Discours De La Servitude Volontaire
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Cet ouvrage est paru en 1549. Le Prince de Machiavel est paru en 1513. La Renaissance bat son plein en Europe et les auteurs politiques commencent à s'exprimer.
La Boétie est né à Sarlat, à 30 km de chez moi, en Périgord noir (Dordogne). Sa maison existe toujours dans la vieille ville. Les touristes peuvent la visiter.
Claude Ovtcharenko,
Journaliste à la retraite, bénévole.
Le Discours de la servitude ou Le Contr’Un (1549)
Présentation de l’oeuvre
Encyclopédie Wikipedia
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Le Discours de la servitude volontaire ou le Contr'un[->2] est un court réquisitoire contre l'absolutisme[->3] qui étonne par son érudition et par sa profondeur, alors qu'il est censé être rédigé par un jeune homme d'à peine 18 ans. Montaigne[->4] cherche à en connaître l'auteur : de sa rencontre avec La Boétie naît alors une amitié qui va durer jusqu'à la mort de ce dernier.
Le texte de La Boétie pose la question de la légitimité de toute autorité sur une population et essaie d'analyser les raisons de la soumission de celle-ci (rapport domination / servitude). Il préfigure ainsi la théorisation du contrat social[->5] et invite le lecteur à une vigilance de tous les instants avec la liberté[->6] en ligne de mire. Les nombreux exemples tirés de l'Antiquité[->7] qui, comme de coutume à l'époque, illustrent son texte lui permettent de critiquer, sous couvert d'érudition, la situation politique[->8] de son temps. Si La Boétie est toujours resté, par ses fonctions, serviteur fidèle de l'ordre public, il est cependant considéré par beaucoup comme un précurseur intellectuel de l'anarchisme[->9].
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Étienne_de_La_Boétie
LE DISCOURS
DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE
OU LE CONTR’UN*1549 à l’âge de 19 ans, première publication en 1576[->10]
Étienne de La Boétie
(Sarlat [Dordogne – France],
1er novembre 1530 – Germignan, 18 août 1563)
Manuscrit de Mesme
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Transcription
par Charles Teste (1836)
Avant-propos
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Un mot, frère lecteur, qui que tu sois, et quelles que puissent être d’ailleurs ta position ici-bas et tes opinions personnelles ; car, bien que d’ordinaire et proverbialement parlant, tous les frères ne soient pas cousins, toujours est-il qu’en dépit de la distribution si bizarrement faite dans ce monde des titres et des calomnies, des décorations et des emprisonnements, des privilèges et des interdictions, des richesses et de la misère, il faut bien, malgré tout, reconnaître que, pris ensemble (in globo), nous sommes tous naturellement et chrétiennement frères. Lamennais l’a dit et prouvé, en termes si éloquents, si admirables, que jamais, non jamais, cette tant maudite machine qu’on appelle presse, ne pourra trop les reproduire.
Ne pense donc pas que ce soit pour t’amadouer que je débute ainsi, dans cet avant-propos, en t’apostrophant du nom de frère. La flatterie n’est pas mon fort et bien m’en a déjà cuit de ma franchise, dans ce siècle de duplicité et de mensonges. Bien m’en cuira peut-être encore d’ajouter au livre, qui n’est pas mien, et que j’entreprends, trop témérairement sans doute, de rajeunir pour donner un plus libre cours aux vieilles, mais indestructibles vérités qu’il renferme.
Je voudrais pouvoir te faire comprendre tout mon embarras dans l’exécution de ce dessein que j’ai médité longtemps avant d’oser l’accomplir. Je suis déjà vieux, et n’ai jamais rien produit. Suis-je plus bête que tant d’autres qui ont écrit des volumes où l’on ne trouve pas même une idée ? je ne le crois pas. Mais sans avoir jamais reçu d’instruction dans aucune école, ni aucun collège, je me suis formé de moi-même par la lecture. Heureusement, les mauvais livres n’eurent jamais d’attraits pour moi, et le hasard me servit si bien que jamais aussi, d’autres que les bons ne tombèrent sous ma main. Ce que j’y trouvai me rendit insupportables toutes les fadaises, niaiseries ou turpitudes qui abondent dans le plus grand nombre. J’ai pris du goût pour ces moralistes anciens qui ont écrit tant de bonnes et belles choses, en style si naïf, si franc, si entraînant, qu’il faut s’étonner que leurs œuvres, qui pourtant ont eu leur effet, n’en aient pas produit davantage. Le nouveau, dans les écrits du jour, ne m’a plu, parce que, selon moi, ce n’est pas du nouveau, et qu’en effet, dans les meilleurs, rien ne s’y trouve qui n’ait été déjà dit et beaucoup mieux par nos bons devanciers. Pourquoi donc faire du neuf, quand le vieux est si bon, si clair et si net, me disais-je toujours ? Pourquoi ne pas lire ceux-là ; ils me plaisent tant à moi ; comment se fait-il qu’ils ne plaisent de même à tout le monde ? Quelque fois il m’a pris envie, par essai seulement, d’en lire quelques passages à ces pauvres gens qui ont le malheur de ne pas savoir lire. J’ai été enchanté de cette épreuve. Il fallait voir comme ils s’ébahissaient à les ouïr. C’était pour eux un vrai régal que cette lecture. Ils la savouraient au mieux. C’est qu’à la vérité, j’avais soin de leur expliquer, aussi bien qu’il m’était possible, le vrai sens caché parfois sous ce vieux langage malheureusement passé de mode. Telle est l’origine de la fantaisie qui me prend aujourd’hui.
Mais combien de fois, tout résolu que j’étais dans ce dessein, j’ai dû abandonner l’œuvre, parce qu’en effet, je m’apercevais à chaque pas que je gâtais l’ouvrage, et, qu’en voulant badigeonner la maison, je la dégradais. Aussi, lecteur, tu ne me sauras jamais assez de gré de ma peine dans l’exécution d’un travail si ingrat où je n’ai persisté que par dévoûment, car j’ai l’intime conviction que le mets que je t’offre est bien inférieur, par cela seul que je l’ai arrangé à ton goût. C’était pour moi un vrai crève-cœur semblable à celui que doit éprouver un tailleur qui, plein d’enthousiasme et d’engoûment pour ces beaux costumes grecs et romains que le grand Talma a mis en si bonne vogue sur notre théâtre, est obligé, pour satisfaire à la capricieuse mode, de tailler et symétriser les mesquins habillements dont nous nous accoutrons. Encore celui-là nous en donne-t-il pour notre argent ; il fait son métier pour vivre, et moi je n’ai entrepris cette fatiguante et pénible transformation que pour ton utilité. Je ne regretterai ni mon temps, ni ma peine, si j’atteins ce but qui est et sera toujours mon unique pensée.
Au lieu de m’étendre si longtemps sur ce point où la bonne intention suffisait, ce me semble, pour justifier le téméraire méfait, j’aurais dû te parler, me diras-tu peut-être, du mérite de l’auteur dont je viens t’offrir l’antique enfant drapé à la moderne : Faire son apologie, vanter ses talents, prôner ses vertus, exalter sa gloire, encenser son image, c’est là ce que font chaque jour nos habiles de l’Institut, non envers leurs confrères vivants, car l’envie les entre-dévore, mais envers les défunts. C’est la tâche obligée de chaque immortel nouveau-né pour l’immortel trépassé, lors de son entrée dans ce prétendu temple des sciences où viennent s’enfouir plutôt que s’entre-nourrir les talents en tous genres, et qu’on pourrait appeler à plus juste titre le campo santo *(* C’est ainsi qu’on nomme ordinairement les cimetières dans presque toute l’Italie. Celui de Naples est remarquable par sa singularité. Il est composé de 366 fosses très profondes. Chaque jour on en ouvre une, on y jette pêle-mêle, après les avoir dépouillés, les cadavres de ceux qui sont morts la veille, et le soir cette fosse est hermétiquement fermée pour n’être plus r’ouverte que le même jour de l’année suivante. Ceux qui ont assisté à cette réouverture assurent que, durant cette période, le terrain a entièrement dévoré les cadavres ensevelis et qu’il n’en reste plus aucun vestige.) de nos gloire littéraires. Mais serait-ce à moi, chétif, d’imiter ces faiseurs de belles phrases, ces fabricants d’éloges de commande qu’ils débitent si emphatiquement ? Ce n’est pas que je n’eusse un plus beau thème qu’eux, car je pourrais, en deux mots, te faire le portrait de mon auteur, et te dire en style non-académique, mais laconien : « Il vécut en Caton et mourut en Socrate. » Mais entrer dans d’autres détails, je ne le pourrais, et quel que fut l’art que je misse à te parler de ce bon Estienne de La Boétie, je serais toujours fort au-dessous de mon sujet. Je préfère donc te le faire connaître en te rappelant tout simplement ce qu’en a dit-on tant bon ami Montaigne dans son chapitre : de l’Amitié, et en reproduisant ici, par extrait, quelques-uns des lettres où ce grand génie, ce profond moraliste, ce sage philosophe
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