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L'Europe et la protection sociale

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Par   •  16 Février 2023  •  Dissertation  •  3 194 Mots (13 Pages)  •  451 Vues

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Les sources européennes du droit de la protection sociale

Dissertation

Sujet : La nationalité constitue-t-elle un obstacle à la garantie des droits en matière de protection sociale ?

 Il y a aujourd’hui une nationalité européenne, comme il y avait au temps d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, une nationalité grecque », écrivait Victor Hugo dans son ouvrage de 1843 Les Burgraves. Si Hugo faisait probablement référence à cette époque aux cultures assez proches dont disposaient les Etats européens, il n’imaginait pas qu’un siècle et demi plus tard se développerait une Union Européenne, ensemble de 12 puis nationalités à la fois individuelles et interdépendantes.

Afin de mieux appréhender l’étude qui va suivre, il convient de rappeler la définition de la nationalité. Celle-ci correspond au « lien juridique et politique qui rattache une personne, physique ou morale, à un Etat » (Lexique des termes juridiques, Edition Dalloz 2018-2019, p. 713).  De façon générale, la nationalité ouvre un droit à la protection sociale par l’Etat pour ses ressortissants. Ce principe pourrait se définir comme l’ensemble des régimes et des mesures instaurés dans le but de protéger un groupe contre des charges et des risques identifiés dont les personnes peuvent faire face durant leur vie et contre lesquels elles ne disposent pas des ressources nécessaires pour les contrer.  

Les systèmes étatiques de protection sociale se sont développés individuellement dans chaque Etat. Suivant ainsi une logique de territorialité, ils n’avaient vocation qu’à s’appliquer au sein du territoire de l’Etat et uniquement pour ses ressortissants. La loi du 15 juillet 1893 portant sur l’assistance médicale gratuite suivait d’ailleurs ce raisonnement en énonçant que « tout français » sans ressource pouvait bénéficier d’une assistance médicale « de la commune, du département ou de l’Etat ». Parallèlement à la hausse progressive du secteur social dans les pays, la Communauté européenne s’est aussi développée petit à petit, en harmonisant les législations et en renforçant la coopération entre les Etats. De nombreux secteurs ont été touchés, et la mise en place de la libre circulation des personnes par la convention Schengen du 14 juin 1985 a eu des effets notables. En effet, cela a permis aux travailleurs des Etats membres de la CEE d’exercer librement leur activité dans un autre Etat membre. Par la suite, une directive du 28 juin 1990 a permis à ces travailleurs de résider dans un Etat membre différent du leur pour des raisons autres que professionnelles.

La liberté de circulation est aujourd’hui insérée dans les traités de l’Union Européenne (article 3 TUE et article 21 TFUE), ainsi qu’à l’article 45 de la Charte des droits fondamentaux. A l’échelle internationale, elle apparait dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen, en son treizième article. Ces dispositions donnent donc la possibilité à tous les citoyens dans le monde de s’établir, en principe, dans l’Etat qu’ils souhaitent. Cela pose néanmoins des problèmes d’ordre pratique quant à leur intégration dans le système de protection sociale de leur Etat d’accueil. Bien que l’article 22 de la DUDH dispose que « toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale », il semblerait que ce principe et la liberté de circulation entrainent des tensions quant à leur garantie conjointe. En effet, si un Etat accueillait sans limite tous les citoyens du monde sur son territoire, il ne serait pas en mesure de leur fournir à tous une protection sociale convenable. Des choix doivent donc s’opérer à l’échelle de chaque territoire étatique. Il en a donc découlé, au fil de l’Histoire, le postulat que les Etats privilégient leur nationaux et leur attribuent en priorité les prestations sociales. Pour autant, et notamment grâce à l’Union européenne, les étrangers n’ont jamais été totalement exclus des systèmes de protection sociale puisque, selon leur situation, certains droits leur sont ouverts et d’autres pas.

A partir de là, il semble légitime de se demander si la nationalité constitue un obstacle à la garantie des droits en matière de protection sociale.

Jusqu’aux années 1990, la nationalité était un critère, néanmoins restrictif et amoindri, d’accès à la protection sociale (I). A partir des années 1990, cette condition de nationalité s’est vue neutralisée au profit de nouveaux obstacles à la protection sociale, particulièrement face à un contexte d’immigration massive (II).

I. Un critère de nationalité restrictif puis amoindri dans l’accès à la protection sociale jusqu’aux années 1990

        La discrimination sur la nationalité a d’abord été appliquée, de façon inavouée, dans le cadre de la conception traditionnelle d’une protection sociale en faveur des nationaux (A). Au fur et à mesure du développement de l’Union Européenne, la jurisprudence a contribué de façon importante au déclin de cette discrimination qui était opérée (B).  

A)  Un critère de nationalité discriminatoire inavoué dans la conception traditionnelle d’une protection sociale en faveur des nationaux

Il peut être analysé que la protection sociale, dans ses prémices, ne prenait que très peu en compte les étrangers. A défaut d’être complétement exclus[1], des restrictions[2] ou un amoindrissement des prestations[3] aux personnes d’une autre nationalité. Caroline Izambert relevait pertinemment que le seul dispositif dans lequel les étrangers ont été inclus fut la vaccination antipoliomyélitique. Cependant, l’objectif poursuivi n’était pas de protéger la santé des étranges mais la sauvegarde de l’ordre public puisque, non vaccinés, ils étaient des potentiels diffuseurs de maladies[4]. Par ailleurs, bien que l’ordonnance de 1945[5] n’évoquait aucun critère de nationalité pour accéder à la Sécurité sociale, ce fut la loi du 22 mai 1946[6] qui énonça que des dispositions spéciales devraient être prise pour le cas des étrangers. Ces éléments prouvent ainsi que la nationalité était alors un critère discriminant, mais à l’époque inavoué, à l’égard de l’accès aux prestations sociales.

        Cette discrimination à l’encontre des étrangers peut être qualifiée d’inavouée puisqu’elle n’avait pas réellement été reconnue comme telle lors de la mise en application des mesures évoquées précédemment. En effet, bien que l’article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales proclame le principe de non-discrimination, notamment en ce qui concerne les origines, aucune opposition n’avait légalement été formulée. Il s’agissait pourtant d’une réelle discrimination puisqu’il était opéré une différence de traitement reposant sur un caractère distinctif : le fait d’être français ou non. Cela s’explique peut-être par le peu de personnes étrangères concernées alors par les mesures. Il faut attendre en effet le développement de la Communauté Européenne Economique, et la mise en place du principe de libre-circulation des personnes au sein de la Communauté pour que les travailleurs étrangers se multiplient dans les membres des communautés. Le juge européen a alors commencé à censurer des dispositions discriminatoires envers les étrangers, par exemple sur l’octroi d’allocations familiales[7], et plus tardivement sur un revenu minimum[8].

        Le juge, que ce soit dans le cadre national, du Conseil de l’Europe ou de l’Union Européenne, a apporté un degré de protection sans précédents aux étrangers, notamment travailleurs, et à contribuer au déclin de cette discrimination fondée sur la nationalité via l’affirmation du principe d’égalité.

B) Un principe d’égalité affirmé par le juge comme cause de déclin du critère de nationalité pour l’accès aux prestations sociales

La prohibition de mesures discriminatoires sur la nationalité concernant l’accès à la protection sociale avait d’abord été reconnue par la Cour de Justice des Communautés Européennes. Le juge exigeait alors une égalité de traitement pour tous les assurés sociaux qui se déplaçaient au sein de la communauté[9]. Cet arrêt ne concerne pas les travailleurs puisque la libre-circulation des personnes n’était qu’un des objectifs de la CEE, donc pas encore matériellement instaurée. Néanmoins, après l’accord Schengen sur la libre circulation et surtout le Traité de Maastricht instaurant la citoyenneté européenne, la CJUE a utilisé cette citoyenneté commune pour étendre les droits sociaux de ses bénéficiaires et instaurer un principe d’égalité au sein de la zone. C’est ce qui ressort de la jurisprudence Martinez Sala[10].

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