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La Démocratie En Amerique Tocqueville

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ouvent donc leur

origine dans la volonté majoritaire. Ce que le plus grand nombre a voulu est

juste parce que cette décision fut prise librement et entre égaux.

B. Le refus de sacraliser la règle majoritaire

Or la deuxième thèse du texte relativise ce principe. Tocqueville juge même

« détestable » la maxime qui donne à la majorité « le droit de tout faire ».

Cela peut surprendre. Puisque la volonté de la plus grande partie des

citoyens est l’instance qui fonde les pouvoirs d’une nation, il semble logique

d’admettre que cette souveraineté est absolue. Ce qu’un peuple a décidé

ne connaît pas de tribunal supérieur à celui de sa volonté. On comprend

que Tocqueville se demande s’il ne se contredit pas. La résolution de cette

difficulté exige qu’il montre l’existence d’une autre souveraineté que celle

de la nation. Quelle est-elle ? où puise-t-elle son autorité ?

[Transition]

Remarquons immédiatement que Tocqueville ne rejette pas le principe

démocratique, mais entend tracer ses limites. Les deux thèses ne sont donc

pas inconciliables.

2. Résolution du problème (« Une nation » jusqu’à

« les lois »)

A. La loi générale de justice

Dans un premier temps, Tocqueville se réfère à une « loi générale » de justice,

qui n’a pas été « faite » mais « adoptée » par « la majorité de tous les

hommes ». Ces termes sont décisifs. Tout d’abord, nous notons que l’idée

de majorité est toujours présente, mais qu’elle change de contenu. Il ne

s’agit plus d’un peuple particulier, mais de l’ensemble des membres du

genre humain. Tocqueville conserve donc l’idée démocratique, mais il lui

donne pour référence la communauté formée par tous les hommes. Il parle

de « société universelle » pour indiquer que cette assemblée est plus importante

que celles formées par les sociétés particulières. C’est donc au nom

même du principe du plus grand nombre que les majorités formées par les

différentes nations doivent s’incliner devant celle constituée par la totalité

des humains. Cette origine supérieure permet de dire que cette loi n’est pas

identique aux autres. Les hommes font des règles, c’est-à-dire les écrivent et

les votent en suivant des procédures dont le détail varie selon les pays. La

volonté de la majorité impose ces lois, qui forment le droit dit positif.

Mais la loi générale n’est pas le fruit d’une telle démarche car elle est celle

du genre humain. Les hommes l’ont découverte, et la majorité d’entre eux a

reconnu qu’elle devait guider leurs actes. Le terme d’adoption signifie que

cette loi existait avant toute décision législative particulière, comme un

enfant que l’on adopte n’est pas un enfant que l’on a soi-même fait. Nous

comprenons donc que la majorité des hommes a pris conscience de l’existence

de règles universelles qui interdisent le vol, le meurtre, et proscrivent

les discriminations. Tocqueville peut ainsi écrire que cette justice « borne »

le droit de chaque peuple car l’universel est supérieur au particulier.

B. La théorie de la représentation

La suite de la partie renforce cette idée. Tocqueville compare chaque nation

à un jury. Cette métaphore judiciaire a une double signification. Elle reconnaît

en premier lieu le droit des peuples à juger par eux-mêmes de ce qu’ils

estiment bons pour eux. Un jury est en droit souverain. Cependant, sa souveraineté

provient de celle du peuple dont il est le représentant. Ce point est

capital. Représenter signifie exercer une autorité parce qu’on y a été autorisé

par ceux que l’on représente. Ce rapport permet de donner une unité et

une stabilité à un groupe d’individus. L’exercice du pouvoir est délégué à

certains, moyennant des procédures codifiées. Il s’ensuit que les gouvernants

doivent se conformer à un mandat défini, et qu’ils ne sont légitimes

que parce qu’ils commandent en vertu d’une décision majoritaire. Tocqueville

tisse alors une analogie. Il affirme que chaque nation est à l’égard de

l’humanité comme un jury à l’égard de son peuple. Il s’ensuit que le droit

des nations doit être référé à l’autorité suprême du genre humain que l’on

nomme parfois le droit des gens. La loi générale de justice donne ainsi des

obligations aux pouvoirs particuliers. Ils doivent respecter l’autorité de la loi

de justice. La souveraineté d’un peuple est limitée, car elle est toujours particulière

alors que celle du genre est universelle.

[Transition]

Tocqueville a répondu à la question qu’il s’adressait pour commencer.

Il nous reste à examiner les enjeux de cette thèse.

3. Les enjeux de la thèse (« Quand donc » jusqu’à

« à plusieurs »)

A. Le droit de résistance

Puisque la volonté d’une majorité doit obéir à une loi générale commune

quand elle légifère dans un pays donné, il s’ensuit que les citoyens de ce

pays ont le droit de résister aux décisions majoritaires lorsqu’elles ne respectent

pas la justice. Faire de la résistance un droit n’est pas évident car

cela risque d’entraîner des désordres déraisonnables. Le caprice individuel

a tôt fait de prétendre qu’il est légitime pour couvrir ses désirs. Remarquons

que Tocqueville donne ici à son texte un tour plus emphatique en employant

la première personne : « Quand donc je refuse d’obéir à une loi injuste ». Ce

n’est pas cependant un simple effet de rhétorique. Il s’agit de manifester

l’importance de la conscience. Une minorité peut avoir raison contre le plus

grand nombre si elle défend des valeurs universelles bafouées par l’ordre

légal. Dans cette optique, on parle des Justes pour désigner les Français

non juifs qui protégèrent ces derniers pendant la Seconde Guerre mondiale.

La conscience morale est étonnante car c’est une instance subjective

capable de former des jugements et d’inspirer des actes de valeur universelle.

Nous retrouvons la même logique que précédemment. Les pouvoirs

sont propres à des nations particulières, l’exigence de justice est absolue.

B. La vraie nature de la majorité

Le texte s’achève par une analyse de la notion de majorité dont le but est

évidemment de prouver qu’elle n’a pas tous les droits. Tocqueville recourt à

deux

...

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