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Commentaire Marivaux

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23)

L'intrigue.

A la suite d'une chasse, un prince tombe amoureux d'une charmante paysanne, Silvia, déjà fiancée à Arlequin. Il décide alors de les faire enlever tous deux et de les emmener dans son palais. Là, à force de plaisirs et d'honneurs, il espère bien parvenir à séparer le gentil couple, grâce à la ruse de ses serviteurs et particulièrement de l'une d'entre eux, Flaminia, qui va séduire Arlequin.

Si l'épilogue s'achève bien sur la nouvelle répartition des couples, souhaitée par le prince, il est en revanche plus difficile de parler de dénouement heureux sans fausse note.

Le problème de la mise en scène (ou la nouvelle vision pessimiste du XXè siècle)

La violence.

Il m'aime, crac, il m'enlève, sans me demander si je le trouverai bon. (I, 1)

L'indignation de Silvia révèle le climat de violence qui émaille la pièce, s'ouvrant peu après le rapt de la jeune paysanne. Cette violence est d'autant plus notoire que c'est le prince qui en est à l'origine.

Certes, il répugnera par la suite à l'employer mais les mots sont bien là : lorsque son officier lui dit :

Il n'y a qu'à réduire ce drôle-là, s'il ne veut pas (I, 2)

le prince lui répond :

Non, la loi qui veut que j'épouse une de mes sujettes me défend d'user de violence contre qui que ce soit.

Cette violence morale, qui vise à imposer ses sentiments, est également condamnable d'un point de vue politique. On peut ainsi faire une lecture pessimiste de cette œuvre, comme Pierre Lieure qui parle d' "une pièce affreuse sous des apparences délicieuses."

L'injustice

Cet enlèvement s'inscrit contre l'ordre politique : le prince devait assistance et protection à tous ses sujets et non abuser de son autorité :

Voyez la belle occasion de montrer que la justice est pour tout le monde,

lui rétorque Arlequin dans la scène 5 de l'acte III. Ici, Arlequin ose faire une leçon de morale et lui montre sa faute. En étant immoral et injuste, le prince perd sa dignité : les rôles sont renversés et le plus faible semble tout à coup plus grand.

« Je ne suis pas digne d'être fâché contre un prince, je suis trop petit pour cela. » : ces paroles d'Arlequin lui donnent un côté pathétique, d'autant plus que le prince n'a rien à craindre de lui, même s'il en éprouve des remords (« Il a raison et ses plaintes me touchent », dit-il à part).

L'ambiguïté des relations maître-serviteurs

Un Prince, en apparente position de force

Le prince semble au départ dominer le jeu : c'est lui qui est à l'origine de l'enlèvement. De plus, il dispose d'un véritable « arsenal » de corruptions, grâce à ses richesses et à son pouvoir. C'est ainsi, qu'il dit à Arlequin dans la scène 5 de l'acte III :

demande-moi tout ce que tu voudras, je t'offre tous les biens que tu pourras souhaiter.

Mais, même lorsqu'il offrira des titres de noblesse par l'intermédiaire d'un seigneur, il échouera à convaincre Arlequin : ce dernier rejette ainsi des compensations qui n'ont qu'une valeur illusoire par rapport à son amour beaucoup plus «vrai », plus spirituel pour Silvia (du moins tant qu'il croit l'aimer).

La domination effective des serviteurs sur leur maître (étude de la scène 2 de l'acte I)

L'étude de l'économie de la scène, c'est-à-dire de la répartition des répliques montre que les serviteurs obtiennent les plus longues et les plus nombreuses, étant supérieurs numériquement mais pas seulement : la scène se finit par leurs interventions successives et le départ du prince.

D'autre part, une certaine désinvolture est perceptible dans le comportement des domestiques. Trivelin dit ainsi à son prince qui lui demande une réponse :

Ce qu'elle dit, seigneur, ma foi, ce n'est pas la peine de le répéter, il n'y a rien encore qui mérite votre curiosité.

Les serviteurs se permettent donc de retenir des informations et de juger de la situation.

A son tour, Flaminia dépasse les limites de l'impertinence en soulignant l'infériorité du prince, par cette réplique osée:

J'ai déjà dit la même chose au prince

ou, plus loin,

je vous ai déjà dit...

Cela nous amène logiquement à attribuer une place très importante à ce personnage.

Le rôle primordial de Flaminia

Elle est tout d'abord l'instigatrice du complot, et coordonne les actions des autres :

Toi, Trivelin, va-t'en dire à ma sœur qu'elle tarde trop à venir.

Elle prend la responsabilité des opérations et s'impose face aux autres domestiques et surtout au prince, lorsqu'elle lui dit par exemple

je me charge du reste, pourvu que vous vouliez bien agir comme je voudrai.

De fait, on assiste à un véritable renversement des rôles, puisque la fadeur du prince s'efface devant l'intelligence de Flaminia ; celle-ci emploie par ailleurs plusieurs fois l'impératif : « continuons et ne songeons qu'à détruire l'amour de Silvia pour Arlequin ».

Finalement, le prince s'abandonne entièrement à elle et Flaminia obtient sa victoire de servante : « Faites donc à votre fantaisie » lui dira-t-il à la scène 9 de l'acte I).

Une critique implicite de la cour

Des coutumes ridiculisées

Tout au long de l'intrigue, la cour et ses usages subissent un discrédit par l'entremise de l'œil étonné d'Arlequin qui découvre ces coutumes. Cette dénonciation se réalise sur un mode parodique, dû au décalage du vocabulaire employé par Arlequin pour décrire ce qu'il ne comprend pas. Un passage de la scène 5 de l'acte II nous le prouve :

C'est que mon valet Trivelin, que je ne paye point,

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