Décision Boivin c. 34 etats membres du conseil de l’Europe
Recherche de Documents : Décision Boivin c. 34 etats membres du conseil de l’Europe. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresoncours. A l'issue d'un concours spécifique, le poste fut de nouveau attribué au requérant. Cependant, le même fonctionnaire contesta de nouveau la nomination du requérant au motif que celle-ci n'avait pas été dûment motivée, et en obtint l'annulation. Une nouvelle procédure visant à pourvoir le poste fut engagée. Toutefois, le requérant ne fut pas retenu sur la liste d'aptitude établie par le nouveau jury. En conséquence, le Directeur général d'Eurocontrol décida de ne pas attribuer le poste à l'intéressé. Le 18 janvier 1999, le directeur des ressources humaines de l'organisation adressa une lettre au requérant dans laquelle il l'avisait de la cessation de ses fonctions à compter du 31 janvier 1999 et l'invitait à se mettre en rapport avec le service juridique en vue de discuter d'une indemnisation. Après avoir présenté plusieurs réclamations administratives, le requérant saisit le Tribunal administratif de l'Organisation internationale du travail (TAOIT, qui a compétence exclusive pour statuer sur tous les conflits entre Eurocontrol et son personnel), en vue de contester l'annulation de sa nomination et demander réparation du préjudice subi. Par un jugement du 3 novembre 2000 (notifié au requérant le 12 février 2001), le TAOIT, estimant que la procédure de recrutement n'était entachée d'aucun vice, valida les décisions annulant la nomination du requérant. Relevant toutefois qu'Eurocontrol avait « violé son obligation de tenir [le requérant] indemne du préjudice que lui avait causé l'engagement qu'il avait accepté de bonne foi », le TAOIT accueillit partiellement la demande d'indemnisation de l'intéressé et lui accorda un montant de 220 000 euros (EUR) à titre de réparation.
DÉCISION BOIVIN c. FRANCE ET BELGIQUE ET 32 ETATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE
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B. Le droit pertinent La Convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne (« Convention Eurocontrol »), signée à Bruxelles le 13 décembre 1960, institue, dans son article 1, l'Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (Eurocontrol) en vue d'harmoniser la gestion de la navigation aérienne en Europe. L'article 4 de la Convention Eurocontrol dispose que « l'Organisation a la personnalité juridique ». Aux termes de l'article 12 § 2 du Statut d'Eurocontrol, annexé à la Convention Eurocontrol, le TAOIT est « seul compétent pour connaître des litiges entre l'Organisation et son personnel, à l'exclusion de toute autre juridiction, nationale ou internationale ». L'Organisation internationale du Travail, fondée en 1919 sous l'appellation « Bureau international du Travail », est depuis 1946 une agence tripartite de l'Organisation des Nations unies qui rassemble les gouvernements, employeurs et travailleurs de ses Etats membres. Son tribunal administratif connaît des requêtes formées par les fonctionnaires ou anciens fonctionnaires de l'Organisation et des autres organisations internationales qui ont reconnu sa compétence juridictionnelle. Les dispositions du Statut du TAOIT pertinentes en l'espèce sont les suivantes :
Article II « (...) 5. Le Tribunal connaît en outre des requêtes invoquant l'inobservation, soit quant au fond, soit quant à la forme, des stipulations du contrat d'engagement des fonctionnaires ou des dispositions du Statut du personnel des autres organisations internationales satisfaisant aux critères définis à l'annexe au présent Statut qui auront adressé au Directeur général une déclaration reconnaissant, conformément à leur Constitution ou à leurs règles administratives internes, la compétence du Tribunal à l'effet ci-dessus, de même que ses règles de procédure, et qui auront été agréées par le Conseil d'administration. » Article VI « 1. Le Tribunal statue à la majorité des voix ; ses jugements sont définitifs et sans appel. 2. Tout jugement doit être motivé. II sera communiqué par écrit au Directeur général du Bureau international du Travail et au requérant. (...) »
L'article XII, paragraphe 1, de l'annexe au Statut du TAOIT se lit ainsi :
« Au cas où le Conseil exécutif d'une organisation internationale ayant fait la déclaration prévue à l'article II, paragraphe 5, du Statut du Tribunal conteste une décision du Tribunal affirmant sa compétence ou considère qu'une décision dudit Tribunal est viciée par une faute essentielle dans la procédure suivie, la question de la validité de la décision rendue par le Tribunal sera soumise par ledit Conseil exécutif, pour avis consultatif, à la Cour internationale de justice. »
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DÉCISION BOIVIN c. 34 ETATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE
GRIEFS
Invoquant les articles 6 § 1, 13 et 14 de la Convention, le requérant observe qu'Eurocontrol disposait d'un recours, limité à certaines questions de droit, devant la Cour internationale de justice, alors que lui-même n'avait pas cette faculté. Il allègue en outre au regard de l'article 13 que le TAOIT n'a pas répondu à l'ensemble de ses moyens ni examiné effectivement son recours en indemnisation. Par ailleurs, il se plaint sur le terrain de l'article 6 de la motivation selon lui insuffisante du jugement du TAOIT. Enfin, il conteste le montant des dédommagements alloués, alléguant que la décision du TAOIT relative à sa demande d'indemnisation a emporté violation de son droit à obtenir une réparation complète du préjudice subi, en violation de l'article 1 du Protocole no 1.
EN DROIT
1. A l'origine, la requête n'était dirigée que contre la Belgique et la France. Le 4 novembre 2005, le requérant a élargi sa requête à 32 autres Hautes Parties contractantes. Cependant, la « décision définitive » au sens de l'article 35 de la Convention est en l'espèce le jugement du TAOIT rendu le 3 novembre 2000 et notifié au requérant le 12 février 2001. Partant, la Cour constate que les griefs du requérant, en tant qu'ils sont dirigés contre ces 32 Etats, sont irrecevables pour non-respect du délai de six mois prévu à l'article 35 § 1 de la Convention, et doivent être rejetés en application de l'article 35 § 4. 2. Quant aux griefs dirigés contre la Belgique et la France, la Cour estime qu'il convient de les examiner à la lumière des principes qu'elle a dégagés dans les affaires où elle a été amenée à rechercher si la responsabilité d'Etats parties à la Convention pouvait être engagée au regard de celle-ci en raison d'actions ou d'omissions tenant à l'appartenance de ces Etats à une organisation internationale. Ces principes ont été rappelés et développés en dernier lieu dans les affaires Bosphorus (Bosphorus Hava Yolları Turizm ve Ticaret Anonim Şirketi dite « Bosphorus Airways » c. Irlande ([GC], no 45036/98, CEDH 2005-VI), Behrami et Behrami c. France ((déc.) [GC], no 71412/01, 31 mai 2007), et Saramati c. Allemagne, France et Norvège ((déc.) [GC], no 78166/01, 31 mai 2007). Les passages pertinents de l'arrêt Bosphorus se lisent ainsi (§§ 152-156) :
« 152. D'une part, la Convention n'interdit pas aux Parties contractantes de transférer des pouvoirs souverains à une organisation internationale (y compris
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supranationale) à des fins de coopération dans certains domaines d'activité (M. & Co., décision précitée, p. 152, et Matthews, [[GC], no 24833/94, CEDH 1999-I], § 32). En outre, même en tant que détentrice des pouvoirs souverains ainsi transférés, l'organisation internationale concernée ne peut, tant qu'elle n'est pas partie à la Convention, voir sa responsabilité engagée au titre de celle-ci pour les procédures conduites devant ses organes ou les décisions rendues par eux (Confédération française démocratique du travail c. Communautés européennes, no 8030/77, décision de la Commission du 10 juillet 1978, DR 13, p. 231, Dufay c. Communautés européennes, no 13539/88, décision de la Commission du 19 janvier 1989, non publiée, M. & Co., décision précitée, p. 152, et Matthews, arrêt précité, § 32). 153. D'autre part, la Cour a également jugé que les Parties contractantes sont responsables au titre de l'article 1 de la Convention de tous les actes et omissions de leurs organes, qu'ils découlent du droit interne ou de la nécessité d'observer des obligations juridiques internationales. Ledit texte ne fait aucune distinction quant au type de normes ou de mesures en cause et ne soustrait aucune partie de la « juridiction » des Parties contractantes à l'empire de la Convention (Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie, arrêt du 30 janvier 1998, Recueil 1998-I, pp. 17-18, § 29). 154. Lorsqu'elle tente de concilier ces deux aspects et d'établir, ce faisant, dans quelle mesure il est possible de justifier l'acte d'un Etat par le respect des obligations découlant pour lui de son appartenance à une organisation internationale à laquelle il a transféré une partie de sa souveraineté, la
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