Commentaire De Spleen
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L’enfermement
L’enfermement, ce serait aussi ce sentiment que le Spleen gagne les habitations, les refuges possibles, puisqu’il touche aux « murs » (v 7), aux « plafonds » (v 8). Nous avons relevé le champ lexical de la prison au vers 5, mais celui-ci s’étend à la strophe suivante où nous relevons la métaphore « d’une vaste prison imite les barreaux » (v 10), avec enjambement sur les vers 9 et 10 et inversion du sujet qui place l’élément important, « les barreaux », en fin de vers.
Le ruissellement
Le Spleen, enfin, s’infiltre, il dégouline par la pluie, le ruissellement sur les fenêtres, « Quand la pluie étalant ses immenses traînées » (v 9), comme sur la ville, où le vers s’allonge par l’allitération en « l » et « m » et l’assonance en « an ». Cette pluie constitue également un élément actif, nous suggère le choix du verbe « verse » (v. 4) qui personnifie le Spleen et l’associe à une nature volontairement associée à l’ennui. Peut-être faudrait-il voir dans cette association une manière de combattre le romantisme dans son désir de communion avec la nature. Si la nature est ici au diapason, elle épouse plutôt l’angoisse et l’enfermement, elle enferme le poète et se distingue, de toutes parts.
B) L’attente
Une répétition de l’angoisse
L’anaphore « Quand » présente dans les trois premiers quatrains suggère en effet l’impossibilité d’échapper au Spleen qui se diffuse dans l’atmosphère et touche à tous ses supports « ciel », « terre », « pluie ». Mais elle rappelle, également, par sa répétition, l’ennui temporel de l’habitude, le rappel immuable du même évènement. Elle martèle l’attente.
Un rapprochement perceptible
Cette attente est reçue par le poète qui la constate, pourrions-nous dire, à l’extérieur, si nous nous référons aux champs lexicaux déjà observés de la terre, du ciel et de la pluie. Mais cette montée de l’angoisse passe également, de façon discrète, dans les premiers quatrains, par un sentiment intérieur qui cède à la description. Si le constat s’exerce sur le monde extérieur, il s’agit bien de « l’esprit gémissant » qui reçoit cette angoisse, dans un vers allongé par les assonances en « an » et « on », la labiale de l’adjectif qui rallonge encore un peu le vers, entourée d’une allitération en « l » et « s » : « Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis » (v 2). Ces « ennuis », au pluriel, s’allongent dans le vers comme ils imprègnent l’âme, ne laissant aucun répit. Notons également la coupure auditive du « p » en milieu de vers qui semble marquer une pause pour mieux finir de s’allonger. Cette « [longueur] » se trouve cependant associée à un autre terme au vers 17 « Et de longs corbillards », avec, à nouveau, l’allitération par les labiales « l ».
Le choix du pronom personnel « Il nous verse » (v. 4), puis de l’adjectif possessif « nos cerveaux » (v 12) englobe plusieurs personnes, dont le poète, qui s’inclut, observe et décrit le rapprochement.
Une vision englobante
Ce rapprochement se symbolise par une vision circulaire mais englobante du Spleen. Le champ lexical du « cercle » (v 3) est en effet exploité dans le premier quatrain par la métaphore du « couvercle » en vers 1, et figuré dans le second :
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris
L’espoir, renommé « Espérance » sous l’allégorie, se pare d’une comparaison, « chauve-souris », qui devient métaphore filée à mesure que sa prison s’annonce. Nul espoir d’envolée ici comme pour l’Albatros, la chauve-souris reste prisonnière, -nouveau rappel du champ lexical de l’enfermement-, des ces « murs », « plafonds », qui nous figurent une tombe, la sienne. Mais pas seulement. Si le verbe d’action « s’en va », se heurte aux participes présents « battant », « cognant », aux sonorités dures et à la signification plus douloureuse encore, il manifeste une autre symbolique, celle du poète, en proie au désespoir. « [Se cogner la tête] », si cela reste une conséquence de l’affolement animal, nous renvoie aussi à l’expression familière, « se cogner la tête contre les murs », image du poète en perte d’inspiration, ou à celui dont la douleur ne peut être apaisée que par une douleur plus grande encore.
Le poète reçoit en effet ce Spleen qui, bien que perçu en menace externe, s’avère mouvement de l’âme, enfermement et resserrement du cercle, se rétrécissant pour atteindre sa cible.
II) La crise
Le Spleen, diffus dans le monde alentours, se figure donc en cercle, marquant l’enfermement. Il atteint maintenant de plein fouet le poète.
A) L’abattement
Le moment de crise n’est cependant pas immédiat, il se rapproche doucement du poète.
le piège
Dans le troisième quatrain, le Spleen se manifestait déjà par l’usage à nouveau d’un déterminant possessif, « nos ».
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Mais l’image d’un « peuple muet d’infâmes araignées » croise celle du poète, le silence de l’attaque « peuple muet » pouvant s’entendre comme la perte d’inspiration, le choix du qualificatif péjoratif « infâmes », marquant également une adhésion du poète à son texte, une trace de son jugement. Quant aux « araignées », elles figurent bien sûr l’animal mais également le Spleen qui étreint le poète, son « [cerveau] » en proie aux affres du désespoir. Les « filets » tendus « au fond », c’est-à-dire jusque dans les moindres recoins, évoquent bien un enchevêtrement d’angoisse, les fils de Spleen comme ceux de la destinée. Le verbe « tendre », par ailleurs, suggère également l’idée d’un piège, les « filets » des pêcheurs prenant dans leurs mailles des animaux condamnés à mort.
L’attaque
À défaut de piège ou avec lui, ce sera à une attaque que le poète devra faire face. Le quatrième quatrain s’engage en effet par un déictique « tout à coup » qui marque implication du narrateur et force de l’attaque, sa soudaineté. Le premier choix lexical, « cloches », « hurlement » nous permet d’entendre le Spleen, et sous une forme violente. Notons l’adjectif « affreux » qui pose à nouveau un jugement du poète, renforçant l’aspect sinistre de ces bruits. Les verbes, « sautent », « lancent », des verbes de mouvement, personnifient les « cloches », qui semblent actionner d’elles-mêmes leur vacarme. Ces « cloches » sont perçues comme nombreuses, mot au pluriel, et indistinctes par le choix du déterminant indéfini, « Des cloches ». La comparaison se poursuit, l’attaque se concentrant sur les « esprits », c’est-à-dire, peut-on imaginer, sur le ou les poètes, ceux qui « sans patrie », appartiennent à la poésie et dont la réaction, de crainte, se choisit autour du verbe à connotation péjorative « geindre ». L’adverbe « opiniâtrement », dans sa prononciation, détache la diérèse, appuie sur le mot, renforce son intensité. Reste la réaction.
La défaite de l’esprit
Ce sera une défaite de l’esprit, une inclinaison sous la force de l’attaque, rapportée par le dernier quatrain comme finale du poème. Ce quatrain débute par un tiret, forme de conclusion, de constat, et marque au vers 19 de multiples coupes matérialisées par les virgules, scandant ainsi la respiration essoufflée du poète.
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Si l’esprit s’avoue vaincu, il le marque par une personnification des « corbillards », eux-mêmes symboliques de la mort, personnification jouant sur l’enjambement des vers 17 et 18. Le rythme est allongé par l’allitération en « l », perceptible sur les deux vers mais une coupe se remarque en fin de vers. En contre-rejet, « L’Espoir », allégorie, reçoit sa peine sous une double forme verbale « vaincu », « pleure », s’opposant à une autre allégorie, « l’Angoisse », en contradiction. « L’Angoisse », enfin, par gradation ascendante de ses adjectifs, matérialise sa victoire par l’achèvement du poète. La position de ce dernier « Sur mon crâne incliné », figure celle du condamné à mort dont la tête se glisse sous l’échafaud de la guillotine. Le poète est ainsi soumis à une force à laquelle il semble ne pouvoir s’opposer. Est-il pour autant « vaincu » comme l’énonce le poème ?
B) La victoire du poète ?
Le poète occupe en effet une position particulière, il est celui qui
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