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Comment exprimer l'inexprimable ? (francais)

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xtrême ?

C'est ce à quoi je vais tenter de répondre de façon détaillée et précise .

Tout d'abord je commencerai par expliquer pourquoi il est si difficile de parler de cette expérience concentrationnaire dont sont victimes tellement de familles mais aussi pourquoi, paradoxalement , tant de récits ont tenté de l'expliquer .

Puis je poursuivrai en insistant sur le fait que malgré la difficulté de parler de la Shoah , il existe des alternatives qui ont permis à des ex-déportés de s'exprimer et de rendre compte à notre société de l'horreur qu'ils ont vécue.

Enfin j'oserai des pistes de réflexion sur les choix stratégiques des auteurs qui au lieu d'emprisonner le lecteur lui ont permis de forger son propre avis quant à la vie des camps.

La première chose qu'il me paraît importante d'expliciter ici, c'est ce que l'on entend par la notion d'indicible . En effet indicible signifie « qui ne peut être dit » . Mais alors pourquoi dit -on que l'expérience concentrationnaire est indicible ou inexprimable ?

Au fil de nos lectures, nous avons pu relever de nombreux éléments qui permettaient d'expliquer la volonté de ne pas revenir sur le passé atroce , sur le traumatisme qui a marqué tant de familles.

C'est ce qu'Arthur Nauzyciel a su brillamment mettre en scène lors de la première partie de son spectacle « Mon nom est une fiction » inspiré du livre Jan Karski de Yannick Haenel .

Dans cette première scène on y voit Jan Karski interprété par Laurent Pointrenaux, seul sur scène . Il s'agit des propos qu'il tiendra face à la caméra de Claude Lanzmann pour le film Shoah . Sur scène le protagoniste semblait quelque peu troublé , dérangé même , inquiet et apeuré . Mais pourquoi était il dans cet état alors qu'il se trouvait seul sur scène , sans menaces apparentes ?

Plusieurs fois dans son discours il a répété «Je ne veux pas y retourner , je n'y retournerai pas! » .. Il parlait à ce moment-là de ne pas retourner dans ses souvenirs, dans son passé ; non il ne veut pas se souvenir , il essaye d'oublier ce qui lui est arrivée en 1942 lorsqu'il fut témoin de l'unicité de l'extermination radicale de son peuple . Il ne veut pas retomber dans ses souvenirs car la souffrance qui en émane est trop grande . Cet homme n'a t-il pas le droit d'être laissé tranquille après toutes ces épreuves qu'il a dû traverser ?

A cause de quoi cet homme mais aussi tous ces auteurs autobiographes ont-ils éprouvé autant de difficultés à exprimer ce qui leur était arrivé ?

Une première piste que je proposerai : pourquoi faire revivre toute la brutalité et la violence dont ils ont été victimes ?

Nous avons plusieurs fois au cours des récits rencontré l'aspect monstrueux , inhumain et brutal des SS (la SchutzStaffel) envers les déportés . Les « ordres hurlés » les « aboiements barbares » décrits par Primo Levi dans Si c'est un homme rendent bien compte de l'attitude presque animale des nazis envers les déportés . De plus un document qui illustre très bien cette notion d'horreur est le tableau d'Egon Schiele l'Autoportrait nu bouche ouverte(1910) , qui représente un corps démembré, dénudé et vidé de toute son humanité.

De plus s'ajoute à l'aspect inhumain, le flou dont étaient atteints les auteurs . Pour sa part , Semprun a choisi d'utiliser de nombreuses métaphores sur la vie pour exprimer sa vision des camps : « la mort qui pousse en lui comme une plante carnivore ». Il a également insisté dans son œuvre sur les conditions de vie difficiles des camps notamment en appuyant sur « l'odeur fécale, fétide » ou encore sur « les odeurs multiples de la mort qui y régnaient .

Dans un deuxième temps, il serait intéressant de développer l'aspect de ce que j'ai appelé la « parole quasi impossible ». En effet , essayons un seul instant de nous mettre à la place d'un déporté qui aurait survécu à l'expérience extrême de la Shoah et aurait décidé de témoigner par écrit . Face à sa page blanche , une multitude de questions a dû se présenter à lui . Comment puis-je par l'écriture rendre compte avec exactitude de ce que nous avons vécu ? Comment expliquer au monde ce dont nous avons été victimes ? Comment parvenir à faire passer une émotion aussi forte que la nôtre lorsque les SS nous humiliaient en nous traitant de « vermines » ? Comment trouver les mots justes face à la violence perpétuelle qui avait raison de nous un peu plus chaque jour ?

Enfin je soulèverai un point qui pourrait également renforcer le caractère inexprimable de la Shoah : comment ces auteurs ont -ils réussi à mettre un voile sur leur pudeur le temps de retranscrire leurs mémoires ? Par exemple Perec parle des camps métaphoriquement par l'intermédiaire d'athlètes , ces derniers sont ridiculisés par des expressions telles que « leurs tenues rayées qui les faisaient ressembler à des caricatures » ou encore « ces sauteurs qui retombaient lourdement dans une fosse emplie de purin ».

Je terminerai donc cette première partie en me demandant si la perte de dignité dont ont été victimes chaque jour les déportés , n'a pas contribué à rendre encore plus difficilement exprimable leur expérience ?

Néanmoins, malgré le caractère ineffable de l'expérience de leur vie concentrationnaire , de nombreux auteurs ont publié des ouvrages sur ce thème et ont réussi à transmettre parfaitement leurs émotions aux lecteurs . Alors peut-on réellement dire que ce qu'ils ont vécu est indicible?

Alors comment ces auteurs sont ils parvenus à prendre sur eux pour écrire chaque détail de ce qui a constitué la partie infernale de leur vie ?

Je proposerai l'élément de réponse suivant : s'ils ont décidé de raconter l'enfer page après page, lignes après ligne, c'est tout d'abord par devoir . C'est le devoir de témoigner ou le devoir de mémoire qui les a poussés à écrire . Ce n'est donc pas pour eux qu'ils ont fait ce choix mais bien pour sauver de l'oubli toutes ces victimes de l'holocauste telle que la petite Emilia de Primo Levi («Ainsi mourut la petite Emilia, âgée de trois ans, tant était évidente aux yeux des allemands la nécessité de mettre à mort les enfants des Juifs»). Alors simple action de civisme ou forme de thérapie pour tenter d'oublier un peu le passé ? Pourquoi cette petite ? Pourquoi pas une autre ? Ceci fait référence au caractère hasardeux de la déportation puisque certains auront réussi à s'échapper afin de nous raconter tout de que nous savons aujourd'hui. Conserver le souvenir de ses proches décédés ou d'une population entière décimée aura sauvé certains déportés de la folie, ou du suicide.

La Shoah n'est pas un événement facile à retranscrire de part les nombreuses dates , les nombreux personnages qui l'ont organisée ou encore le nombre de détails qui la constitue. C'est pourquoi peu d'ouvrages sont parfaits : certains auteurs ont commis des erreurs de dates après avoir perdu la notion du temps, certains ont mélangé les lieux.. mais pourtant tous sont d'accord sur un point : celui de la barbarie nazie . Alors par quels procédés les auteurs ont ils réussi à transmettre une émotion touchante dans leurs ouvrages ?

Nous avons relevé un procédé qui apporte un caractère authentique aux propos présentés , c'est le fait de ne pas narrer ni de romancer les faits . Au contraire les auteurs ont choisi en majeure partie de retranscrire les faits ce qui apporte une touche réelle , plus touchante à leurs récits rétrospectifs . Par exemple dans son texte de Primo Levi a choisi de rapporter les paroles des Allemands en utilisant le discours indirect libre : « Quelqu'un osa s'inquiéter des bagages : ils (SS) lui dirent « bagages après » un autre ne voulait pas quitter sa femme : ils lui dirent « après de nouveau ensembles » ». Ce procédé donne un effet plus réel aux propos rapportés .

Un autre stratagème utilisé a été celui de mettre une certaine distance entre le récit et le narrateur car presque tous les auteurs cités ont utilisé la première personne du singulier, se mettant donc en scène dans leur récit . La difficulté était donc de créer cette distance afin de faire ressentir au lecteur cette nécessité du narrateur-auteur à ne pas trop s'impliquer émotionellement dans ses propos sans quoi il lui serait impossible de terminer son récit . En opposition , Semprum a lui décidé de tout faire passer par l'émotion en décrivant chacun de ses gestes afin que le lecteur puisse se représenter une image concrète de ce qu'il décrit : « J'ai glissé mon bras sous ses épaules, je me suis penché sur son visage ... »

Certains auteurs ont eux choisi un troisième stratagème narratif tout aussi efficace : la fable. Enfin Antelme a adopté la focalisation zéro. Il s'est placé du coté des nazis pour comprendre leur manière de raisonner, il a retranscrit leurs pensées « Le petit con se dit que ça ne doit pas être drôle de faire la guerre comme ça ».

D'autres modalités d'expression ont été exploitées comme la peinture ou encore la musique qui demeure le moyen le plus simple de s'exprimer

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