Le langage
Cours : Le langage. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Maxime ROYER • 31 Juillet 2024 • Cours • 2 212 Mots (9 Pages) • 123 Vues
Fiche – le langage :
Le langage est une notion transversale, qui n’appartient pas véritablement à un domaine précis de la philosophie, mais interroge l’histoire de la discipline elle-même, ses occurrences historiques et, plus généralement, la manière dont ses idées peuvent être déterminées par une culture et une époque données. Cela s’explique par le fait que le langage, en tant que faculté de communication, s’incarne historiquement dans des langues diverses, qui reflètent toujours une certaine représentation du monde et une identité collective. A ce titre, s’il semble impossible de penser hors du langage, qu’il s’agisse de pensée philosophique ou, tout simplement, de la vie courante, ne peut-on pas dire que le langage façonne notre pensée, l’in-forme d’une certaine manière ?
- Définition :
Il faut commencer ici par distinguer précisément langage et langue : le langage, c’est la faculté, souvent considérée comme proprement humaine, d’exprimer une pensée ou une émotion, donc de communiquer avec autrui au moyen d’un système de signes conventionnels.
La langue, c’est au contraire l’incarnation de cette faculté dans un système de signes précis, avec des conventions : la langue française est ainsi une certaine manière d’utiliser la faculté langagière de l’homme. Elle est caractérisée, entre autres, par un ensemble de mots, par des règles grammaticales, de conjugaison, etc. qui sont différentes des règles de l’anglais ou de l’allemand par exemple.
Les langues sont fondées sur l’utilisation de signes, c’est-à-dire d’unités linguistiques constituées d’une partie physique, matérielle, le signifiant, et d’une partie abstraite, conceptuelle, le signifié. Par exemple, le signe « arbre » est constitué du son « arbre » ou de son écriture graphique (les signifiants, selon le support employé) et de l’idée de l’arbre, de sa nature (signifié). Les signes peuvent donc être vocaux, graphiques, mais aussi gestuels, dans le cas de la langue des signes par exemple. Or, ces signes sont des conventions, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune relation de nécessité entre le signifiant et le signifié : si en français nous utilisons le son « arbre » pour signifier l’idée de l’arbre, l’anglais utilise « tree », etc. Les langues sont donc des conventions artificielles, des faits culturels qui ne reposent sur aucune nécessité, d’où leur évolution permanente et leur capacité à intégrer de nouveaux signes, qui permettent de décrire des réalités nouvelles.
- Thèmes et sujets (liste non exhaustive) :
- Le langage déforme-t-il la pensée ? Le langage façonne-t-il notre pensée ? Peut-on reprocher au langage d’être imparfait ? Il s’agit ici d’interroger la relation entre la pensée qui, surtout en philosophie, se veut universelle, et le langage comme capacité qui s’incarne toujours dans une langue donnée, avec des conventions et une certaine manière de percevoir le réel. Plus généralement, le langage, en tant que système qui repose sur des signes arbitraires, décrit-il précisément le réel ? Un mot peut-il, par exemple, décrire un sentiment, une émotion ?
- Discuter, est-ce renoncer à la violence ? Faire usage du langage, est-ce renoncer à la violence ? Le langage, en tant que faculté de communication, permet la relation à l’autre, relation qui se fait, dans le cas de la discussion, sur le mode du respect et non de la violence. Mais le langage peut aussi être utilisé pour blesser autrui, pour le dénigrer, etc., donc pour exercer un certain pouvoir.
- Pourquoi est-il nécessaire de bien parler ? ^^
- Textes et idées :
- La critique nominaliste :
L’une des grandes critiques du langage en philosophie est celle de la doctrine nominaliste, selon laquelle l’universel, recherché par les philosophes et en particulier par Platon, n’existe pas en réalité, mais seulement dans les mots. Le réel n’existe que dans le particulier et les Idées de Platon ne sont donc qu’une illusion, une manière d’inventer un monde au-delà du monde réel, celui des sens. Les mots ne sauraient, de ce fait, nous donner une quelconque vérité des choses qui n’a jamais existé, parce que les mots, en tant que conventions particulières, ne sont rien d’autre que les représentations, les relations que les hommes ont avec les choses, les êtres, à une époque donnée.
C’est l’idée que défend en particulier Nietzsche, dans La Philosophie à l’époque tragique des Grecs : « Nous ne pénétrerons jamais à l’aide de mots et de concepts derrière le mur des relations et pour ainsi dire dans quelque chimérique fond originel des choses ». Le vocabulaire employé ici par Nietzsche, en particulier dans l’expression « chimérique fond originel des choses » est une critique directe de Platon, car Nietzsche voit dans le monde des Idées un monde caché, un arrière-monde inventé par Platon et la philosophie grecque en général pour ne pas se limiter au monde réel, particulier et sensible. Cependant, il ne s’agit pas de ne plus utiliser le langage, qui nous permet de communiquer et demeure essentiel à la pensée humaine : il s’agit simplement de comprendre sa nature réelle et la relation conventionnelle qu’il nous permet d’entretenir avec les choses, avec l’être, pour ne pas le prendre pour ce qu’il n’est pas. De l’universel des mots, par exemple du verbe « être », il faut passer au particulier des êtres, des étants qui existent véritablement et non pas de manière fictive, dans la langue.
Bonus : Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (aussi appelé Second Discours). Si Nietzsche critique, avec le nominalisme, la langue comme une fiction universelle, Rousseau y voit un avantage, qui permet à l’homme, contrairement aux animaux, de former des idées universelles et de se détacher du particulier. Il défend ainsi l’idée que penser, c’est s’abstraire, s’éloigner du particulier de l’existence pour mener une réflexion universelle. Or, seul le langage, en tant qu’il est conventionnel et repose sur des idées, les signifiés, permet véritablement à la pensée humaine de s’élever vers l’universel, ce qui est utile notamment en science : « D’ailleurs, les idées générales ne peuvent s’introduire dans l’esprit qu’à l’aide des mots, et l’entendement ne les saisit que par des propositions […] Les êtres purement abstraits se voient de même, ou ne se conçoivent que par le discours. La définition seule du triangle vous en donne la véritable idée : sitôt que vous en figurez un dans votre esprit, c’est un tel triangle et non pas un autre ».
- La pensée est indissociable du langage :
On ne saurait séparer la pensée de la langue. Il n’y a pas de pensée sans langage, et pas encore de pensée tant qu’elle ne parvient pas à se formuler dans des mots : c’est ce que montre ici Benveniste, linguiste français du XXe siècle, dans Problèmes de linguistique générale. C’est aussi l’idée que défend Hegel dans sa Philosophie de l’esprit : « L’ineffable c’est la pensée obscure, la pensée à l’état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu’elle trouve le mot ».
Benveniste écrit ainsi : le contenu de la pensée « reçoit forme de la langue et dans la langue, qui est le moule de toute expression possible ; il ne peut s’en dissocier et il ne peut la transcender ». La langue, en tant qu’incarnation particulière du langage, est un ensemble de signes, avec des conventions, des règles, qui traduisent déjà une certaine conception du monde. Or, toute pensée s’exprime nécessairement dans une langue, y compris une pensée intérieure : c’est pourquoi Platon définissait déjà la pensée comme un dialogue se tenant sur la scène intérieure de l’âme. La langue n’est donc pas un simple outil de communication comme un autre, qu’on pourrait échanger avec un autre outil, à l’instar d’un marteau qui ne serait pas adapté pour certaines tâches. C’est un milieu dans lequel l’individu naît et grandit, qui lui préexiste et par lequel il pense. Benveniste conclue ainsi : « Nous ne saisissons la pensée que déjà appropriée aux cadres de la langue. Hors de cela, il n’y a que volition obscure, impulsion se déchargeant en gestes, mimique, c’est dire que la question de savoir si la pensée peut se passer de la langue ou la tourner comme un obstacle, pour peu qu’on analyse avec rigueur les données en présence, apparaît dénuée de sens ».
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