La violence scolaire, mémoire Licence Sciences de l'Éducation

Introduction :

Selon la dernière enquête nationale de la DEPP 94% des collégiens se sentent bien dans leur établissement. Cependant, d’après cette même enquête qui portait aussi sur la victimation, le sentiment d’insécurité demeure ; ils sont encore 10% à se sentir en insécurité dans leur établissement et 22% à considérer qu’il y a « beaucoup de violence » dans leur établissement et 6% à ne pas venir en cours par peur. La moitié des collégiens déclarent avoir été au moins une fois l’objet d’insultes et ou de vol de fournitures. 45 % ont déjà été l’objet de « surnoms méchants », et 38 % ont déjà été mis à l’écart. Ils sont aussi 19 % à avoir déjà ressenti un « sentiment d’humiliation » vis-à-vis de leurs camarades, et 34 % à avoir été « bousculés » au moins une fois.

Du côté des parents, la violence scolaire continue d’inquiéter, d’autant plus qu’elle peut être invisible et sournoise, tel le harcèlement. Depuis deux décennies, le climat scolaire est un élément déterminant dans le choix du futur établissement de leurs enfants.

L’Etat s’est mobilisé et a engagé une action interministérielle pour apporter des réponses concrètes aux faits et situations d'insécurité dans les établissements scolaires et à leurs abords (ministères de l'Éducation nationale, de la Justice et de l'Intérieur). La loi n° : 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République crée, pour chaque établissement scolaire, un diagnostic de sécurité ainsi qu’un « correspondant police-gendarmerie sécurité de l’école », une équipe mobile de sécurité pour chaque académie et un plan national de prévention et de lutte contre toutes formes de violence en milieu scolaire. Cette évolution du climat scolaire a entraîné peu à peu des changements sociologiques significatifs au sein de l’école, de son fonctionnement, des acteurs de terrain que sont les équipes éducatives des établissements scolaires.

1 Rosenwald, F. (2017). 94 % des collégiens déclarent se sentir bien dans leur collège. Note d’information de la Direction de l’Evaluation de la Prospective et de la Performance, n° :17.30 (Décembre2017) http://cache.media.education.gouv.fr/file/2017/54/6/depp-ni-2017-17-30-94-pour-cent-des-collegiens-declarent-se-sentir-bien-dans-leur-college_873546.pdf (consulté le 09 Février 2018)

La question de la violence scolaire impacte désormais fortement les métiers liés à l’enseignement. Éric DEBARDIEUX, professeur à l’université de Paris-Est Créteil et président de l’observatoire international de la violence à l’école, nommé délégué ministériel à la prévention de la violence scolaire en 2012, le 26 février 2013, présentant une enquête de victimation et de climat scolaire réalisée auprès de 20.000 personnels du second degré2, mettait en évidence les nécessaires mutations du métier d’enseignant : "On n'a pas le droit de louper la formation ou de refaire comme avant la réforme. Il faut transmettre aux futurs enseignants des gestes professionnels concernant la gestion de la classe et des conflits". Différentes enquêtes montrent, d’ailleurs, que ces derniers sont majoritairement demandeurs de ce type de formation. Dans notre enquête, nous avons donc voulu cerner cette demande et mettre en évidence les attentes et adaptations de terrain des enseignants pour maintenir un climat scolaire propice à la transmission des connaissances dans leurs cours et dans leur établissement.

I. CONSTRUCTION DE LA QUESTION DE LA RECHERCHE.

1. Les « violences scolaires »:

1.1 La violence :

« La violence implique l’idée d’un écart, d’une transgression ou d’une infraction par rapport aux normes ou aux règles qui définissent les situations considérées comme naturelles, normales ou légales avec l’idée d’une atteinte aux biens ou aux personnes dans leur intégrité morale ou physique3. » Ce que l’on entend aujourd’hui par violence en milieu scolaire est l’usage de la violence par les élèves envers les autres élèves, parfois envers leurs enseignants. Le comportement de ces derniers est cependant parfois mis en cause lorsqu’il vise à la dévalorisation, à l’humiliation, voire à la culpabilisation de l’élève4.

2 Debardieux, E., Moignard, B., Hamchaoui. K. (2013) Enquête de victimation et de climat scolaire. http://www.academia.edu/11742893/ENQUE_TE_DE_VICTIMATION_ET_CLIMAT_SCOLAIRE_AUPRE_S_DES_PERSONNELS_DU_SECOND_DEGRE_ (Consulté le 15 Février 2018)

3 Casanova. R., Carra. C. (2006). Revue de Recherches en Éducation. Editions spirale, 37, pp 15. 4 Ukropina. L (2011, mars). Violences : l’école en cause ? Les cahiers pédagogiques, 488. pp. 4.

La violence scolaire se manifeste sous différentes formes : parfois physiques, surtout verbales et psychologiques, et quelquefois sexuelles. Si les médias se focalisent sur les actes les plus graves, délictueux ou criminels, la violence scolaire se manifeste surtout par une succession de petites violences répétées et journalières, le plus souvent verbales (« schoolbullying » : terme utilisé aujourd‘hui pour désigner tous les types de harcèlement). L’enquête diffusée par la DEPP en 20115 met en évidence 27 types de violences scolaires dont l’insulte occupe la première place, suivie de près par les vols, les bousculades, les mises à l’écart et les moqueries.

1.2 Histoire de la violence scolaire :

La prise de conscience de la dégradation du climat scolaire remonte à la fin des années 1970. C’est l’Inspecteur Georges TALLON qui rédigea le premier rapport à ce sujet après avoir réalisé une enquête dans 41 collèges dits « difficiles ». C’était la première fois que l’on mesurait la violence scolaire.

En novembre 1990, la violence scolaire fait son apparition dans le paysage médiatique français, sous le ministère de l’Education Nationale de Lionel Jospin, lorsque le mouvement lycéen exacerbé explose en de violents affrontements et scènes de pillages à Paris. La violence scolaire devient alors un problème social faisant l’objet d’enjeux médiatique, politique et économique6. Interpelé par le développement de ce phénomène, le Ministère de l’Education Nationale collabore alors étroitement avec le Ministère de l’Intérieur. A partir de 1992, les établissements sont classés à partir de critères et l’on commence à parler d’ « établissements sensibles ».

5 Quéré M. (2011). Résultats de la première enquête nationale de victimation au sein des collèges publics au printemps 2011. Note d’information de la direction de l’évaluation de la prospective et de la performance.n°11-44. http://cache.media.education.gouv.fr/file/2011/49/0/DEPP-NI-2011-14-enquete-nationale-victimation-colleges-publics_197490.pdf. (consulté le 20 Février 2018)

6 Debardieux. E., Blaya C. (2001). Violence à l’école et politique publique. Paris, France : ESF

Les actes de violence en établissements scolaires sont désormais recensés, répertoriés, notamment grâce au logiciel SIGNA, qui sera suivi de SIVIS en 20057 ; l’Institution commence à produire des plans antiviolence.

La lutte contre la violence en milieu scolaire est ainsi devenue une priorité de l’Education Nationale ; en 2012 est créée la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences scolaires8 (DMPLV).

En 2012, à l’instigation de la direction générale de l’enseignement scolaire, (DGESCO), sous la responsabilité d’Éric DEBARDIEUX, un groupe international de chercheurs et d’experts de terrain élabore un rapport sur le climat scolaire. Le lien très fort entre qualité du "climat scolaire", victimation à l'école, la qualité des apprentissages et la réussite scolaire est alors, internationalement, établi. La question du climat scolaire ainsi installée aujourd’hui au cœur du métier des enseignants et de l’administration des établissements scolaires est devenue un enjeu majeur.

1.3 Les évolutions sociologiques liées à la violence en milieu scolaire :

Le climat scolaire a une incidence indéniable sur les comportements des élèves et des personnels, notamment sur les relations qu’ils entretiennent entre eux, le respect et la confiance mutuels, et sur la cohésion générale. C’est ce que montre Cécile CARRA9 dans son ouvrage paru en 2009, Violences à l’école élémentaire ; l’expérience des élèves et des enseignants10.

Ignorée, minimisée, voire niée il y a 3 décennies, la violence scolaire est maintenant connue par les médias, par l’opinion publique, reconnue par l’administration de

7 Annexe 1, logiciel SIGNA : définition.

8 Annexe 2, délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences scolaires : définition.

9 Cécile Carra est maître de conférences en sociologie à l'IUFM du Nord/Pas de Calais, Université d'Artois et chercheuse au CESDI/CNRS. Elle dirige l'équipe de recherches en éducation RECIFES.

10 Carra, C. (2009). Violences à l’école élémentaire. L’expérience des élèves et des enseignants. Paris, France : PUF.

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