Extrait Spinoza, Traité de la réforme de l'entendement
Commentaire de texte : Extrait Spinoza, Traité de la réforme de l'entendement. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Sora29 • 28 Janvier 2022 • Commentaire de texte • 2 849 Mots (12 Pages) • 654 Vues
CAROFF Antoine OPTION PHILOSOPHIE 03/11/2015
COMMENTAIRE DE TEXTE :
Spinoza, Traité de la réforme de l’entendement, B 30 – B 32, Trad. B. Rousset, Ed. Vrin, pp. 55-58
Après avoir effectué, dans les premières pages du Traité de la réforme de l’entendement, une longue distinction entre les biens communément recherchés par les hommes, qu’il définit comme des maux certains, et le souverain bien qui, bien qu’incertain à la fois dans la possibilité de son existence et dans la possibilité pour l’homme de l’atteindre, reste par nature un bien certain ; après avoir ainsi démontré la nécessité de réformer l’entendement afin de pouvoir espérer parvenir à ce bien suprême, facteur d’une joie incessante et souveraine, Spinoza entame, à partir de la section 30, une nouvelle partie, un seconde moment de sa progression philosophique : la définition d’une méthode, plus précisément de « la meilleure Méthode », celle qui permettra, de la manière la plus sûre et la plus efficace possible, de réformer l’entendement.
Avant de pouvoir précisément définir cette meilleure méthode possible, l’auteur, se demandant d’abord comment la trouver, de quelle manière s’y prendre pour la déterminer théoriquement, s’efforce dans les sections 30 à 32 de répondre à la question du point de départ de cette méthode recherchée : d’où la méthode d’investigation du vrai, qui rendra possible la réforme de l’entendement, partira-t-elle ? Où trouver sa source, l’endroit d’où commencera sa démarche ?
Afin d’éclaircir ce point, Spinoza procède, dans ce passage, en deux temps, chacune de ces deux parties pouvant elle-même se diviser en deux sous-parties. Il utilise ici un raisonnement par la négation, s’attachant d’abord à montrer ce que le point de départ de la méthode ne peut pas être, pour mieux définir ensuite ce qu’il est. En effet, dans un premier moment (du début du texte jusqu’à la ligne 16), l’auteur nous montre la voie à ne pas suivre, nous explique ce qu’il ne faut pas faire, « pour que soit trouvée la meilleure Méthode » : partant de la démarche théorique de recherche de la Méthode (première sous-partie, de la ligne 1 à la ligne 9), qu’il compare ensuite à l’exemple pratique de la production d’ « instruments matériels » (deuxième sous-partie, de la ligne 10 à la ligne 16), il démontre, par le biais d’un raisonnement par l’absurde, que la méthode de connaissance du vrai ne peut être déterminée grâce à une autre méthode et qu’ainsi son point de départ ne peut être considéré comme quelque chose d’acquis par l’homme. Bien au contraire, en partant de ce rejet d’un point de départ de la méthode qui devrait être acquis, Spinoza affirme d’autant plus logiquement, dans un second temps (de la ligne 16 à la fin du texte), le caractère inné de ce lieu d’origine de la méthode recherchée, repartant de l’analogie précédemment introduite entre le cas pratique de la fabrication d’objets (premier moment de la deuxième partie, de la ligne 16 à la ligne 22) et le fonctionnement théorique de l’entendement (second moment, de la ligne 22 à la ligne 31).
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Dès le début du texte, Spinoza révèle la tâche qui, à ce moment du Traité, survient dans la progression philosophique vers la réforme de l’entendement. Ayant déterminé dans les pages précédentes le mode de connaissance « nécessaire » à l’entendement pour pouvoir être réformé, à savoir une perception des choses à travers leur seule essence ou à travers la connaissance de leur principe causal, mode de perception qui, seul, permet à l’esprit de saisir l’essence adéquate de la chose perçue avec certitude, c’est-à-dire sans aucun risque d’erreur quant à la perception et la connaissance de cette essence, l’auteur en arrive, dans les premières lignes de notre extrait, à l’étape suivante du cheminement de l’esprit vers sa propre réforme : déterminer le chemin à emprunter, la voie à suivre, la méthode à appliquer, afin que l’esprit puisse connaître, par le mode de perception précédemment retenu, les choses qu’il est nécessaire de connaître pour atteindre le souverain bien. Dans cette démarche de détermination de « la meilleure Méthode d’investigation du vrai», une première règle s’impose, nécessaire à la découverte d’une telle Méthode (comme le montre l’emploi de la subordonnée « Pour que cela se fasse »), et qui marque le premier temps du raisonnement de l’auteur : ce qu’il est primordial de comprendre, avant toute chose (« d’abord »), c’est que cette méthode d’investigation du vrai n’est pas acquise ou à acquérir par l’homme. En effet, si tel était le cas, si une telle méthode était non pas connue de manière innée mais bien plutôt à acquérir, alors il faudrait nécessairement à l’homme une deuxième méthode pour progresser jusqu’à l’acquisition de la première méthode recherchée, et pour acquérir cette deuxième méthode, il faudrait alors une troisième méthode, et l’esprit s’égarerait ainsi de méthode en méthode, la recherche d’une méthode nécessitant toujours la détermination d’une autre méthode pour y parvenir, et cela de manière indéfinie. C’est donc en quelque sorte un raisonnement par l’absurde qu’utilise l’auteur dans ce premier moment de la première partie : si l’on admettait que la méthode d’investigation du vrai n’est pas innée à l’esprit mais qu’elle doit au contraire être recherchée et acquise par l’homme, on se verrait alors entraîné dans un raisonnement sans fin, dans la recherche interminable et donc absurde d’une méthode à déterminer par une méthode, elle-même recherchée par le biais d’une autre méthode, et ainsi de suite. Ne pouvant, par un tel raisonnement et une telle démarche de recherche de « la meilleure Méthode d’investigation du vrai », jamais parvenir « à la connaissance du vrai », ni même « à aucune connaissance », il s’ensuit déjà l’idée, dans cette première sous-partie, que le point de départ de la méthode recherchée ne sera pas un point d’arrivée auquel il s’agira de parvenir, ni quelque chose à atteindre ou à acquérir par une autre méthode déterminée, mais bien plus quelque chose d’inné.
Afin d’appuyer cette première indication de la démarche à suivre - ou plutôt, ici, à ne pas suivre -, Spinoza reprend, dans un deuxième temps de la première partie, le mode de raisonnement par l’absurde qu’il vient d’utiliser, à travers l’introduction d’une analogie qui met sur le même plan la détermination d’une méthode de connaissance du vrai et la fabrication d’ « instruments matériels » - comparaison qu’introduisent les lignes 10 et 11 de notre extrait. L’auteur justifie cette analogie entre recherche théorique et création pratique en l’expliquant (« Car ») à travers l’exemple du « fer » et du « marteau » : si l’on pense que tout instrument matériel est toujours acquis, donc qu’aucun outil n’est possédé par l’homme de manière innée, on en déduit logiquement que tout outil, étant acquis, doit nécessairement l’être par un autre outil, lui-même nécessairement acquis à l’aide d’un outil précédemment possédé, lui-même produit par un outil acquis antérieurement, etc. De cette manière, on ne fera que montrer qu’il est impossible de produire l’outil visé – ici, par exemple, le fer – dans la mesure où l’instrument qu’il cherche alors à produire nécessite toujours l’acquisition d’un instrument antérieur lui-même acquis seulement grâce à un autre instrument encore plus ancien, et toujours indéfiniment. C’est alors bien « en vain » que l’on s’efforce de démontrer que, par exemple, l’homme ne peut forger le fer, puisque l’on s’aperçoit dans les faits qu’une telle théorie est rejetée : en fait, l’homme est capable de forger le fer. Par conséquent, le raisonnement d’abord utilisé en exemple par l’auteur apparaît absurde, donc « vain ». En montrant que, dès lors qu’on suppose que le point de départ de la méthode permettant d’atteindre le but recherché – le souverain bien dans la recherche théorique, la production du fer dans l’exemple pratique – doit être acquis et non inné, le but recherché ne peut être atteint, Spinoza démontre de manière logique qu’un tel raisonnement est « vain » et que là n’est pas la démarche à suivre dans la recherche de la meilleure méthode d’investigation du vrai. Dans l’optique de cette démarche, c’est donc le chemin à ne pas emprunter qui est d’abord indiqué ici : il ne faut pas penser que la méthode d’investigation du vrai doit être acquise par une autre méthode, car alors on ne parviendrait jamais à la méthode que l’on recherche. De toute évidence, cette première partie sert un but dialectique : c’est en indiquant d’abord la voie à ne pas suivre que l’on va pouvoir ensuite mieux démontrer la bonne voie de recherche de la meilleure méthode. Ayant démontré que le point de départ de cette méthode ne peut être quelque chose d’acquis, Spinoza en arrive à démontrer, dans un second moment, qu’il est en réalité inné : la meilleure méthode d’investigation du vrai prend sa source dans les instruments innés de l’entendement.
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