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Une société peut elle être juste?

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Par   •  4 Mars 2022  •  Dissertation  •  2 394 Mots (10 Pages)  •  1 214 Vues

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Une société peut-elle être juste ?

Introduction :

        On considère communément que pour être juste, il faut respecter la loi. Or, l’histoire nous a montré que respecter la loi ne nous amenait pas forcément à agir justement, comme ce fut le cas des personnes qui cachaient des Juifs (les Justes parmi les nations) pendant la Seconde Guerre Mondiale. Dès lors, si une société peut accepter, dans son fonctionnement, des lois fondamentalement injustes, est-il même possible qu’une société soit juste ?

        La société est-elle par essence empreinte d’injustice ou bien son principe même d’existence n’est-il pas la justice elle-même ? En effet, la société, qui est un ensemble d’individus vivant ensemble et possédant des législations communes, prend ses sources dans la volonté de vivre dans un environnement juste. La notion de justice désigne, d’une part, le principe moral qui exige le respect de la norme du droit, et d’autre part, la vertu qui consiste à respecter les droits d’autrui. Dès lors, une société juste serait une société dont le fonctionnement n’engendre pas d’injustice. Pourtant, on observe tous les jours des injustices au sein de la société (entre les classes sociales, au niveau des salaires, etc) : n’y a-t-il pas de ce fait une opposition entre la justice au sens politique (l’institution) et la justice au sens moral (comme concept) ? Cela signifierait que vivre dans une société n’est pas nécessairement vivre en justice.

On peut donc se demander si la justice comme institution dans la société est vectrice de justice au sens moral pour les individus.

Si d’une part, la société a créé le concept de justice et peut sans problème être juste, il apparaît toutefois qu’il existe des injustices au sein de toute société. Malgré tout, pour que la société soit juste, ne faut-il pas d’abord que l’individu soit juste, c’est-à-dire qu’il vive dans une société faite pour apaiser les rapports entre les hommes ?

  1. La société a créé le concept de justice donc elle peut sans problème être juste : quelles sont les conditions de possibilité de la justice dans la société
  1. La société possède des lois, qui punissent l’injustice

Toute société a été créée avec des lois (puis qu’elle est par définition un ensemble d’individus qui accepte de vivre sous une législation commune). Ces lois régissent les rapports entre les hommes et visent donc à supprimer l’injustice. En effet, sans les lois, il n’existe pas de norme naturelle du juste : c’est ce que cherche à montrer Hans Kelsen dans la Théorie pure du droit, où il défend le concept de positivisme juridique. Selon lui, ce qu’on appelle le droit naturel est une notion qui n’a pas de sens. Le critère de ce qui est juste ne doit donc pas être cherché à l’extérieur des codes de loi, du droit : nous n’avons que le droit pour fonder la justice (il n’y aurait pas de justice à l’état naturel). De ce fait, une société peut être juste car elle dispose de lois qui visent à mettre en place la justice. Les lois, dans la société, sont ce qui permet d’établir la justice entre les hommes, afin d’éviter la violence. Il semble donc évident qu’une société puisse être juste, car la société institue une justice par les lois. Par ailleurs, cette société est-elle-même le résultat d’un accord entre les hommes ?

  1. Les hommes s’allient entre eux pour être juste et pour faire société

La raison d’être de la société est la volonté des hommes de s’unir pour survivre et pour ne pas demeurer dans des rapports conflictuels. Si la société est créée pour répondre à ce besoin de justice, il ne ferait donc aucun doute qu’elle puisse être juste. Les hommes feraient donc une une sorte de « pacte » pour faire société. Cette idée de pacte est notamment développée par Rousseau dans Du contrat social. Il explique en effet que le « pacte social » a pour raison d’être l’utilité commune et n’est donc pas imposé : chacun se sacrifie volontairement à tous dans son propre intérêt. Ce pacte consiste à consentir à abandonner une partie de sa liberté individuelle, et ce dans le but de viser une plus grande liberté, pour vivre dans une société juste. Dans cette société juste, selon Rousseau, les lois instituées seraient l’expression de la volonté générale de tous les individus, qui s’oppose donc à la domination de certains intérêts particuliers. Dès lors, puisque la société est instituée par un pacte entre les individus pour atteindre une forme justice, elle peut être juste. De ce fait, même lorsque les lois ne sont plus l’expression de la volonté générale, la société elle-même peut agir pour retrouver cet idéal de justice.

  1. Quand la loi ne va pas bien la société se réveille. 

Une société peut être juste mais connaître des lois injustes : dans ce cas, la société peut se révolter contre l’institution qui a mis en place ces lois injustes, au nom de la justice. Par exemple, certains artistes peuvent exprimer leur révolte face à l’injustice de la société : c’est le cas de l’artiste Banksy, spécialiste du street art. D’autre part, certaines sociétés ont connu des changements radicaux lorsqu’une partie du peuple a estimé qu’elles ne correspondaient plus à leur idée de la justice. Par exemple, la société française s’est réveillée à la fin du XVIIIe siècle, face à l’absolutisme royal, pour dénoncer la société des trois ordres et des privilèges. Ainsi, même lorsque les lois instituées sont injustes, la société elle-même peut être juste en désobéissant à la loi. Le philosophie américain Thoreau soutient cette idée dans De la désobéissance civile, où il montre qu’un peuple peut avoir le droit, voire le devoir, de se révolter contre un gouvernement lorsqu’il met en place des lois injustes. En fin de compte, il est bien possible pour une société d’être juste.

  • Néanmoins, la Révolution Française ne s’est pas faite sans injustices (il y eut de nombreux massacres à l’encontre des prêtres réfractaires). Dès lors, la société peut-elle réellement vivre sans injustices ?

  1. Mais pourtant, il existe des injustices dans la société

  1. Il existe de nombreuses inégalités au sein de toute société, qui est un groupe au sein duquel l’individu finit par être confondu et écrasé : 

En effet, les lois sont générales et ne peuvent donc s’appliquer à chaque cas particulier. Par conséquent, même si des lois sont instituées, elles ne peuvent pas remettre en cause les inégalités qui sont inscrites dans la société, notamment entre les classes sociales.  Le philosophe Karl Marx donne le nom de « lutte des classes » à cet état d’injustice qui existe entre « prolétaires » et « bourgeois » enrichis. La volonté de l’individu finit donc par disparaître dans une société, et par conséquent la société ne peut pas être totalement juste puisque des injustices demeurent entre individus. De plus, la justice institutionnelle peut elle-même rendre des jugements injustes, notamment lorsque des facteurs externes rentrent en compte. Ainsi, l’affaire Dreyfus a vu la condamnation injuste d’un officier innocent, sur fond d’antisémitisme. Il apparaît donc qu’au sein de la société tous les individus ne sont pas égaux entre eux et que même la loi puisse s’appliquer différemment dans certains cas. Une société ne peut donc pas être juste, puisqu’elle est par essence inégalitaire.

  1. La société consacre le pouvoir de la majorité, or la majorité peut-elle être juste ?

Nous avons défini la société comme un groupe d’individus qui vivent ensemble. Or, pour faire société, il faut qu’il y ait un groupe élu de personnes, représentant la majorité, pour faire les lois. Mais cette majorité n’est pas forcément juste et le principe même de majorité peut être source d’injustices. Ainsi, la majorité peut vouloir qu’on tue un homme, mais cela n’est pas forcément juste. Même si les hommes s’allient entre eux pour former une société, cela ne signifie pas que la société qui va émerger de leur pacte sera juste. La démocratie, comme régime gouverné par la peuple et la majorité, n’est pas forcément juste : c’est pourquoi Platon, dans la République, au Livre VIII, critique la démocratie lorsqu’il donne la définitions des quatre régimes politiques existants (tyrannie, démocratie, timocratie, aristocratie). Selon lui, la démocratie dérive nécessairement vers une forme de populisme, où la foule est celle qui détient le pouvoir (on peut aussi parler d’ochlocratie : le pouvoir de la foule). Une telle société ne peut donc pas être juste, car elle serait au main d’une foule dominée par ses passions. Que cela soit du point de vue institutionnel ou non, la société ne pourrait donc pas entièrement être juste.

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