Zola
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Zola, La Bête humaine (1890)
Chapitre 2. "L'impossible échappée" Explication
Situation. Après sa tentative de viol sur Flore, la belle-fille de sa marraine Phasie, Jacques est pris d’une violente crise. Il sent à nouveau surgir le spectre de sa folie meurtrière qu’il pensait un instant disparu. Abattu et terrassé par ses pulsions indomptables, il s’enfuit en pleine nuit à travers la campagne cherchant à vaincre ses désirs bestiaux. I. Une chevauchée fantastique
Le récit raconte une échappée aux allures de traque et de poursuite policière.
Au cours d’une chasse à l’homme imaginaire, Jacques semble fuir de mystérieux et fantomatiques poursuivants. Il paraît en proie à un véritable délire paranoïaque qui pousse à s’enfuir " plus loin, toujours plus loin " (l. 8).
Cette angoisse panique se traduit d’abord par le mouvement et le rythme impulsés au récit comme en outre par le cadre spatio-temporel signifiant : la nuit, une nature déserte, silencieuse (pas de bruit d’animaux, ni de feuilles froissées, de branches cassées, ni d’aucune vie d’ailleurs, si ce n’est celui du train) et hostile.a) Le rythme : une cadence soutenue, effrénée, voir les verbes de mouvement, avec emploi métaphorique du verbe galoper (l. 2 et l. 10), phrases courtes, l’emploi du passé simple, actions rapides et brèves.b) Le mouvement : sans but et erratique, incontrôlable et désordonné : " tout droit " et " toujours plus loin " (l. 8) mais semble-t-il vers nulle part ; il tourne en rond, se perd, s’égare, et s’avoue finalement " vaincu " (l. 26). Le réseau sémantique de la chasse, de la battue, de la traque, de la poursuite. Voir les comparaisons (l. 2-3), les personnifications (l. 2-3).c) Le décor : une nature hostile
Temps : la nuit totale, (campagne noire, l. 2), le pluriel ;
Espace : la rivière symbolique, les obstacles ;
Déshumanisé, sans être, ni vie d’aucune sorte ;
Fuite intérieure et extérieure, l’une enchâssée dans l’autre.II. Echapper à soi-même : le leurre de la fuitea) Se fuir, un personnage double et antithétique
La fuite première se redouble d’une fuite seconde signalée principalement par le changement des temps verbaux, on est passé en effet à l’imparfait de narration.
La dynamique de la course autorise le retour du refoulé, libère le double caché et sauvage. Elle laisse émerger la folie. Aussi assiste-t-on à une fuite en avant vaine : " son unique pensée était d’aller tout droit, plus loin, toujours plus loin " (l. 8).
En fait, ce qu’il fuit, c’est d’abord lui-même ou plutôt la " bête enragée " (l. 9) dont il se sent possédé ; cette poursuite imaginaire se double d’une tentative de se dérober à sa face maudite ; le verbe pronominal " se fuir " (l. 8-9). Sous l’homme, la bête ; sous le moi, l’autre ; et on pourrait ajouter sous le rut sexuel (Eros) la volupté de la mort (Thanatos).
Thème et imaginaire de l’alter ego et du combat intérieur avec ses déchirements ; voir les verbes de lutte : emporter (l. 10), chasser (l. 11), battre (l. 13).
Mais également sous le présent, le passé.b) Fuir le passé. Il s’agit d’abord de son atavisme, cette hérédité, ce qu’il est ; mais aussi sa pulsion. Relevons que le mouvement de la course autorise ici la rétrospection intérieure.c) Fuir le monde. Cette fuite traduit, chez Jacques, une peur d’affronter le monde, la réalité et la femme (" Dans sa petite chambre de la rue Cardinet [...] que d’heures il se souvenait d’avoir passées, ces heures libres, enfermé comme un moine au fond de sa cellule [...] ", chap. II, p. 101-103).
Stratification du personnage et du temps comme au reste de l’espace. Le paysage qui suggère un décor hostile s’avère aussi sujet à une double inscription, symbolique et mythique.III. Un paysage symbolique et mythiquea) Un monde labyrinthique qui figure la fêlure d’un être déchiré, entravé et obsessionnel.
Il semble que nous pénétrons avec Jacques dans un univers de profondeur, un monde obscur et primitif exempt de toute œuvre civilisatrice. L’atmosphère y est symboliquement sombre, la vie occulte et souterraine. Le paysage opère au reste comme une remontée dans le temps ; Si le parcours passe par deux rivières, emblèmes même des lieux de passage initiatique, il s’avère régressif. Ainsi, une fois l’épreuve des rivières franchie, le personnage se révèle alors dans toute son émotivité, dans toute son animalité. Il nous découvre cet autre, la part cachée de son moi, d’un moi originel et bestial animé par le désir et les pulsions.
Ne ressort-il pas de la cavalcade de Jacques, le motif de la lutte première de l’homme par rapport à une nature inculte et farouche ?b) Le paysage se prête à une sorte de métaphorisation du sexe féminin.
Le décor qui figure l’angoisse du personnage face à son désir monstrueux et incoercible reflète au demeurant un espace violemment érotisé. Largement assimilé au sexe féminin, le paysage paraît le symboliser. Les correspondances sont du reste à peine implicites : le tranché (l. 6), le coupé (l. 23), le profond (" les gorges étroites ", l. 4), le vertige de l’inconnu (" il revint, de l’autre côté, [...] après avoir décrit un large demi-cercle ", l. 19-20), ou encore l’omniprésence de broussailles touffues (l. 6-7, l. 20-21). Face à la femme, Jacques ne refuse pas le corps nu en lui-même mais la folie irrésistible qu’il
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