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Allexis de tocqueville visite manchester en 1835

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c une rapidité prodigieuse ?

(...)

Aspect extérieur de Manchester (2 juillet).

Une plaine ondulée ou, plutôt une réunion de petites collines. Au bas de ces collines, un fleuve de peu de largeur (1'Irwell), qui coule lentement vers la Mer d'Irlande. Deux ruisseaux (le Medlock et l'Irk) qui circulent au milieu des inégalités du sol, et, après mille circuits, viennent se décharger dans le fleuve. Trois canaux, faits de main d'homme, et qui viennent unir sur ce même point leurs eaux tranquilles et paresseuses. (...)

Trente ou quarante manufactures s'élèvent au sommet des collines que je viens de décrire. Leurs six étages montent dans les airs, leur immense enceinte annonce au loin la centralisation de l'industrie. Autour d'elles ont été semées comme au gré des volontés les chétives demeures du pauvre. Entre elles s'entendent des terrains incultes, qui n'ont plus les charmes de la nature champêtre (...). Ce sont les landes de l'industrie. Les rues qui attachent les uns aux autres les membres encore mal joints de la grande cité présentent, comme tout le reste, l'image d'une oeuvre hâtive et encore incomplète; effort passager d'une population ardente au gain, qui cherche à amasser de l'or, pour avoir d'un seul coup tout le reste, et, en attendant, méprise les agréments de la vie. Quelques-unes de ces rues sont pavées, mais le plus grand nombre présente un terrain inégal et fangeux, dans lequel s'enfonce le pied du passant ou le char du voyageur. Des tas d'ordures, des débris d'édifices, des flaques d'eau dormantes et croupies se montrent ça et là le long de la demeure des habitants ou sur la surface bosselée et trouée des places publiques. Nulle part n'a passé le niveau du géomètre et le cordeau de l'arpenteur.

Parmi ce labyrinthe infect, du milieu de cette vaste et sombre carrière de briques, s'é1ancent, de temps en temps, de beaux édifices de pierre dont les colonnes corinthiennes surprennent les regards de l'étranger. On dirait une ville du moyen-âge, au milieu de laquelle se déploient les merveilles du XIXème siècle. Mais qui pourrait décrire l'intérieur de ces quartiers placés à l'écart, réceptacles du vice et de la misère, et qui enveloppent et serrent de leurs hideux replis les vastes palais de l'industrie ? Sur un terrain plus bas que le niveau du fleuve et domine de toutes parts par d'immenses ateliers, s'étend un terrain marécageux, que des fosses fangeux tracas de loin en loin ne sauraient dessécher ni assainir. Là aboutissent de petites rues tortueuses et étroites, que bordent des maisons d'un seul étage, dont les ais mal joints et les carreaux brisés annoncent de loin comme le dernier asile que puisse occuper l'homme entre la misère et la mort. Cependant les êtres infortunés qui occupent ces réduits excitent encore l'envie de quelques-uns de leurs semblables. Au-dessous de leurs misérables demeures, se trouve une rangée de caves à laquelle conduit un corridor demi-souterrain. Dans chacun de ces lieux humides et repoussants sont entasses pêle-mêle douze ou quinze créatures humaines.

Tout autour de cet asile de la misère, l'un des ruisseaux dont j'ai décrit plus haut le cours, traîne lentement ses eaux fétides et bourbeuses, que les travaux de l'industrie ont teintées de mille couleurs. Elles ne sont point renfermées dans des quais ; les maisons se sont élevées au hasard sur ses bords. Souvent du haut de ses rives escarpées, on l'aperçoit qui semble s'ouvrir péniblement un chemin au milieu des débris du sol, de demeures ébauchées ou de ruines récentes. C'est le Styx de ce nouvel enfer.

Levez la tête, et tout autour de cette place, vous verrez s'élever les immenses palais de l'industrie. Vous entendez le bruit des fourneaux, les sifflements de la vapeur. Ces vastes demeures empêchent l'air et la lumière de pénétrer dans les demeures humaines qu'elles dominent ; elles les enveloppent d'un perpétuel brouillard ; ici est l'esclave, là est le maître ; là, les richesses de quelques-uns ; ici, la misère du plus grand nombre ; là, les forces organisées d'une multitude produisent, au profit d'un seul, ce que la société n'avait pas encore su donner ; ici, la faiblesse individuelle se montre plus débile et plus dépourvue encore qu'au

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