Dossier de littérature médiévale sur l'amour courtois
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L’amour courtois est avant tout un jeu amoureux. Au commencement il y a une dame. Un jeune homme célibataire fait sa rencontre ou l’aperçoit et tombe éperdument amoureux d’elle. Désormais il n’est plus libre, son bonheur dépend entièrement du bon vouloir de la femme qu’il aime. La femme est encore libre, libre d’accepter ou de refuser cet amour qui lui est offert. S’en suit alors une série d’épreuves au cours desquelles le jeune homme devra prouver sa vaillance et la pureté de son amour. Si la femme accepte finalement cet amour, elle est à son tour prisonnière et doit se livrer corps et âme à celui qui l’a finalement conquise.
Aux vues de cette définition, l’histoire d’amour qui unit Tristan à Iseut, Alexandre à Soredamor et Cligès à Fénice, relève effectivement de l’amour courtois.
Selon André Chapelain, « L’homme ne peut aimer qu’après la puberté. ». Ainsi, l’enfance n’est jamais relatée dans les romans courtois. Cette constatation a notamment du sens dans le roman Cligès : Chrétien de Troyes y met en parallèle l’histoire d’amour d’Alexandre père, d’Alexandre son fils et de son petit-fils Cligès, sans que jamais l’enfance de ceux-ci ne soient narrée. Il en est de même dans le mythe de Tristan et Iseut. En outre, la rencontre entre les deux amants n’a jamais lieu avant cette limite d’âge, afin de ne pas contrecarrer la naissance du sentiment amoureux ou la possibilité d’un coup de foudre. De manière générale, le récit d’un roman courtois ne commence qu’à l’adolescence du jeune homme, celui-ci pouvant aimer une femme d’âge plus mûr.
Dans la lignée des romans de chevalerie, les romans courtois mettent en avant la vaillance et le courage du héros. Ainsi la valeur de l’amour n’a d’égal que les difficultés surmontées pour y accéder. On retrouve cette idée dans Le Traité de l’Amour Courtois d’Alain Chapelain : « Une conquête facile rend l’amour sans valeur ; une conquête difficile lui donne du prix. ». En effet, après avoir mille fois éprouvés la guerre, les hommes souhaitent étendre le rêve chevaleresque à un sentiment plus noble, l’amour. Manifestement d’un raffinement ô combien audacieux, élévation du cœur et de l'âme jusqu'aux plus divins espoirs, l’amour chanté par les troubadours ou narré par les poètes, donne un nouveau sens à la vie de la noblesse médiévale.
Conformément à l’idée selon laquelle la dame doit être inaccessible pour susciter l’amour, celle-ci est le plus souvent mariée ou promise à un seigneur de haut lignage. Adultère, l’amour n’en devient que plus difficile à réaliser. Divers obstacles se dressent alors, que le jeune amoureux se devra de surmonter pour prouver la pureté de son amour et sa loyauté. Le thème du mari jaloux est récurrent. Dans le lai du Chèvrefeuille, Marie de France évoque la jalousie du roi Marc : « le roi Marc, furieux contre son neveu Tristan, l’avait chassé de sa cour à cause de son amour pour la reine. ». Cet exil forcé est un obstacle supplémentaire à l’amour que porte Tristan à Iseut la blonde, ils sont, pour un an au moins, dans l’incapacité de se voir et de donner libre court à leur passion. De la même façon, Alis trahit sa promesse et prend Fénice comme épouse, contrecarrant ainsi l’amour naissant entre Cligès et la jeune fille. Dans le Traité de l’Amour Courtois, André Chapelain édicte finalement cette contradiction en tant que règle de l’amour courtois : « Le mariage n’est pas une excuse valable pour ne pas aimer. ».
Dans la plupart des romans courtois, l’infidélité à l’amant est posée comme nécessité pour ne pas éveiller les soupçons d’un mari déjà jaloux. C’est bien sûr le cas d’Iseut qui ne peut repousser les avances du roi Marc en devenant sa femme. Mais dans Cligès, Chrétien de Troyes fait l’apogée de la fidélité, et n’hésite pas à parodier le mythe celte. Fidèle à cette conception, qu'elle incarne pleinement, Fénice dédaigne constamment Iseut, dont elle refuse de partager le sort infamant. S'interdisant tout d'abord d'avoir comme elle deux possesseurs, elle déclare : "Qui a le cœur, qu'il ait le corps !". Usant à cette fin une potion destinée à faire croire à son mari qu’il consomme leur union chaque nuit sans qu’il n’en soit jamais rien en réalité, elle semble se jouer du mythe celte, dont l’amour fut conditionné par un semblable sortilège. N'acceptant en aucun cas d'embrasser la fuite déshonorante des deux amants, Cligès et Fénice voient finalement leurs efforts récompensés par leur mariage et leur couronnement.
Auparavant, Chrétien de Troyes lui-même avait composé une version du roman de Tristan et Iseut, mais cette version n’est malheureusement pas parvenue jusqu’à nous. Au début de Cligès, il dit avoir écrit sur « le roi Marc et Yseut la Blonde » ; il aurait été intéressant de savoir s’il y défendait ou condamnait la passion adultère de Tristan et Yseut. Dans Cligès, on retrouve de nombreuses allusions au mythe celte, Chrétien de Troyes s’y montre particulièrement sévère, à la fois contre la doctrine courtoise et contre la thématique développée dans le Roman de Tristan ; comme le montre l’exemple de Fénice cité précédemment.
Bien que conformément aux règles rédigées par André le Chapelain, « Rien n’empêche une femme d’être aimée par deux hommes, et un homme d’être aimé par deux femmes », « Celui que tourmente trop la luxure n’aime pas vraiment. ». Ainsi, il est possible de justifier le funeste destin de Tristan et Iseut par l’absence de vertu de cette dernière. Dans le Traité de l’Amour Courtois, il est également précisé que « Le véritable amant ne désire d’autres étreintes que celles de son amante », et que « Seule la vertu rend quelqu’un digne d’être aimé. ». Dans cet ouvrage de la fin du XXème siècle, André Chapelain semble faire une règle de la démarcation de Chrétien de Troyes, qui fut le premier romancier de l’amour courtois à contrecarrer le mythe celte au profit de valeurs morales.
Cette redéfinition de l’amour courtois, opérée par Chrétien de Troyes au cours de son œuvre, est notamment exposée dans l’extrait de Cligès présent dans le corpus. Il s’agit d’un « amour sincère, sans tromperie », réciproque et cependant qui ne remet pas en cause l’identité propre à chacun des amants. Il ne s’agit pas pour eux de se confondre ou de s’unir en un seul, mais de s’allier en dépit de leurs différences car « ils n’ont ensemble qu’un même désir ». Cette vision de l’amour est d’une modernité sans précédent. Au fil de ses récits, il tâche de démontre que l’amour doit s’épanouir au sein du mariage et être renforcé par la fidélité mutuelle des époux, s’opposant ainsi à la doctrine courtoise qui affirme que l’amour est nécessairement adultère.
La pureté et la puissance de l’amour qu’éprouvent les deux amants l’un pour l’autre est sans cesse prouvé au cours du récit d’un roman courtois. Afin de justifier cette caractéristique courtoise, il suffit de se référer une fois encore au Traité de l’Amour Courtois, dans lequel Chapelain précise que « Le véritable amant est obsédé sans relâche par l’image de celle qu’il
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