au nom du principe de dignité et de l’interdit de donner la mort à autrui, semble se heurter à une autre conception de la dignité et à une casuistique en définitive assez favorable à un droit à la mort, il convient donc de se demander si ce droit à la mort peut exister. Pour cela, il conviendra d’établir que le droit et l’euthanasie sont deux éléments en apparence totalement incompatibles (I), puis il s’agira de montrer qu’en pratique, l’euthanasie existe et en cela, il convient de lui donner un certain cadre juridique (II).
I - Une apparente incompatibilité du droit et de l’euthanasie
L’euthanasie est une pratique qui, pour bien des raisons, est strictement condamnée dans la loi française. L’euthanasie semblerait porter atteinte à la dignité humaine (A), et c’est en cela qu’elle est nettement condamnée dans le droit français (B).
A - Le respect du principe de liberté et de dignité de l’être humain.
L’être humain est appelé à mourir un jour. Mais une question fondamentale se pose : de quelle façon aimerions nous mourir ? La peur de la mort est un sentiment naturel et universel. Mais une mort accompagnée de souffrances pourrait encore plus effrayée. C’est sans aucun doute une telle situation qui pousse les personnes à revendiquer le droit de mourir dans la dignité afin de bénéficier de meilleures conditions de mort. Bien qu’il soit établi en droit interne, le droit de mourir dans la dignité ne fait pas l’unanimité en droit international européen, faute de consensus. Cependant, il ne se passe pas une seule année sans qu’une affaire concernant la question de mourir dans la dignité ne soit portée devant la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, les noms tels que Pretty, Haas, Vincent Lambert et bien d’autres ont une résonance particulière pour qui quiconque suit l’actualité juridique et médicale ces dernières années. En règle générale, lorsqu’on se place dans une perspective positiviste, le titulaire des droits fondamentaux est l’individu. Ces droits fondamentaux désignent un ensemble des principes et des normes fondés sur la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les êtres humains. Placée au sommet de la hiérarchie du droit, la dignité humaine exprime donc la primauté de l’homme dans la société. De plus, ce principe est présent dans le préambule de 1946 de notre Constitution actuelle, dans le bloc de conventionnalité et même dans le droit international. Ce principe a valeur constitutionnelle depuis la décision du 27 juillet 1994 à propos de la loi « bioéthique. » Le Conseil Constitutionnel énonce alors que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. » De même, le 25 juin 1999, le Conseil de l’Europe énonce sur la protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants une interdiction «Interdiction absolue de mettre intentionnellement fin à la vie. »
En d’autres termes, le droit à la vie prime sur le droit à la mort parce que la vie est inviolable et que sa valeur ne peut être objectivement jugée. Si l’on part du principe que ce droit à la dignité est universel puisque chaque vie a égale valeur, alors le refus du droit à la mort doit être intransigeant : la moindre exception est alors intolérable. Le comité Consultatif National Consultatif d’Ethique a exprimé en 1991 que la « légalisation de l’euthanasie s’inscrirait dans une définition restrictive de la personne humaine dont la dignité se mesurerait à son degré d’autonomie et de conscience. » Or il est impossible de discriminer les vies qui ne méritent pas d’être vécues face à celle qui le méritent. Bertrand Mathieu énonce d’ailleurs dans un article intitulé Fin de vie : liberté, droits et devoirs, l’impossible conciliation ? que « la reconnaissance d’un droit à recevoir la mort en fonction de son état physique ou psychique, ne peut, non seulement être analysée comme induite du principe de dignité de la personne humaine, mais doit être considérée comme entrant
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