Le Paysan Du Danube

bler une innocente vie ?
Nous cultivons en paix d'heureux champs, et nos mains
Etaient propres aux arts ainsi qu'au labourage : Qu'avez-vous appris aux Germains ? Ils ont l'adresse et le courage ; S'ils avaient eu l'avidité, Comme vous, et la violence,Peut être en votre place ils auraient la puissance,Et sauraient en user sans inhumanité.
Celle que vos préteurs ont sur nous exercée
 N'entre qu'à peine en la pensée.
 La majesté de vos autels
 Elle-même en est offensée; Car sachez que les immortels
Ont les regards sur nous. Grâces à vos exemples,Ils n'ont devant les yeux que des objets d'horreur, De mépris d'eux et de leurs temples,D'avarice qui va jusques à la fureur.
Rien ne suffit aux gens qui nous viennent de Rome ; La terre, et le travail de l'homme
Font pour les assouvir des efforts superflus.
 Retirez-les ; on ne veut plus
 Cultiver pour eux les campagnes ;Nous quittons les cités, nous fuyons aux montagnes ; Nous laissons nos chères compagnes.
Nous ne conversons plus qu'avec des Ours affreux,Découragés de mettre au jour des malheureux,Et de peupler pour Rome un pays qu'elle opprime.
 Quant à nos enfants déjà nés
Nous souhaitons de voir leurs jours bientôt bornés :Vos préteurs au malheur nous font joindre le crime.
 Retirez-les ; ils ne nous apprendront
 Que la mollesse et que le vice.
 Les Germains comme eux deviendront
 Gens de rapine et d'avarice.
C'est tout ce que j'ai vu dans Rome à mon abord.
 N'a-t-on point de présent à faire ?
Point de pourpre à donner ? C'est en vain qu'on espère
Quelque refuge aux lois : encor leur ministère
A-t-il mille longueurs. Ce discours, un peu fort, Doit commencer à vous déplaire.
 Je finis. Punissez de mort
 Une plainte un peu trop sincère. »
A ces mots il se couche et chacun étonné
Admire le grand cœur, le bon sens, l'éloquence, Du sauvage ainsi prosterné.
On le créa Patrice ; et ce fut la vengeance
Qu'on crut qu'un tel discours méritait. On choisit
 D'autres Préteurs, et par écrit
Le Sénat demanda ce qu'avait dit cet homme,Pour servir de modèle aux parleurs à venir.
 On ne sut pas longtemps à Rome
 Cette éloquence entretenir. |

La Fontaine, Fables, (XI, 7), 1678

Préparation à l’analyse.

NB. 2 élèves seront interrogés pour présenter leur travail et seront notés

(évaluation pour le 2ème trimestre).

Préparez la présentation de la fable.

1. Il s’agit d’une fable, donc d’une forme d’apologue (récit plaisant à visée argumentative).

1. A quels vers correspond le récit proprement dit ? Qu’est-ce qui domine dans ce « récit » ?

2. Où se trouve la moralité ?

2. Le récit est composé d’… :

* Un portrait du paysan. Situez-le dans le texte. Analysez-le – cf. question sur corpus et correction.

* Un discours désigné comme une « harangue ». Rappelez- le sens précis de ce terme. Où se trouve le paysan ? à qui s’adresse-t-il ?

* Ce discours est composé d’un exorde. Situez-le et dites quelle est sa fonction.

* Le discours vous paraît-il reposer sur l’art de convaincre ou de persuader ? Choisissez et justifiez votre réponse.

3. Le fabuliste intervient directement dans la moralité. Comment ? Trouvez un passage (au moins) du récit dans lequel il intervient encore. Montrez ainsi que le paysan est son porte-parole.

4. Quel est l’enjeu de la fable ? Selon la moralité ? Pour ce Germain ? L’enjeu de la fable coïncide-t-il exactement avec la moralité, selon vous ?

Lisez le texte-écho de Cicéron et justifiez un rapprochement possible.

Fiche

Le discours oratoire.

La rhétorique consiste à « prouver la vérité de ce qu'on affirme, se concilier la bienveillance des auditeurs, éveiller en eux toutes les émotions qui sont utiles à la cause », Cicéron.

Il s’agit de :

1. Convaincre (logos)

2. Persuader. Par exemple, des questions choc peuvent provoquer le plaisir ou le déplaisir ; mais et l’émotion qu'elles engendrent comme l'amour et la haine doivent retenir l’intérêt et bouleverser (= faire changer d’avis) l’auditeur. (pathos)

3. Mettre en valeur la crédibilité de l’orateur, ses vertus, ses mœurs exemplaires (ethos).

Le discours oratoire commence par un exorde, dont dépend le succès de tout le discours ; il a pour objectif de capter l’attention des auditeurs sur le sujet et de se concilier leur bienveillance.

Ici, l’exorde est brusque ou ex abrupto (cf. les Catilinaires, Cicéron)

Fiche.

Le Sénat romain

C’est une institution politique de la Rome antique. Il est à son apogée à l’époque de la République, et il décline à l’avènement de l’empire (1er empereur Auguste – 27 av JC).

Les premières familles romaines forment des gentes. Les patres (ou chefs de ces familles nobles) constituent à l’origine les premiers sénateurs. Leurs descendants sont les Patrices ou Patriciens.

Le prestige du Sénat sous la République est éminent. Avant chaque assemblée, un sacrifice aux dieux est fait et sa fonction est donc autant religieuse que politique.

Les discours de certains sénateurs sont des modèles d’éloquence rhétorique – Cicéron est l’un des plus fameux orateurs ; ses discours sont passés à la postérité comme des modèles d’éloquence et d’art oratoire. Cf. texte écho.

Texte écho…

(Les Catilinaires sont une série de quatre célèbres discours de Cicéron, prononcés en 63 av JC. Ils visent à attaquer un homme, Catilina, qui conspirait contre la République Romaine.

Le premier fut prononcé dans un temple, les deux suivants sur le forum, devant tout le peuple romain et le dernier au Sénat.

Ils sont devenus un modèle de l’art oratoire de combat, par leur gravité, leur efficacité et leur virulence – dimension polémique.)

Jusques à quand abuseras-tu de notre patience, Catilina ? Combien de temps encore serons-nous ainsi le jouet de ta fureur ? Où s'arrêteront les emportements de cette audace effrénée ? Ni la garde qui veille la nuit sur le mont Palatin, ni les postes répandus dans la ville, ni l'effroi du peuple, ni le concours de tous les bons citoyens, ni le choix, pour la réunion du sénat, de ce lieu le plus sûr de tous ni les regards ni le visage de ceux qui t'entourent, rien ne te déconcerte ? Tu ne sens pas que tes projets sont dévoilés ? Tu ne vois pas que ta conjuration reste impuissante, dès que nous en avons tous le secret ? Penses-tu qu'un seul de nous ignore ce que tu as fait la nuit dernière et la nuit précédente, où tu es allé, quels hommes tu as réunis, quelles résolutions