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Lorenzaccio

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pour être garçon boucher ou valet de charrue, couche

dans le lit de nos filles, boit nos bouteilles, Casse nos vitres; et encore le paye-t-on

pour cela.

2. LE MARCHAND. Peste ! peste ! Comme vous y allez! Vous avez l'air de savoir tout

cela par coeur; il ne ferait pas bon dire cela dans toutes les oreilles, voisin Mondella.

3. L'ORFEVRE. Et quand on me bannirait comme tant d'autres ! On vit à Rome aussi

bien qu'ici. Que le diable emporte la noce, ceux qui y dansent et ceux qui la font ! (Il

rentre. Le marchand se mêle aux curieux. Passe un bourgeois avec sa femme.)

4. LA FEMME. Guillaume Martelli est un bel homme, et riche. C'est un bonheur pour

Nicolo Nasi d'avoir un gendre comme celui-là. Tiens, le bal dure encore. Regarde

donc toutes ces lumières.

5. LE BOURGEOIS. Et nous, notre fille, quand la marierons-nous ?

6. LA FEMME. Comme tout est illuminé ! danser encore à l'heure qu'il est, c'est là une

jolie fête ! On dit que le duc y est.

7. LE BOURGEOIS. Faire du jour la nuit, et de la nuit le jour, c'est un moyen commode

de ne pas voir les honnêtes gens. Une belle invention, ma foi, que des hallebardes à

la porte d'une noce ! Que le bon Dieu protège la ville ! Il en sort tous les jours de

nouveaux, de ces chiens d'Allemands, de leur damnée forteresse.

8. LA FEMME. Regarde donc le joli masque. Ah ! la belle robe ! Hélas ! tout cela

coûte très cher, et nous sommes bien pauvres, à la maison. (Ils sortent.)

9. UN SOLDAT, au marchand. Gare ! canaille ! laisse passer les chevaux.

10. LE MARCHAND. Canaille toi-même, Allemand du diable ! (Le soldat le frappe de

sa pique.)

11. LE MARCHAND, se retirant. Voilà comme on suit la Capitulation ! Ces gredins-là

maltraitent les citoyens. (Il rentre chez lui.)

12. L'ECOLIER, à son camarade. Vois-tu celui-là qui ôte son masque ? C'est Palla

Ruccellaï. Un fier luron ! Ce petit-là à côté de lui, c'est Thomas Strozzi, Masaccio,

comme on dit.

13. UN PAGE, criant. Le cheval de Son Altesse !

14. LE SECOND ECOLIER. Allons-nous-en, voilà le duc qui sort.

15. LE PREMIER ECOLIER. Crois-tu qu'il va te manger ? (La foule s'augmente à la

porte.)

16. L'ECOLIER. Celui-là, c'est Nicolini celui-là, c'est le provéditeur. (Le duc sort, vêtu

en religieuse, avec Julien Salviati, habillé de même, tous deux masqués.)

17. LE DUC, montant à cheval. Viens-tu, julien ?

18. SALVIATI. Non, Altesse, pas encore. (Il lui parle à l'oreille.)

19. LE DUC. Bien, bien, ferme!

20. SALVIATI. Elle est belle comme un démon. Laissez-moi faire, si je peux me

débarrasser de ma femme. (Il rentre dans le bal.)

21. LE DUC. Tu es gris, Salviati; le diable m'emporte, tu vas de travers. (Il part avec sa

suite.)

22. L'ECOLIER. Maintenant que voilà le duc parti, il n'y en a pas pour longtemps. (Les

masques sortent de tous côtés.)

23. LE SECOND ECOLIER. Rose, vert, bleu, j'en ai plein les yeux; la tête me tourne.

24. UN BOURGEOIS. Il paraît que le souper a duré longtemps : en voilà deux qui ne

peuvent plus se tenir. (Le provéditeur monte à cheval ; une bouteille cassée lui tombe

sur l'épaule.)

25. LE PROVEDITEUR. Eh! ventrebleu! quel est l'assommeur, ici ?

26. UN MASQUE. Eh ! ne le voyez-vous pas, seigneur Corsini ? Tenez, regardez à la

fenêtre; c'est Lorenzo, avec sa robe de nonne.

27. LE PROVEDITEUR. Lorenzaccio, le diable soit de toi, tu as blessé mon cheval. (La

fenêtre se ferme.) Peste soit de l'ivrogne et de ses farces silencieuses ! un gredin qui

n'a pas souri trois fois dans sa vie, et qui passe le temps à des espiègleries d'écolier

en vacance ! (il sort. Louise Strozzi sort de la maison, accompagnée de Julien

Salviati; il lui tient l'étrier. Elle monte à cheval; un écuyer et une gouvernante la

suivent.)

28. SALVIATI. La jolie jambe, chère fille ! Tu es un rayon de soleil, et tu as brûlé la

moelle de mes os.

29. LOUISE. Seigneur, Ce n'est pas là le langage d'un cavalier.

30. SALVIATI. Quels yeux tu as, mon cher coeur ! quelle belle épaule à essuyer, tout

humide et si fraîche ! Que faut-il te donner pour être ta camériste cette nuit ? Le joli

pied à déchausser !

Louise. Lâche mon pied, Salviati.

31. SALVIATI. Non, par le corps de Bacchus ! jusqu'à ce que tu m'aies dit quand nous

coucherons ensemble. (Louise frappe son cheval et part au galop.)

32. UN MASQUE, à Salviati. La petite Strozzi s'en va rouge comme la braise; vous

l'avez fâchée, Salviati.

33. SALVIATI. Baste ! colère de jeune fille, et pluie du matin... (Il sort.)

Plan :

• I - Le cadre géographique et historique

• II - Les personnages

• III - Les thèmes essentiels

Analyse :

I - Le cadre géographique et historique

A. Le cadre géographique.

• A travers la description du cadre, on remarque le souci de la couleur locale (volonté de faire vrai). La couleur locale apparaît : "les grands palais", "la citadelle", réplique 7 : "damnée forteresse" dans laquelle Charles Quint a installé une garnison (Forteressa de Basso).

• Allusion au carnaval et ses coutumes. Les personnages sont masqués : réplique 8 : "joli masque", réplique 26 : "avec sa robe de nonne", réplique 16 en didascalies : "vêtu en regligieuse".

• Les familles :

o réplique 12 : Puccellaï, allié au Strozzi;

o Médicis, réplique 26 avec Lorenzo;

o réplique 12 : Strozzi.

Le cadre géographique est précisé (allusion à la garnison) par le nom de la ville et le nom des familles qui en sont originaires.

B. Le cadre historique.

Repères :

• au pouvoir : Charles Quint et le pape qui ont amené au pouvoir Alex de Médicis (début du texte : allusion à la naissance trouble d'Alex de Médicis). On sait donc que l'histoire se déroule peu après la naissance trouble d'Alex.

• installation des allemands : réplique 7 : "ces chiens d'allemands de leur damnée forteresse".

• référence à Rome. Deux lieux d'exil pour les Florentins bannis : Vienne et Rome (réplique 3).

A travers ces indications, le cadre temportel est complété. La deuxième scène jour plus un rôle d'exposition que la première, au sens traditionnel du terme.

II - Les personnages

Deux catégories : ceux qui regardent (le peuple) et ceux qui sont regardés (les nobles).

Musset projète dans le contexte de 1536 des éléments de l'actualité de son temps.

A. Ceux qui regardent.

• L'orfèvre : Il se présente comme quelqu'un opposé au pouvoir en place (Alexandre).

Il remet en question la façon dont Alexandre est arrivé au pouvoir

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